« Mais notre règne arrivera / Quand votre règne finira / Nous tisserons le linceul du vieux monde / Car on entend déjà la tempête qui gronde / C’est nous les canuts / Nous sommes tout nus. »
Le Chant des Canuts, bien connu à Lyon, résonne sur la place Lazare-Goujon. Au pied du TNP de Villeurbanne, occupé depuis plus d’un mois par des professionnels du spectacle, une dizaine de personnes sont réunies ce jeudi 22 avril pour faire entendre leurs revendications. Professionnels de la culture, Gilets jaunes, syndicats de journaliste ou encore Ligue des Droits de l’Homme, tous se sont regroupés pour s’opposer à la loi « sécurité globale ». Celle-ci a été définitivement adoptée le jeudi 15 avril par l’Assemblée nationale. A Lyon comme dans une vingtaine de villes françaises, des collectifs s’organisent pour lui barrer la route.
A Lyon, Marianne et Gnafron en tête de la contestation contre la loi « sécurité globale »
En haut des marches du TNP, une jeune femme déguisée en Marianne, longue robe claire et bonnet phrygien sur la tête, s’empare du micro :
« C’est la liberté qui nous rend vivants ! »
Après cette entrée en matière, Marianne revient sur la répression policière de ces dernières années, envers les Gilets jaunes et les manifestants d’une manière générale. A Lyon, de nombreuses personnes ont été blessées par des tirs de LBD et la plupart de ces affaires ont été classées sans suite par la justice.
Avec cette nouvelle loi dite « de sécurité globale », Marianne formule la crainte générale des personnes présentes : une dérive autoritaire du pouvoir vers le « totalitarisme ». Le mot est lâché, ponctué de sifflets et d’applaudissements enthousiastes. A Lyon, les manifestations contre cette loi se sont succédé depuis la première mobilisation, le 17 novembre 2020.
Face à Marianne, une marionnette du célèbre Gnafron surgit, pour annoncer la suite des événements. Dans une vingtaine de villes françaises – dont Lyon, Rennes ou Toulouse par exemple – les collectifs contre la loi font remonter aux députés les points qui leur semblent les plus problématiques dans cette loi. Une manière d’apporter leur pierre à l’édifice et de muscler la saisine du Conseil constitutionnelle en date du 21 avril. D’après Gnafron, le problème est simple : la loi « sécurité globale » va à l’encontre de la Constitution française.
Une loi anticonstitutionnelle sur le fond ?
Devant le TNP, Gnafron pointe du doigt pour commencer l’un des rapporteurs de la loi « sécurité globale », Jean-Michel Fauvergue. Député LREM de la 8ème circonscription de Seine-et-Marne, ancien patron du RAID, l’homme est également propriétaire d’une société de formation dans le domaine de la sécurité comme l’a révélé la lettre A. Or, la loi dite « de sécurité globale » fait la part belle à la sécurité privée, justement. Pour Gnafron, il s’agit clairement d’un conflit d’intérêt.
Appuyé par Marianne, Gnafron s’époumone maintenant sur le recours aux technologies de surveillance de masse, facilité par la loi en question. A commencer par la vidéosurveillance, testée de manière expérimentale par la SNCF et qui serait étendue aux transports en commun. Les chambres d’isolement des Centres de rétention administrative (CRA) pourraient elle aussi être placées sous vidéo-surveillance, 24h sur 24h et sur simple décision du chef de service.
Quant aux drones, qui inquiètent particulièrement Marianne :
« Ils vont pouvoir entrer par ma fenêtre et savoir avec qui couche la République ?! »
En théorie, non. Dans la pratique, l’encadrement de ces nouvelles technologies semble léger, prévient Georges Mounier, de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) :
« Sur les drones, les garanties du respect de la vie privée et de l’inviolabilité du domicile sont factices. Il y a aussi le problème des caméras mobiles, dans les hélicoptères, les voitures ou les caméras-piétons. Avec cette loi, leur flux sera retransmis en direct aux forces de l’ordre. Ce qui nous fait peur, c’est que ce soit le début d’un contrôle biométrique, avec plus tard un contrôle facile comme c’est le cas en Chine. »
Une loi anticonstitutionnelle sur la forme aussi ?
Il n’y a pas que le contenu de la loi qui pose problème. La manière dont la loi a été élaborée et proposée est, elle aussi, contraire à la Constitution, affirme Alexandre Buisine, du Syndicat national des journalistes (SNJ) :
« Il y a un problème vis-à-vis de la séparation des pouvoirs. Une proposition de loi est censée être d’origine parlementaire mais on a vu que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a très largement inspiré celle-ci. »
Les députés ont saisi le Conseil constitutionnel le 21 avril pour que ce dernier se prononce sur la conformité ou non de cette loi à la Constitution française. Devant le TNP de Villeurbanne, les militants espèrent que leurs contributions donneront du poids à cette saisine. Réponse dans un mois.
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