Une conversation à écouter en ligne, en direct, puis disponible en podcast. Le texte ci-après est signé par l’une des intervenant.es, Lou Herrmann (docteure en urbanisme, chargée de mission dessin et édition à l’École urbaine de Lyon, dessinatrice et éditrice de la revue DÉPLI).
Même dans les heures les plus avancées du soir, la nuit n’est pas toujours noire de partout. L’obscurité nocturne s’érode en certains lieux, surtout en ville. Une lumière artificielle l’élime, celle de l’éclairage urbain. Avec lui se posent alors d’importants défis environnementaux et sociaux.
C’est autour de ce constat que la revue DÉPLI a organisé, dans son dernier numéro #1.3. Nuit noire, la rencontre entre trois regards : celui de Samuel Challéat, géographe spécialiste de la nuit, celui de Grégoire Damon, écrivain poète urbain et celui Sophie Fernandez, illustratrice scientifique, dessinatrice de fougères disparues.
Ensemble, ils explorent ce qui est ébranlé dans la remise en cause de l’alternance lumineuse du jour et de la nuit, chaque membre du trio portant sa sensibilité, son vocabulaire, son intelligence propre. Observant les effets de l’éclairage urbain sur le vivant en ville, le trio s’engage dans un échange analytique, poétique et illustré sur la nuit urbaine, ses couleurs, ses habitants, ses frontières, les outils pour l’appréhender, la représenter et la préserver. Au cœur de cette rencontre, la nuit y apparaît comme une expérience spatiale, temporelle, sensorielle complexe, éclairée et en danger.
Pour donner à voir le processus créatif multi-mains générateur de ses pages, DÉPLI a tenu une chronique l’été de sa création, dont voici quelques morceaux choisis, rendant visibles le bricolage, les aller-retours, les échanges, les questions et les matières qui ont construit ce numéro.
13.08.20_Chronique 2 // Les nuances de la nuit
La nuit héberge une multitude d’autres couleurs que le noir. Il y a d’abord l’heure bleue qui ouvre, pour quelques instants, le bal symphonique des oiseaux mais aussi le large panel de couleurs jaunes et orangers qu’offre la lumière artificielle, dans lequel Grégoire propose de nous faire voyager.
C’est aussi cette trame à décomposer, comme autant de couches de temps superposés, que Sophie tente de sculpter par diffraction.
#1.3. fait donc l’expérience quasi magique de s’approcher des différentes sources lumineuses disséminées dans la nuit urbaine pour désolidariser les couleurs et révéler l’étendue du spectre. Le noir n’étant plus du tout une absence de couleur.
31.08.20_Chronique 3 // Frontière épaisse
#1.3 propose de suivre Samuel, là où les luttes convergent. Quand penser et construire le réseau écologique sombre ne signifie pas toujours « débrancher » les territoires mais aussi revégétaliser les villes pour créer de l’ombre. Démultiplier la nuit à travers ces milliers de nuances.
La frontière entre le jour et la nuit n’est pas une ligne inframince mais un espace-temps irisé dans lequel Grégoire se plonge en éclaireur (presque éclairé ?) explorant pour nous le flou des limites.
04.09.20_Chronique 4 // Les habitants de la nuit
Quand vient la nuit, partout sur le territoire, on entend d’autres chants. Est-ce qu’ils apparaissent à la tombée du jour ? Ou sommes-nous seulement devenus, à ce moment-là, assez silencieux pour pouvoir les entendre ?
Chaque son, chaque bruissement, chaque cri ajoute à la liste de ce bestiaire nocturne qui occupe Samuel dans ses recherches, que tente de capturer Sophie sur le papier et qui se déplie au sens propre comme au figuré dans les descriptions en déluge de Grégoire. Mais peut-être que dans ce #1.3 se cachent aussi d’autres présences.
Les fantômes ne sont pas toujours ce/ceux que l’on croit.
08.09.20_Chronique 5 // Totems
Un flash et tout le monde disparaît. Dans la lutte contre la pollution lumineuse, il y a des animaux totems : la chouette, le grand paon de nuit, le ver luisant…
Ils peuplent les logos des associations, les discours des scientifiques et des militants à mesure qu’ils disparaissent de leurs milieux de vie. Si l’on n’essaie pas d’éteindre la lumière, c’est eux qui glisseront vers l’extinction.
Mais à travers les pages nocturnes de #1.3, on rencontre également d’autres espèces qui, elles, sont capables (parfois à leurs dépends) d’exploiter la manne de l’éclairage, renvoyant ainsi à une plasticité comportementale du vivant. Un numéro comme une fenêtre sur un monde en pleine mutation. Vers quels futurs urbains ?
Sophie, Grégoire et Samuel parlent et se parlent. La possibilité de leur dialogue repose sur le format origamique de la revue. La dimension matérielle de DÉPLI porte ainsi ce projet de rencontre. DÉPLI s’éloigne du format livresque classique, porteur d’un risque – celui de la juxtaposition des points de vue.
Au contraire, la revue se découvre par un jeu de cadavre-exquis, de dépliages progressifs, de découvrement/recouvrement mettant sans cesse en regard les pages et donc les propositions du trio.
« Fond et forme : déplier l’appréhension de la ville », ce mercredi 17 mars, de 18h30 à 19h30.
Avec :
– Samuel Challéat. Docteur en géographie, chercheur invité au laboratoire Géode (Géographie de l’environnement, unité mixte de recherche CNRS-Université de Toulouse 2) et coordinateur du Collectif Renoir (Ressources environnementales nocturnes et territoires).
– Grégoire Damon. Ecrivain, il a publié un premier roman, « La Rue de la soif », en 2007 (ArHens), en 2018 il publie « Fast-Food » (Buchet Chastel).
– Lou Herrmann. Docteure en urbanisme, elle est chargée de mission dessin et édition à l’École urbaine de Lyon. Parallèlement, elle est dessinatrice et éditrice de la revue DÉPLI.
Animation :
– Valérie Disdier, responsable du pôle programmation et diffusion de l’École urbaine de Lyon.
Pour écouter le débat, mercredi 17 mars à partir de 18h30 ci-après :
Tout le programme du mois du mars des Mercredis de l’Anthropocène saison 5.
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