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Témoignage d’un policier sur les rodéos à Lyon  : « Qu’on nous laisse faire notre travail ! »

Les rodéos semblent se multiplier dans le centre de Lyon. Sur le terrain, un policier de la banlieue lyonnaise témoigne de consignes qui lui interdisent d’agir.

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rodéos Lyon

Depuis la mi-avril, des rodéos se succèdent dans le centre-ville de Lyon, au beau milieu d’une place Bellecour déserte et même jusque sous les fenêtres du maire. Ce mercredi 5 avril, les moto-cross ont à nouveau fait leur show place Bellecour.

De nombreux titres de la presse lyonnaise ont chroniqué ces « rodéos urbains », interrogeant l’exécutif municipal écolo sur les mesures visant à empêcher ce phénomène. Autre grief relayé : l’impunité dont semblent bénéficier les jeunes motards qui, à chaque fois, ont pu repartir librement, leurs moteurs encore fumants. Mais que fait la police ?  

« Il n’y a pas d’impunité » selon le maire de Lyon

Face à cette grogne largement médiatisée, le procureur de la République de Lyon, Nicolas Jacquet, s’est fendu d’un communiqué de presse pour faire le point sur l’action de la justice en matière de rodéos. Il annonce qu’au premier trimestre 2021, 32 enquêtes ont été ouvertes suite à des rodéos, dont 18 ont permis d’identifier les responsables, jugés dans la foulée en comparution immédiate dans la plupart des cas.

En septembre 2020 déjà, l’adjoint à la ville de Lyon en charge de la sécurité, de la sûreté et de la tranquillité avait annoncé la création d’une cellule anti-rodéo. Ce jeudi 6 mai, le maire de Lyon lui-même, Grégory Doucet, a affirmé lors d’une conférence de presse que l’exécutif prenait le problème des rodéos très au sérieux :

« Il est évidemment insupportable qu’on ait autant de rodéos dans la ville. Lyon n’est pas la seule ville qui souffre de ces nouvelles pratiques. Pour autant, c’est devenu une activité assez récurrente. […] Il n’y a pas d’impunité pour ce genre de pratique, on doit réagir et c’est ce qu’on fait. Pour autant, en accord avec la préfecture, dans la quasi totalité des cas, il n’y a pas d’interventions en direct quand le rodéo a lieu pour des questions de sécurité. Pour ne pas générer d’accidents, on filme, on mène l’enquête, on les arrête, et quand c’est nécessaire on les emprisonne. »

La police interdite de suivre les rodéos depuis 1999

Dylan*, policier à police-secours depuis une dizaine d’années en banlieue lyonnaise, rit jaune devant ces déclarations. Une note du directeur central de la sécurité publique (DCSP), Jean-Marie Salanova, enjoint les forces de l’ordre à limiter les poursuites des auteurs de rodéo, en voiture et surtout en deux roues :

« Les poursuites de véhicules ne doivent être liées qu’à des faits d’une grande gravité tels que :
– fuite ou évasion d’un individu armé ayant l’intention d’attenter à la vie d’un tiers
– auteurs, armés ou non, d’un crime de sang
– auteurs non identifiés d’autres crimes ou de délits aggravés entraînant un préjudice corporel
Les autres situations pénales sont exclues de toute poursuite systématique et notamment en cas de refus d’obtempérer. »

Un wheeling près de LyonPhoto : Leo

Datant de 1999, cette note est appliquée strictement à Lyon depuis un peu plus d’un an, détaille Dylan*. A chaque annonce d’un suivi de véhicule, elle est rappelée aux policiers.

« Pour les deux-roues, on a même pas le temps d’annoncer la plaque qu’on nous dit immédiatement de cesser le suivi, en vertu de la note 89. Les consignes sur les rodéos de deux-roues sont : vous vous montrez mais en aucun cas vous ne procédez au suivi. »

Cette semaine encore, il affirme avoir croisé « des motos dans tous les sens » pendant son travail. « Comme d’habitude », lâche le flic, laconique :

« Les rodéos sont passés à la télé parce que c’était place Bellecour et devant l’Hôtel de ville. Là, on en parle parce que c’est sur la Presqu’île alors les gens se disent « oh mon Dieu, mais qu’ils restent dans leurs banlieues ! » alors que dans les banlieues, ça existe depuis toujours. On les regarde, ils nous insultent, nous font des doigts d’honneur, nous tournent autour quand on est sur une intervention… Et on ne peut rien faire. »

« S’en prendre au porte-monnaie des jeunes »

Motard également, le policier a du mal à comprendre ce qui peut pousser ces jeunes – et moins jeunes – adultes à sillonner Lyon à une allure beaucoup trop élevée, parfois même sur la roue arrière.

« Les banlieues lyonnaises sont entourées de chemins de terre et de champs. Moi aussi, je suis motard, je ne roule pas à 250 km/h sur la route parce qu’il n’y a pas de circuit dans ma commune. Ils ont envie de provoquer c’est tout. Enfin, pas que de nous provoquer parce qu’on n’est pas tout le temps là. Mais pour eux c’est normal de faire ça. Ils aiment la transgression. »

Pour lui, le problème de fond est du ressort des parents. Le cas échéant, il estime que le plus efficace pour mettre fin aux rodéos ne serait pas davantage d’effectifs de police, comme annoncé récemment par Gérald Darmanin, mais de « s’en prendre au porte-monnaie des jeunes » :

« Qu’on nous laisse faire notre travail. Le citoyen lambda qui roule sans ceinture ou qui roule à 56 au lieu de 50 km/h est sanctionné immédiatement et paye. Pourquoi un auteur de rodéo se mettant en danger et mettant en danger les autres devrait-il être exempté de règles ? Déjà en nous laissant les interpeller et en saisissant systématiquement les motos ça en refroidirait la plupart. »


#Banlieue

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