186. C’est le nombre d’ouvrages d’art (ponts, passerelles ou trémies) qui font l’objet d’une surveillance accrue en raison de leur vétusté ou de leur complexité sur les 735 que compte la métropole de Lyon. Deux ponts vieillissants font particulièrement parler d’eux : celui de Couzon depuis qui a manqué s’écrouler le 23 avril dernier et celui de Vernaison, qui n’en est pas loin non plus.
Le pont de Vernaison s’élance au-dessus du Rhône au sud de Lyon, frêle passerelle suspendue au-dessus de l’île de la Table ronde. C’est justement cette suspension par câbles qui préoccupe les autorités. En 2020, des capteurs acoustiques ont été installés sur les câbles pour pouvoir surveiller l’état de l’ouvrage en temps réel.
Devant la fragilité de la passerelle qui donne des signes de fatigue, les poids lourds de plus de 3,5 tonnes n’ont plus le droit d’emprunter le pont depuis mars 2020. Des travaux ont également été réalisés en urgence sur les chambres d’ancrage des câbles.
Des mesures insuffisantes, que la Métropole de Lyon a souhaité durcir. Le pont sera donc passé en sens unique dès le mois de juin, direction Vernaison-A7, pour diminuer le nombre de passages et ainsi alléger un peu le poids supporté par l’ouvrage. A Vernaison et alentour, les élus locaux ne l’entendent pas de cette oreille.
Le pont de Vernaison risque-t-il de s’écrouler ?
Le 23 avril dernier, c’est le pont de Couzon, au nord de Lyon, qui a donné des sueurs froides aux autorités. Un camion-toupie de plus de 30 tonnes a décidé de s’engager sur la frêle passerelle. Or, comme à Vernaison, le pont de Couzon est interdit au véhicules de plus de 3,5 tonnes. Résultat : la poutre de rigidité, qui supporte la travée, a cédé sous le poids du camion, menaçant l’ouvrage tout entier.
La Métropole de Lyon a décidé de fermer le pont en urgence. Des investigations sont en cours pour évaluer le danger que représente le pont. Pour le moment, seuls les piétons et les cyclistes peuvent l’emprunter. La Métropole n’a annoncé aucune date de reprise de la circulation automobile.
A Vernaison, la situation est moins préoccupante pour le moment. Les câbles qui soutiennent la travée font l’objet d’une surveillance de tous les instants via des capteurs qui permettent de suivre l’état du pont. Les quelques travaux effectués en 2020 et l’interdiction aux plus de 3,5 tonnes ont « ralenti la dégradation de la structure », estime la Métropole de Lyon par voie de communiqué. Mais comme à Couzon, tous ne respectent pas l’interdiction. En outre, les épisodes caniculaires attendus pour cet été donnent des sueurs froides à l’exécutif :
« Les épisodes de canicule qui se succèdent mettent à rude épreuve le système de câblages et d’ancrages. Une barre d’ancrage en particulier est déjà très fragilisée. »
Or, d’après les études menées sur le pont pour évaluer son état de fragilité, il est presque certain que le pont devra être fermé définitivement cet été en l’absence de mesures, explique Jean-Charles Kohlhaas, vice-président délégué aux Déplacements, intermodalités et logistique urbaine :
« Le pont est sous surveillance permanente, avec plusieurs niveaux d’alerte. Si le niveau 3 est déclenché, on est obligé de fermer définitivement le pont, dans les deux sens. Les experts nous disent qu’on atteindra à coup sûr ce niveau 3 cet été si on ne fait rien avant. Nous ne pouvons pas réparer le pont avant cet été. Il faudrait changer tous les câbles donc le démonter et le reconstruire, ce qui prendrait beaucoup de temps. »
D’où la décision de passer le pont à sens unique en juin, en attendant une solution plus pérenne, poursuit-il :
« Ce qui fragilise beaucoup le pont, c’est la stagnation des voitures dessus quand le passage à niveau est fermé. Plusieurs fois par jour, ça créé des embouteillages sur le pont, dans le sens Solaize-Vernaison qui est celui qui sera fermé. Cette mesure de sens unique n’est pas définitive. »
Une décision de la métropole déconnectée du terrain pour les élus locaux
Mais qu’en est-il des habitant·es qui traversent dans le sens qui sera fermé à la circulation ? Dans un communiqué, Julien Vuillemard, le maire de Vernaison, dénonce une décision métropolitaine qui ne prend pas en compte la réalité du terrain :
« Ce sens unique imposerait chaque jour un détour de plus de 15 km vers Pierre Bénite ou Givors pour 6 000 à 7000 véhicules, augmenterait le trafic sur les axes structurants de nos villes, déjà largement victimes d’embouteillages aux heures de pointes, supposerait pour les usagers une augmentation significative du temps passé dans les transports, une consommation supplémentaire de carburant pour répondre au détour et un changement notoire des trajets et habitudes du quotidien, compliquerait le franchissement du Rhône par les véhicules des services publics (pompiers, forces de l’ordre). »
