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« Le vélo comme unique totem à Lyon peut être contreproductif »

Reno Bistan, qui se présente comme éco-anxieux et tient, à ce titre, une chronique sur Rue89Lyon, nous parle cette semaine du risque pris par la Métropole écologiste de Lyon, à favoriser le vélo sans accompagner cette politique d’une offre complète et accessible de transports en commun. Colonnes ouvertes.

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Nouvelle piste cyclable pour vélos (rue de la République, Oullins, mai 2015). Crédit : Rue89Lyon.

R.E.V et R.E.M

Dans la communication de la Métropole, à travers les pages de son journal notamment, comme dans l’image que les élu.e.s aiment donner d’elles/eux mêmes : il y a le vélo !

Un certain contraste bien appréciable par rapport à une ancienne mandature où les « vroomers » étaient plutôt légion, mais qui peut laisser craindre que cette manière d’utiliser la bicyclette comme unique totem ne devienne contre-productive si elle n’est pas assortie d’une réflexion, de projections et d’une communication au moins aussi importante concernant les transports en commun.

Il ne s’agit évidemment pas de dire qu’on en fait trop pour le vélo. Lyon reste, malgré tout, loin d’être une ville réellement « cyclable » en terme de continuité des pistes et il demeure beaucoup de chantiers à mettre en route notamment pour le stationnement, l’accès aux établissements scolaires, la promotion auprès des entreprises et des plus jeunes, les rues entièrement cyclables, voire l’aide à l’acquisition d’un cycle pour les personnes sans ressources…

Ajoutons que transports en commun et vélos ne sont pas en concurrence en terme d’infra-structures et même bien souvent des alliés, le vélo pouvant bénéficier, par exemple, des aménagements en « site propre » pour le bus ou le tramway.

Le Réseau Express Vélo devrait être accompagné d’un réseau de transports collectifs global

Le vélo a, en outre, cet avantage de dessiner des parcours à « hauteur de personnes », de matérialiser, en quelques sortes, ce qui, dans une société écologique et conviviale, pourrait être souhaitable en termes de distances pour nos déplacements quotidiens de travail, de loisir, de courses…

La création d’un Réseau Express Vélo semble portée par une réflexion globale sur l’usage, qui concerne l’ensemble des communes et des liaisons, et qui serait à même de sortir la pratique cycliste de cette niche de « nantis » de centre ville à laquelle elle est souvent associée.

Un vélo à Meyzieu.Photo : LS/Rue89Lyon

On sent dans cette réflexion un apport important des associations de promotion du vélo, mais, si ce Réseau Express Vélo peut faire rêver, il est fort dommage de ne pas percevoir un même enthousiasme à parler d’un réseau de transports collectifs global sur la Métropole en s’appuyant notamment sur les réflexions menées par les associations comme Darly qui planchent depuis des années sur la question.

Le tram-train réalise déjà le trajet Tassin – Lyon en 10 minutes

Des réflexions qui recoupent peu ou prou l’incompréhension d’usager.e.s quand au fait que ne soit pas opéré un réel rapprochement entre tous les modes de transports collectifs à disposition (tram-trains, TER, cars du Rhône, Rhônexpress voire cyclopolitains…) pour qu’ils soient entièrement accessibles sur le territoire de la Métropole avec un seul et même ticket, renseignées comme le reste des lignes, en terme d’horaires, sur le site TCL, et surtout intégrés à la réflexion globale sur le développement des transports dans la Métropole.

Ainsi, pendant qu’élu.e.s de l’ouest lyonnais arc-boutés sur la construction d’un métro E et promoteurs du téléphérique s’empoignent, il est étonnant que ne soit quasiment jamais évoquée cette ligne pratique et confortable de tram-train qui rejoint Sain Bel d’un côté et Brignais de l’autre.

Etonnant que ne soit pas rappelé à l’ex-président de la Métropole qui défendait cette ligne de métro E au prétexte qu’elle relierait « Tassin au centre de Lyon en 10 minutes », qu’en fait le tram-train réalise déjà cette performance sans qu’il y ait à attendre plusieurs décennies et que les aménagements qui permettraient de le rendre plus cadencé et usité encore seraient certainement bien moins lourds que ceux nécessaires à la construction d’une ligne de métro.

Le train cher pour des communes qui se ressentent déjà reléguées

De même, il semble absurde que pour se rendre dans le centre de Lyon depuis Givors, pourtant partie intégrante de la Métropole, les TCL proposent un trajet aller-retour de… 4h.

Dans le même temps, on peut consulter la SNCF, constater qu’un train relie les deux villes plusieurs fois par heure pour un temps de trajet d’une vingtaine de minutes. Malheureusement cette solution qui fait largement préférer le train coûte plus de 10 euros aller-retour (alors même que la portion d’autoroute sur ce tronçon est gratuite).

Rappelons que Givors est une commune particulièrement déshéritée, excentrée et que cette situation ne peut qu’aggraver le sentiment de relégation.

