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AESH : « Une dégradation drastique des conditions d’accompagnement des élèves en situation de handicap »

Réduction du nombre d’heures d’accompagnement, discontinuité des prises en charge, précarité salariale,… des AESH (Accompagnants d’élèves en situation de handicap) alertent sur leurs conditions de travail et sur les difficultés à accompagner le handicap dans une école qui se veut pourtant « inclusive ».

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Ce jeudi 2 septembre, les cantines seront fermées dans 26 écoles de la ville de Lyon. CC Note Thanun/Unsplash

> Rue89Lyon publie une tribune d’animateurs et animatrices du Pôle AESH et inclusion scolaire de la CGT educ’action de l’Académie de Lyon

Parent d’un enfant en situation de handicap, vous connaissez l’importance d’un accompagnement de qualité pour les élèves ayant besoin de la présence et du soutien d’un·e AESH, Accompagnant.es des Elèves en Situation de Handicap (ex « AVS).

Cet accompagnement n’est professionnel et digne de ce nom que si l’enfant bénéficie d’un nombre d’heures suffisant au cours de la semaine, que si cette accompagnement est réalisé par des AESH formé·es, stabilisé·es dans l’emploi, informé·es des besoins spécifiques de votre enfant et inclu·es dans les concertations le concernant.

Nous, AESH, mettons tout en œuvre, chaque jour, pour les amener vers l’autonomie en respectant le chemin qu’ils ont à parcourir pour l’atteindre dans un cadre bienveillant, sécurisant, valorisant. Nous travaillons chaque jour à les accompagner dans leurs progrès, leur évolution.

En mettant en œuvre les « Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés » (PIAL), à la rentrée 2018/2019, puis en généralisant ces PIAL sans évaluation préalable, à la rentrée 2020, l’Education nationale nous vante une meilleure utilisation des ressources AESH pour accompagner vos enfants.

Sur le terrain, le constat est sans appel : les PIAL sont un outil de gestion purement comptable, déconnectée et déshumanisée.

On nous avait dit qu’une vraie réflexion sur la fonction AESH aurait lieu, que le dialogue social allait permettre à tous d’avancer dans une communication bienveillante, respectueuse, et d’améliorer le fonctionnement de l’école inclusive, d’améliorer la condition des AESH.

On nous avait dit que les PIAL offriraient non seulement aux élèves une meilleure réponse à leurs besoins, mais aussi qu’ils entreraient dans le cadre d’une politique de professionnalisation des AESH. Il n’en est rien.

Une réduction drastique du nombre d’heures d’accompagnement par enfant

Avec la mise en place des PIAL, on a assisté à un recalcul et à une baisse du nombre d’heures pour chaque élève bénéficiant d’un accompagnement mutualisé (par définition qui ne requiert pas une attention soutenue et continue). Avant les PIAL, le nombre d’heures attribuées aux élèves pour ce type d’accompagnement tenait compte des besoins réels de l’élève. Cela pouvait monter jusqu’à plus de 10 heures.

Avec les PIAL, la préconisation est  de 5 heures maximum d’accompagnement par semaine. Le taux d’accompagnement moyen pour les accompagnements mutualisés dans l’Académie de Lyon de 3,5 heures par semaine, qui descend souvent à moins de deux heures par élève en lycée.

Pour les élèves en accompagnement individualisé (par définition, c’est un accompagnement nécessitant une attention soutenue et continue), on a assisté à grignotage des heures attribuées par les MDPH.

Sur le terrain, nous, AESH, pouvons nous retrouver à assurer plusieurs accompagnements dans une même classe et simultanément. Résultat  : il est impossible d’accorder le temps nécessaire, et pourtant notifié, d’accompagnement aux élèves.

Une grave discontinuité des prises en charge des élèves en situation de handicap

Avant la mise en place des PIAL, nous étions affectés.es auprès d’élèves, et dans un nombre raisonnable d’établissements. Au sein des PIAL nous sommes affectés.es sur un secteur, et potentiellement sur tous les établissements appartenant au PIAL concerné (5 au minimum).

Conséquences pour les élèves, on assiste à des changements soudain d’AESH en cours d’année, sans préparation ni tuilage. Un·e élève peut voir passer jusqu’à 5 AESH différent·es dans la semaine. Auparavant, l’élève gardait le ou la même AESH.

Pour les accompagnements mutualisés, le nombre d’heures de présence AESH a été soudainement réduit parce que les AESH sont appelés à effectuer des remplacements au sein d’autres établissements du PIAL. Bref, on «  déshabille Pierre pour habiller Paul  ».

Depuis la mise en place de ces PIAL, on constate une augmentation des ruptures d’accompagnements et même parfois des déscolarisations provisoires demandées par les établissements due à la pénurie d’accompagnants, alors que la scolarisation des élèves en situation de handicap ne peut en aucun cas être conditionnée par la présence d’un.e AESH dans la classe.

De notre côté, les PIAL rime avec des changements incessants d’emploi du temps. Certain.es AESH en sont à leur sixième emploi du temps  depuis la rentrée de septembre.

Des AESH sont réaffecté.es brusquement d’école primaire en lycée, collège ou école maternelle, contre leur gré et sans aucune formation préalable. Il n’est pas rare de recevoir une information de réaffectation sur d’autres établissements le vendredi soir pour le lundi matin. Ce qui a pour effet une rupture brutale des accompagnements en cours.

Des AESH sont affecté.es simultanément sur deux voire trois établissements ou écoles. Dans ces conditions, nous ne pouvons plus faire le lien avec les équipes pédagogiques.
Les AESH sont affecté.es indifféremment sur tous types d’accompagnement et de besoins spécifiques, sans formation digne de ce nom et bien trop souvent sans aucune formation pour certain.es.