Le maire de Vernaison se plaint également d’un manque de concertation et de communication de la part de l’exécutif sur le sujet. Il affirme dans son communiqué avoir été mis au courant du passage en sens unique du pont de sa commune par les médias. Or, d’après la Métropole, les élus locaux ont été mis au courant des détails techniques concernant l’état du pont et de cette décision à l’occasion de deux réunions qui se sont tenues en mars dernier :
« La réaction des maires de Solaize, de Vernaison et de certains élus locaux est d’autant plus incompréhensible que ces mêmes élus ont été largement informés de la situation lors d’une première réunion présidée par Bruno Bernard, puis lors d’un comité de pilotage partenarial associant à la demande de la Métropole, toutes les parties prenantes du dossier (Préfet, services de l’État, SNCF Réseau, Région Auvergne Rhône-Alpes, Département du Rhône, communes et intercommunalités de part et d’autre du Rhône entre Lyon et Vienne). »
La Métropole juge l’opposition des élus des communes environnantes « irresponsable ». C’est en ces termes que Jean-Charles Kohlhaas a réagi dans un communiqué, taclant l’exécutif précédant au passage :
« Certains ouvrages comme le pont de Vernaison sont vieillissants et force est de constater que les mandats Collomb et Kimelfeld ont privilégié les chantiers nouveaux à l’entretien de l’existant. Il est primordial d’assurer leur surveillance et leur maintenance. Plusieurs effondrements de ponts ces dernières années, en France (Mirepoix-sur-Tarn le 18 novembre 2019) et à l’étranger (Gênes le 14 août 2018), nous l’ont tragiquement rappelé. Il est irresponsable et inacceptable que certains maires incitent les habitants à s’opposer à une mesure qui vise à éviter tout drame dans notre métropole. »
Un nouveau pont pour la métropole de Lyon ?
Dans un courrier adressé au président de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard, en janvier dernier, une quinzaine d’élus des communes du sud de l’agglomération avaient déjà demandé la reconstruction du pont. Il s’agit des communes de Vernaison, première concernée, mais aussi de Pierre-Bénite, Vourles, Millery, Sérézin-du-Rhône, Communay, Grigny, Saint-Symphorien-d’Ozon, Marennes, Chaponnay, Simandres, Ternay, Saint-Genis-Laval, Charly et Solaize.
Plusieurs solutions sont à l’étude du côté de la Métropole, d’après Jean-Charles Kohlhaas :
- Un feu rouge qui permettrait de retenir les voitures en amont du pont lorsque le passage à niveau est fermé. Cette possibilité, en cours d’étude à la SNCF, pourrait être mise en place rapidement, d’ici un ou deux ans.
- La construction d’un pont temporaire, à côté de l’actuel, a été actée dans la PPI adoptée fin janvier. Les travaux devraient durer environ deux ans, jusque fin 2022.
Le vice-président évoque aussi la construction d’un pont définitif pour remplacer le vieux pont de Vernaison. Les services de l’Etat sont en effet en train de réfléchir à un deuxième pont vers Givors, probablement au nord de la ville, pour désengorger le premier et pourquoi pas remplacer, au passage, celui de Vernaison. L’Etat ne devrait pas se prononcer sur la question avant l’année prochaine, et la construction d’un pont définitif prendrait sept à huit ans.
Les élus des communes environnantes, eux, voient dans cette proposition « une tactique pour détourner l’attention » :
« Le projet est en discussion depuis au moins trois ans dans le cadre des alternatives à l’A45 entre Lyon et Saint-Etienne. Rien n’est acté à ce jour et l’implantation géographique de ce nouvel ouvrage ne semble pas en mesure de délester le trafic actuel du pont de Vernaison. »
Les 15 communes du sud de la métropole ont donc décidé de camper sur leur position : le pont actuel doit être rénové et réservé aux modes doux (piétons, cyclistes) et un nouveau pont doit être construit (définitivement et non temporairement) pour permettre la traversée des véhicules en toute sécurité.
Jean-Charles Kohlhaas se veut rassurant. Si l’Etat ne construit pas ce deuxième pont du côté de Givors, la Métropole de Lyon « rendra son pont » à Vernaison :
« On reconstruira le pont de Vernaison, soit au même endroit soit ailleurs, à voir avec les élus locaux et la population. Il sera plus large pour laisser une place aux piétons et aux cyclistes, ou alors le pont actuel pourra leur être réservé. »
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