Evidemment cet exemple n’est pas isolé et concerne nombre de villes de l’agglomération qui sont connectées à un réseau ferroviaire qui semble totalement ignoré des aménagements en termes de transports collectifs, quand des lignes ne sont pas carrément doublées par le métro alors que d’autres endroits manquent cruellement de modes de desserte pratiques.

Cette subsidiarité souhaitée entre toutes les lignes de transports ne représente pas une innovation incroyable. Elle est même la règle dans de nombreuses villes européennes. En France, on la connaît à Paris bien sûr avec le R.E.R mais elle sera bientôt une réalité à Strasbourg, à Lille le ticket unique est acté dans la Métropole… Et globalement, l’idée que l’optimisation de lignes de trains existantes est une alternative intéressante à la construction longue et laborieuse de nouvelles lignes de métros a plutôt le vent en poupe.

« Une politique des petits pas »

Dans les quelques projets de transports en commun qui ont été rendus publics pour ce mandat, les lignes de tramway proposées pour relier notamment des quartiers de Villeurbanne ou Vaulx-en-Velin ont, bien sûr, toute leur utilité, tout comme les lignes de bus HQS sur les M6/M7 qui auraient tout lieu d’être largement développées un peu partout.

Pour autant lorsque, pour beaucoup de trajets encore, le temps de parcours à l’intérieur même de la Métropole est jusqu’à trois fois plus long en transports en commun qu’en voiture, il semble urgent d’envisager tout ce qui existe comme options pour faciliter ces trajets vers le centre mais également d’un point à l’autre de l’agglomération.

Et lorsque des élu.e.s EELV, pourtant plutôt au fait de ces questions, n’évoquent « que » les 4 lignes de tram supplémentaires, le prolongement du métro voire le transport par câble comme alternative à la voiture individuelle, il reste comme une impression d’une politique des petits pas.

« La Région présidée par le fort peu écologiste Wauquiez ne facilite pas les choses »

Un des arguments opposés à la mutualisation des réseaux est, évidemment, le fait que les TER dépendent de la Région présidée par le fort peu écologiste Wauquiez, ce qui ne facilite pas les choses. Mais bien des équipements sur le territoire associent les deux collectivités et nécessitent une concertation entre la Région et la Métropole. Et puis, dans la perspective très prochaine d’élections régionales, un projet de ce type pourrait être d’autant plus un argument en faveur d’une Région passant au main des écologistes.

Libérer nos vies de l’omniprésence de la voiture est un formidable défi écologique, non seulement par ce qu’elle est une considérable source directe et indirecte de pollution atmosphérique et d’émissions de gaz à effets de serre mais aussi par ce que son usage inconsidéré est étroitement lié à l’artificialisation des sols, à un étalement accéléré des zones d’habitations, commerciales de plus en plus loin de bourgs souvent réduits à peau de chagrin.

A l’inverse, tout comme la présence de pistes de vélo sécurisées, celle de gares et lignes de train régulières, pour peu qu’on encadre cet étalement urbain, peuvent contribuer à rendre le centre des communes plus vivants et « désirables », elles ajoutent une possibilité de déplacement non seulement vers la ville centre mais aussi vers d’autres destinations et notamment les communes voisines.

Les villes pro-vélo en Hollande ou au Danemark sont fortement motorisées

On cite souvent les villes du Nord de l’Europe comme des modèles écologiques du fait de leur grande cyclabilité, mais plus que la seule part modale du vélo, il est intéressant de regarder dans chaque agglomération la part de la voiture dans les déplacements, ce que propose de manière très pratique la plateforme Epomm.

On se rend alors compte que les villes où la voiture est la moins présente ne sont pas forcément celles que l’on pourrait croire et que celles très cyclables de Hollande ou du Danemark sont finalement aussi assez fortement motorisées.

Une autoroute pour vélos à Copenhague.Photo : DR

En revanche, les agglomérations européennes les plus « vertes » en terme de déplacements sont celles qui combinent le mieux toutes les alternatives à la voiture individuelle : transports publics, cyclabilité et marchabilité.

Le vélo est évidemment une alternative plus que crédible à la voiture dans beaucoup de cas, il permet souvent dans la Métropole un temps de parcours intermédiaire entre l’auto et les transports en commun, sans compter ses effets bénéfiques pour la santé voire la sociabilité.

Un risque à se complaire dans une posture uniquement vélo

Ainsi, le développement de la cyclabilité est un objectif qui doit rester permanent. Pour autant, il y a clairement un risque à se complaire dans une posture uniquement cycliste, à même de prêter le flanc à la caricature, et à ne pas exprimer d’aussi grandes ambitions pour les transports en commun qui incarnent plus que toute autre chose l’équité et l’accessibilité pour tou.te.s.

Et pour concrétiser cette ambition, outre des mesures vraiment ambitieuses en terme de fréquence, de prix et de fiabilité, l’utilisation exhaustive de l’existant dans le cadre d’un réseau métropolitain semble incontournable.


#éco-anxieux

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Photo : HP/Rue89Lyon

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