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Quel rôle a joué la hiérarchie policière dans l’affaire d’Arthur Naciri ?

Arthur Naciri s’était rendu déterminé au tribunal de Lyon ce 10 décembre 2020, mais le procès avait dû être reporté à ce mardi 23 février. Le jeune homme, dents refaites, va enfin pouvoir entendre les deux policiers renvoyés devant la justice pour « violences volontaires » sur sa personne.

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Arthur Naciri devant le tribunal correctionnel de Lyon le 10 décembre 2020. ©DD/Rue89Lyon

Ils comparaissent ce mardi, accompagnés par un avocat-« star » -celui qu’Alexandre Benalla avait choisi, Laurent-Franck Liénard.

Ces deux agents appartiennent à une unité de la brigade anti-criminelle (BAC) de Lyon.

Le premier, le gardien de la paix Jérémy M., y a travaillé de 2007 à 2014 avant de la réintégrer en 2017. C’est lui qui s’est agacé du comportement et a violemment tiré en arrière Arthur Naciri. Sur les vidéos on voit le jeune homme en train d’applaudir les syndicalistes sous le nez des policiers.

Le second, Sylvain P., a été formateur en technique et sécurité en intervention et a intégré la BAC en 2016.

Le 10 décembre 2019, dans le dispositif mis en place autour de la manifestation contre la réforme des retraites, ce brigadier-chef était en charge de la sécurité des effectifs, du fait de ses compétences en sécurité-intervention.

Des photos diffusées par Rue89Lyon

À l’issue d’une enquête menée par l’IGPN (appelée communément « police des polices »), ils sont donc deux à avoir été renvoyés devant le tribunal correctionnel. Pourtant, le récit et les images recueillies ce 19 décembre 2019 à Lyon montrent la présence voire l’implication d’autres agents.

Pour rappel, ce samedi-là, aux alentours de 14 heures, Arthur est tombé, tiré en arrière par sa veste, puis happé dans un cercle formé par des agents de la police. La scène se déroule à deux pas du kiosque à journaux place Bellecour. C’est là que le cortège de manifestants achevait son parcours. Le mouvement contre la réforme des retraites démarrait tout juste alors.

Il est ressorti de ce cercle quelques secondes plus tard, désemparé, le visage ensanglanté, avec des dents en moins. Des photos, diffusées le soir-même par Rue89Lyon, accompagnées du témoignage qu’Arthur a donné depuis l’hôpital, puis des vidéos, ont permis de retracer une grande partie des événements.

Arthur Naciri en sang après son passage à tabac par des policiers à Lyon le 10 décembre 2019, en marge d’une manifestation contre la réforme des retraites. ©Bastien Doudaine

Des faits de violences qu’aucun policier ne retranscrit

Le Comité contre les violences policières, collectif militant à Lyon, a notamment tiré le fil avec minutie. On sait que le procès-verbal de contexte de la manifestation, produit par la police, a mentionné à l’issue de cette journée du 19 décembre :

« Un individu est blessé place Antonin Poncet (dents cassées). Origine des blessures ignorée. »

Mais les images tendent à raconter une autre histoire. Le Comité contre les violences policières relève :

« Un commandant, chef d’unité et donc lui aussi en lien radio avec le centre de commandement, a assisté directement aux faits puisque Arthur a été littéralement projeté sur lui, comme le montre une photographie de la scène. En outre, les deux commandants de la BAC de Lyon étaient eux aussi à quelques mètres des faits.

Les images ne montrent pas s’ils en ont effectivement été témoins, mais leurs subordonnés (sans doute au moins une dizaine de policiers témoins de la scène, sans parler des cinq participants) auraient dû leur faire remonter les faits. »

Un commissaire divisionnaire entendu par l’IGPN

Aux abords des faits ont pu être identifiés du fait de leurs insignes trois commandants, chefs d’unité en lien radio avec le centre de commandement.

Un des chefs de l’état-major de la DDSP (direction départementale de la sécurité publique), commissaire divisionnaire, s’est approché d’Arthur Naciri pour lui demander qui lui avait « fait ça ». Mais malgré la réponse du jeune homme qui a désigné le groupe de policiers de la BAC, rien ne se passera.

Ce cadre a été par ailleurs entendu par l’IGPN pour son enquête.

Le Comité, qui a saisi la défenseuse des droits par courrier, ajoute :

« Alors que la direction de la sécurité publique était informée des faits, elle n’a manifestement rien fait et rien dit pendant 24 heures […]. En outre, Arthur a essuyé deux refus d’enregistrer sa plainte, au commissariat d’abord, puis à la gendarmerie.

Au final, l’enquête ne sera ouverte que le lendemain, après que le parquet a appris l’agression d’Arthur par voie de presse, grâce aux images publiées. »

« La hiérarchie répond-elle des actes de ses fonctionnaires ? »

Quel rôle ont donc joué, ou n’ont pas joué, les cadres de la police présents sur place ?

Thomas Fourrey, avocat lyonnais d’Arthur Naciri, posait la question à la veille de l’audience en décembre, auprès de Rue89Lyon :

“La hiérarchie répond-elle des actes de ces fonctionnaires ? Nous souhaitons savoir ce qui se passe pour eux aujourd’hui. Pour Arthur, les conséquences, on les connaît. Et elles sont lourdes.”

Les deux policiers à l’encontre desquels ont été établies les qualifications de violences volontaires, avec arme pour l’un d’entre eux (la matraque télescopique), n’ont pas été suspendus et aucune sanction disciplinaire n’a pour l’heure été prise.

Même si une enquête interne à la police serait en cours, nous a déclaré la DDSP.


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