Malgré le Covid, la pluie, les charges policières et les affrontements entre cortège de tête et service d’ordre de la CGT, le 1er Mai à Lyon a tout de même pu remplir sa fonction de véritable rendez-vous militant cette année. Entre 3000 et 5000 personnes y ont participé.
Entre 3000 et 5000 personnes (selon la préfecture ou l’intersyndicale) ont marché ce samedi 1er mai à Lyon pour la fête internationale des travailleurs.
Des chiffres forcément moins impressionnants qu’en 2019 – pandémie et pluie obligent – où la manifestation avait rassemblé entre 6200 et 9500 personnes, mais bien plus qu’en 2020, où la mobilisation avait été seulement « numérique ».
Le parcours déposé par l’intersyndicale CGT, FSU, Solidaires, CNT, CNT-SO et UNEF entre Jean Macé (Lyon 7ème) et Bellecour n’a toutefois pas été de tout repos. Affrontements, charges policières et échauffourées entre cortège de tête et service d’ordre de la CGT ont émaillé la manifestation. À la fin de la journée, la CGT dénonçait d’ailleurs une « présence policière importante en contradiction avec l’esprit de lutte qui régnait ».
« Ce printemps s’annonce riche en revendications », rappelle la CGT du Rhône dans son communiqué d’appel à manifestation de ce 1er Mai à Lyon. De fait, les cortèges qui constituent la manifestation sont très divers. On y trouve des syndicats, des associations féministes ou écologistes, des partis et organisations politiques, mais aussi des Gilets jaunes, des antifascistes, des intermittents en lutte ou encore des militants pro palestiniens. On y aperçoit même la présence discrète et furtive de la candidate aux élections régionales Najat Vallaud-Belkacem.
« Pour nous le 1er Mai c’est l’occasion de retrouver ceux qui mènent des luttes que nous partageons », assure Michel, Gilet jaune venu de Mâcon avec ses camarades, Claudine et Marielle.
Dans cette ville, qu’il qualifie de « cité administrative où règne la bourgeoisie et l’apathie », le 1er Mai n’a pas l’habitude d’être très suivi. Difficile d’y faire entendre ses revendications.
« On demande toujours la révolution et le RIC (référendum d’initiative citoyenne, ndlr) », explique Claudine, institutrice à la retraite.
« Mais c’est vrai qu’on s’épuise dans notre coin, où on ne tient même plus de rond-point et ça fait du bien de retrouver du monde », avoue Marielle, cheffe d’entreprise et Gilet jaune.
Ce 1er Mai est aussi celui de l’écologie. Fleur – ça ne s’invente pas – militante à Alternatiba-ANV Rhône, lutte « pour la justice sociale et écologique ». Il était donc évident pour elle d’être présente pour le 1er Mai à Lyon. C’est aussi l’occasion de recommencer à battre le pavé.
« Ça a été dur de militer pendant le Covid, mais quand c’est dur, ça me motive d’autant plus. » Pendant les premiers mois de confinement, la militante a contribué à transformer le bar de son association en lieu de distribution alimentaire et base arrière de maraudes à destination des plus démunis.
« Avec d’autres organisations, nous étions près d’une centaine de militants à assurer cette action de solidarité. C’est à ce moment que notre engagement prend encore plus de sens, » explique la militante.
Plus tôt dans la matinée, des militants d’Extinction Rebellion avait revendiqué une action contre l’immense publicité SFR portant sur la 5G, place Bellecour. La bâche publicitaire a été découpée. A la place, une banderole verte a été accrochée à l’échafaudage : « On veut des arbres, pas des pubs ».
L’antifascisme au cœur de la mobilisation du 1er Mai à Lyon
Le 1er Mai lyonnais a également été caractérisé par la forte présence de militants antifascistes. Si les militants de la Gale (Groupe Antifasciste Lyon et Environ), un des deux groupes antifascistes lyonnais, se sont immergés dans le cortège de tête, ce n’était pas le cas de la Jeune Garde. L’autre organisation antifasciste de la ville avait formé, comme dans de nombreuses manifestations lyonnaises, son propre cortège.
Depuis la dissolution de l’organisation d’extrême droite Génération identitaire, les attaques de ses militants, alliés à d’autres groupuscules d’extrême droite, se sont multipliées à Lyon. Attaque de librairie anarchiste ou encore d’une manifestation pour la fierté lesbienne, rondes dans les pentes de la croix rousse et sur la presqu’île, les militants antifascistes restent aux aguets. « On s’attend à quelque chose de leur part aujourd’hui. On se tient vigilants », commente Shafak, membre de la Jeune Garde.
Intuition vérifiée : bien plus tard dans l’après-midi, le local de Radio Canut, à proximité de la place Sathonay (1er arrondissement) a été attaqué par une quarantaine de membres de l’extrême droite radicale. Pas de casse, mais de violents coups ont été portés sur les vitres, intimidant les animateurs radios présents à l’intérieur.
En queue de cortège, les militants antifascistes, Gilets jaunes ou encore écologistes ont pu défiler dans le calme. Ce qui n’a pas été le cas pour la tête de la manifestation.
Charge sur le cortège de tête
Dès le départ de la place Jean Macé, aux alentours de 11 heures, un cortège de 200 à 300 personnes se constitue devant la banderole de l’intersyndicale. Il est composé de deux parties : la première, dans une tentative de black bloc, tenant des banderoles « Lyon en bande organisée » – en référence à un titre de rap marseillais – ou encore « terminus la bac descend » – qui évoque un accident ayant eu lieu le 3 avril à Lyon entre le tramway et la police. La seconde, plus en retrait, constituée de militantes féministes et queer organisées en « Pink bloc« .
Vers 11h30, au niveau du croisement entre la rue du Père Chevrier et l’avenue Jean Jaurès, pétards et feux d’artifices retentissent au niveau du cortège de tête. Il n’en faut pas plus pour susciter une charge policière, éclatant littéralement le cortège de tête et forçant ceux qui le constituent à refluer derrière la banderole de l’intersyndicale. La stratégie policière particulièrement offensive rappelle celle mise en place à Paris le 12 décembre 2020 lors d’une manifestation contre la loi sécurité globale.
Service d’ordre contre cortège de tête
De là naissent les tensions entre des membres du cortège de tête et le service d’ordre de la CGT. Les premiers reprochent au second d’avoir « laissé passer la police », permettant aux forces de l’ordre de mener leur charge. Les coups finissent par pleuvoir de part et d’autre et la tension entre manifestants peine à redescendre. « On ne vient pas un 1er Mai pour casser du policier », assène un militant CGT, « traîtres » répondent les autres.
Après de longues minutes de tension, le cortège repart, la CGT en tête. La situation reste toutefois tendue environ jusqu’à la station de métro Guillotière. Sur le chemin, des dégradations de vitrines, de banques et de mutuelles sont commises. Finalement arrivée place Bellecour, la manifestation est dispersée à grand renfort de gaz lacrymogènes. Selon les chiffres de préfecture, la police a procédé à cinq interpellations et déplore 27 blessés parmi les forces de l’ordre.
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