Concernant la formation, seule la formation initiale a lieu, souvent bien après la première prise de poste. C’est une formation incomplète et souvent déconnectée de la réalité du quotidien dans les classes. Ensuite, il y a peu voire plus de formations dédiées et spécifiques, pourtant absolument nécessaires à la qualité des accompagnements.

Les critères de recrutement restent souvent aléatoires. Et ce pour palier la pénurie d’accompagnant·es, liée à la précarité de l’emploi AESH, aux nombreux départs volontaires, aux licenciements pour refus des conditions dégradées imposées par les PIAL, aux arrêts maladie, aux autorisiations spéciales d’absences liées au covid.

Pour les AESH, la précarité est aggravée 

Selon le ministère de l’Education Nationale, l’arrêt progressif du recrutement des accompagnants via des contrats aidés (mieux rémunérés que les contrats de droit public d’ailleur), a «  déprécarisé  » les AESH. Il n’en est rien. Nous devenons jamais fonctionnaires donc titulaires de notre poste, nous restons contractuels. Nous vivons pour la très grande majorité d’entre nous sous le seuil de pauvreté. Nous restons pauvres et éjectables à vie.

Les conditions salariales des AESH, les voici. Ce sont des temps partiels imposés, pour un revenu net de 760 euros par mois en moyenne, pour 24 heures d’accompagnement par semaine + les heures hors présence élèves (dites heures pour activités connexes). Cela représente environ 2 heures par semaine : préparations, concertations avec les enseignants, réunions d’école et réunions d’équipe de suivi, temps de formation,etc…

Le salaire est donc faible et absolument pas à hauteur de la fonction. Ce sera le cas sur l’ensemble de la carrièe nous pouvons bénéficier d’une augmentation plafonnée à environ 150 euros. Et encore, c’est au mieux. Il faut pour cela que nous exercions à temps plein, ce qui ne représente que 2 % des quelque 100 000 AESH.

Nous sommes pour la plupart en CDD. Le passage en CDI n’est potentiellement accessible qu’au terme de 6 années de CDD. Pour des personnels rémunérés en deçà du seuil de pauvreté, le CDI ne nous sort pas de la précarité.

Nous ne bénéficions donc pas d’une reconnaissance concrète de notre valeur professionnelle. Les AESH ont été les oubliés du Grenelle de l’Education. Aucune revalorisation salariale prévue. Notre rémunération suit la seule grille indiciaire existante, toujours sans statut au sein de l’Education Nationale.

A ce propos, les organisations syndicales CGT Educ’action, FSU, SE UNSA, SGEN CFDT, SNALC et SUD éducation ont adressé le 3 février une lettre au ministre de l’Education nationale lui demandant «  d’ouvrir en urgence des négociations salariales et des discussions pour une reconnaissance du métier AESH et sortir ces personnels d’une précarité insupportable.  »

Un mépris continu des AESH et de leurs missions

Ce sont tout d’abord, des abus au quotidien. Nous sommes très rarement invité.es à consulter les documents qui mentionnent les besoins en compensation de la situation de handicap  et les préconisations des équipes de suivi. Nous ne pouvons pas rencontrer les familles, etc.

Certains chefs d’établissements et des enseignants nous demandent de surveiller des classes, d’effectuer des tâches administratives ou de rangement, de gérer l’accueil au portail. Tout ça, en lieu et place de l’accompagnement.

On nous demande de nous substituer aux agents de vie scolaire, d’encadrer des groupes d’élèves, de remplacer les ATSEM, d’entretenir les locaux, les classes,etc… il n’y a pas de limites  !
Et ce alors que nos missions sont définies dans la circulaire du cadre de gestion des AESH, et ne doivent pas dépasser les missions d’accompagnement et les activités en lien direct avec celles ci. Ces missions que peuvent se voir confier les AESH sont précisées par la circulaire du 3 mai 2017.
Les AESH ne doivent donc pas se voir confier par les services académiques, par les écoles ou les établissements des tâches ne figurant pas dans les textes qui leur sont applicables.

Covid-19  : la protection des AESH n’est pas une option

Dans le contexte Covid, ce mépris s’est accentué. C’est l’abandon habituel de notre hiérarchie. Nous n’avons aucune reconnaissance de notre exposition spécifique au virus.

Cela se matérialise par l’absence de protections adéquates  : masques FFP2, dotation en virucide, gel hydroalcoolique, masques inclusifs avec partie transparente, gants, et toute protection spécifique adaptée aux situations particulières des élèves accompagnés en situation de handicap.

Rappelons que par la nature même de notre travail, nous ne pouvons travailler à distance des élèves accompagnés. Nous sommes mis.es dans des situations à risque, à proximité d’élèves qui pour certains ne sont pas en mesure de tolérer le port du masque et bénéficient de certificats médicaux qui les en dispensent. Pire : nombre d’entre nous ne sont toujours pas doté.es en masques !

Les AESH exercent un VRAI MÉTIER, spécifique, complexe, sans statut ni reconnaissance concrète, avec un salaire moyen de 760 euros par mois. Nous nous voyons de plus en plus contraints à sacrifier la qualité de notre accompagnement au bénéfice d’une gestion purement comptable, qui dissimule mal le manque de personnels recrutés et la politique «  poudre aux yeux  » du gouvernement en matière d’école inclusive.

Epuisé.es, malmené.es, déconsidéré.es, nous avons besoin de votre soutien.

 

 


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Photo : LS/Rue89Lyon

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