Dans le cadre d’un travail plus large sur l’impact social de la crise du Covid à Lyon et sa région, nous avons contacté différents bailleurs sociaux de la métropole. Nous avons pu nous entretenir avec Lyon Métropole Habitat (principal bailleur social du territoire avec 27 500 logements) et Est Métropole Habitat (16 000 logements environ dans l’Est de la métropole).
En complément de cette enquête, nous publions ici d’autres éléments de nos entretiens avec eux.
« Principalement une hausse des impayés de loyers structurels »
À Lyon Métropole Habitat, une hausse des impayés de loyer a été constatée en 2020. Toutefois, le bailleur social insiste sur les « amortisseurs sociaux » que sont notamment les aides au logement pour endiguer les difficultés.
« C’est surtout à partir de l’été et de la rentrée 2020 que nous avons remarqué des difficultés budgétaires chez certains de nos locataires. Les trois-quatre premiers mois ça allait, les locataires ont aussi puisé dans l’épargne. Au final on a un écart d’un million supplémentaire d’impayés en 2020 par rapport à 2019. 57% de nos locataires bénéficient des APL (Aide personnalisée au logement, ndlr). Ces aides font toujours fonction d’amortisseur social. Avec des loyers abordables, nous sommes aussi nous-mêmes un amortisseur social. »
Mireille Ducarre-Dubouis, directrice du département Services aux clients de Lyon Métropole Habitat
Chez Est Métropole Habitat on a constaté une augmentation de 28 % du nombre de foyers en impayés de loyer en 2020 par rapport à 2019. On insiste sur l’accompagnement pour éviter que les situations de petits impayés évitent de s’aggraver et de déclencher des procédures de contentieux.
« La hausse des impayés concernent surtout ceux dits structurels. Maintenant, la question est comment va-t-on accompagner les ménages pour les aider à entrer dans les dispositifs d’accompagnement et d’aide. Notre dispositif permet au locataire d’être accompagné et il reste actif le temps de la crise sanitaire ».
Céline Reynaud, directrice d’Est Métropole Habitat
« Une moins grande tolérance de l’autre quand on vit dans des collectifs importants »
Les bailleurs sociaux constatent également les conséquences de crise du Covid sur les relations de voisinage et le vivre ensemble. Dans un contexte où certains de leurs locataires connaissent une plus grande fragilité psychologique.
« Plusieurs facteurs se combinent. Il y a une fatigue générale et une fragilité sociale mais aussi psychologique et économique dans certains foyers. Les périodes récentes ont été difficiles car certains ont pu être moins accompagnés. Pendant le premier confinement, certaines associations ont dû fermer. Les gens se déplaçaient moins pour aller voir leurs médecins. On perçoit assez fortement ces difficultés sociales et psychologiques. On a pour cela des dispositifs d’accompagnement avec des conseillers sociaux. Et puis, en étant confinés on est moins indulgents avec le bruit, les enfants des voisins… Cela se perçoit dans les réclamations que les locataires nous font. Il y a une moins grande tolérance par rapport à l’autre notamment quand on vit dans des collectifs importants. »
Céline Reynaud, directrice d’Est Métropole Habitat
Comme d’autres, les bailleurs sociaux constatent les effets psychologiques de la crise sanitaire. Lyon Métropole Habitat assure avoir effectué des démarches pour « maintenir le lien ».
« On constate une exacerbation des difficultés psychosociales. La fragilité économique peut-être déjà constitutive d’histoires de vie difficiles alors la crise a des effets non négligeables sur la dimension psychologique. Notamment des personnes âgées avec une problématique parfois de solitude, de difficulté à sortir de chez soi ou celles qu’ont pu rencontrer les personnels d’aide à domicile dans la problématique du Covid. On a passé de nombreux appels à nos ménages de plus de 65 ans. De façon à avoir un lien social dans la journée ou dans la semaine. »
Mireille Ducarre-Dubouis, directrice du département Services aux clients de Lyon Métropole Habitat
Expulsions locatives : « Vers une hausse des procédures mais on expulse très peu »
En 2020, une circulaire du ministère de la Ville et du Logement, avait prolongé l’interdiction d’expulsion locative habituellement en vigueur durant la trêve hivernale. Les bailleurs sociaux assurent que de toutes façons ils « expulsent très peu ». Toutefois, une hausse des procédures d’expulsion (sans forcément qu’elles aillent à leur terme) est à craindre.
« Sous réserve de la crise sanitaire et de sa durée, on va sans doute avoir une augmentation des procédures. Mais nous, les bailleurs sociaux on expulse très très peu, on fait tout pour ne pas en arriver là. Il y en a moins de 10 par an, souvent moins ».
Céline Reynaud, directrice d’Est Métropole Habitat
Un constant partagé du côté de Lyon Métropole Habitat.
« Avant qu’on en arrive aux expulsions, il y a déjà une procédure judiciaire en vue de la résiliation du bail. En moyenne c’est 18 mois de procédure, les ménages qui sont aujourd’hui dans une telle situation seront concernés mi-2022. Mais le logement social expulse extrêmement peu, dans le logement social quand on est à une vingtaine d’expulsions par an c’est à peu près notre moyenne. Il y a eu de toutes façons une circulaire interdisant toute mesure d’expulsion en 2020. Pour le coup les mesures réglementaires qui ont été prises, ont limité la casse ».
Mireille Ducarre-Dubouis, directrice du département Services aux clients de Lyon Métropole Habitat
« La queue ne se résorbe pas » : l’accession au logement social à Lyon aggravée par la crise
La situation n’est pas nouvelle mais elle pourrait s’aggraver avec la crise. La « file d’attente » pour obtenir un logement social, déjà longue dans la métropole de Lyon, pourrait s’allonger. Les difficultés économiques à venir pourrait fragiliser davantage de ménages susceptibles alors de rentrer dans les conditions d’obtention d’un logement social.
« Durant cette période il n’y a pas eu d’augmentation significative de la demande de logement social. Par contre, on constate une chute vertigineuse de notre taux de rotation, c’est-à-dire le nombre de personnes qui quittent leur logement social à la fin de l’année. Il était déjà de 5% en 2019 et ça fait plusieurs années qu’il baisse. Les locataires sont captifs de leur logement. Faute d’offre, les ménages ne quittent pas leur logement et la queue ne se résorbe pas.»
Céline Reynaud, directrice d’Est Métropole Habitat
Quelle solution ? « Construire », pour Céline Reynaud d’Est Métropole Habitat.
« On met chaque année de nouvelles résidences en service. Mais ça ne suffit pas. Il y a de plus en plus de gens qui vivent en logement social, mais on n’en construit pas assez. Sur la métropole, 70 000 demandes de logement social ont été effectuées en 2020 pour 7500 logements attribués. C’est un vrai souci. »
Céline Reynaud, directrice d’Est Métropole Habitat
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