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La récidive : « Des femmes reviennent en prison pour avoir volé des protections hygiéniques »

Dans ce blog, je trouve important d’aborder des sujets qui concernent notre société et de donner ma vision, mon témoignage, enfin de mettre mon petit grain de sel. Le sujet de ce billet est plus qu’actuel, il s’agit de la récidive, vaste question, source de polémiques.

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Prison récidive

Aborder le sujet de la récidive me parait nécessaire, bien que je n’entre pas dans cette case. Je ne vais donc pas parler de moi directement mais ouvrir une fenêtre sur ce que j’ai pu constater ici et le cheminement auquel cela m’amène.

Je fais tout d’abord une distinction entre deux types de récidive :

  • celle qui concerne les longues peines, c’est-à-dire des personnes ayant commis des crimes graves
  • celle qui concerne de courtes peines, majoritairement des délinquants.

« Le travail psychique en détention reste sommaire »

Je n’évoquerai pas longuement la première catégorie, cela concerne en effet des profils particuliers de type violence sexuelle, pédophilie.

Un sujet qui mériterait un billet à lui tout seul, car la réitération de ce type d’actes me semble avoir des répercussions plus lourdes et profondes qu’une simple récidive. Les moyens ne sont tout simplement pas suffisants pour mettre ces personnes hors d’état de nuire. Le travail psychique en détention reste sommaire.

En prison, il y a certes des psychologues et psychiatres mais trop peu, 4 à 5 pour 500 détenus. Comme toujours, pour obtenir une consultation ou un suivi, il faut écrire et le délai peut être très long, de un an à un an et demi.

Les grosses pathologies sont prises en compte plus rapidement mais le cas moins graves doivent patienter longtemps, quitte à ce que soit ensuite mentionnée dans leur dossier l’absence de traitement psychologique… comme s’ils en étaient responsables. Et lorsque ces détenus sont remis en liberté, là encore, le suivi est bien trop léger pour garantir la sécurité de tous et prévenir la récidive

La récidive : des allers-retours perpétuels entre prison et extérieur

Je vais évoquer plus longuement l’autre type de récidive, celle des peines dites « petites ». Des personnes font dès leur plus jeune âge des allers-retours perpétuels entre prison et extérieur. Je peux dire qu’avec mon expérience carcérale, je pourrais écrire une thèse sociologique. En quelques années, j’ai vu un bon nombre de femmes entrer et sortir plusieurs fois. Un peu comme si la prison était une deuxième maison, un lieu où l’on viendrait passer l’hiver.

Les profils que j’ai rencontrés étaient, sauf pour de rares exceptions, des êtres cabossés par la vie, enfants de l’Assistance publique, ou avec des parents défaillants, ayant grandi dans la précarité.

J’ai connu une jeune femme, aide soignante, qui  avait fait une bêtise passible de prison, rien de très grave. Elle a perdu son emploi, puis la garde de ses enfants que son mari a emmenés après avoir obtenu le divorce. 

Cette jeune femme, pourtant bien insérée avant la détention, s’est retrouvée sans travail , sans famille et sans logement.
La chute est encore plus vertigineuse pour les personnes comme les SDF. Ils ont souvent vécu une enfance difficile, une vie chaotique. Ils perdent  en prison leur peu de repères et les liens ténus avec l’extérieur.

« Un véritable abandon du sens de la peine »

Je ne dis pas que cela excuse tout, les personnes ont la responsabilité de leurs choix, comme celui de s’abandonner elles-mêmes en choisissant une voie qui ne les mènera qu’en prison.

Néanmoins, je l’ai constaté et le constate, le volet réinsertion est totalement absent, plus encore pour ce type de profils. selon moi, Il y a un véritable abandon du sens de la peine.

J’ai parfois senti que si, avec leur carapace et leur fort caractère, ce type de vie semble convenir à ces femmes, certaines pourtant rêvent d’autre chose mais ne se pensent absolument pas capables de mener à bien un projet, comme si l’idée de réintégrer la société au grand jour relevait pour elles de l’impossible. Elles ont décroché depuis longtemps, pour autant qu’elles aient un jour fait partie de cette société.

Je ne supporte pas d’entendre que la prison permet de réinsérer, cela est faux. Cela était sans doute l’objectif premier, mais nous en sommes extrêmement loin. J’ai rencontré des détenues qui n’avaient quasiment jamais été à l’école et qui ne savaient même pas quel était leur niveau.

« Une jeune femme qui s’est retrouvée à la rue, sans travail ni possibilité de formation »

Je me souviens d’une jeune femme persuadée de n’avoir aucune capacité, je l’avais pourtant entendue un jour faire de tête des calculs hallucinants.
Lorsque je lui avais demandé d’où elle tenait ce talent, elle m’avait répondu : 

« Il fallait bien compter les kilos de résine et les liasses de billets ».

Pas mécontente de mes compliments, elle a mûri le projet de suivre une formation de comptable, avant ou après sa sortie. Malheureusement, elle n’avait pas les contacts nécessaires et le SPIP (Service d’Insertion et de Probation) lui avait uniquement répondu que cela était « trop compliqué ».

En fin de peine,sans avoir pu faire le moindre projet, elle n’a pu bénéficier de la sortie conditionnelle, qui débouche sur une réinsertion progressive et surveillée par des professionnels. Elle s’est retrouvée à la rue, sans travail ni possibilité de formation.

Photo d’illustration CC Agnese Kisune / Unsplash

« Le problème des sorties dites sèches de prison »

C’est, selon moi, tout le problème des sorties dites sèches.
Ne vaudrait-il pas mieux la conditionnelle plutôt qu’une sortie sans préparation ni suivi, avec fatalement, retour au point de départ. D’autant qu’à la rue et sans logement, je vous l’assure, les tentations sont grandes de retomber dans ses anciens travers.

Lorsque je vois des femmes revenir en prison une nouvelle fois pour avoir volé dans un supermarché des denrées alimentaires ou des protections hygiéniques, car oui, cela arrive bien souvent alors que l’on trouve notre justice laxiste, je me dis que notre société est en perdition. Comment imaginer que cela peut conduire à une amélioration et empêcher la récidive ?

Je trouve que notre système déraille. Il déraille depuis longtemps et nourrit la récidive, en tout cas une partie importante. Combien encore cette situation sera-t-elle ignorée ? Juger, punir, pourquoi pas ; cependant la prison est-elle la réponse à tous les maux  ? J’en doute.

S’intéresser à ce problème de fond est pour moi l’une des clés essentielles à l’amélioration de notre société.


#Prison

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