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Nnimmo Bassey : « L’Anthropocène attribue la débâcle aux humains sans distinction »

Le Nigérian Nnimmo Bassey est directeur de Health of Mother Heart Foundation. Il est l’invité d’honneur du festival « A l’Ecole de l’Anthropocène » qui démarre ce lundi 25 janvier. Nous publions une tribune issue de son ouvrage « L’Anthropocène et le Sud global ».

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Nnimmo Bassey ©DR

La crise actuelle majeure est liée au changement climatique, dont on sait qu’il est causé par une augmentation de la quantité d’émissions de carbone dans l’atmosphère. Certains analystes estiment que le changement climatique fait partie d’un vaste changement environnemental et que tous ces éléments constituent des menaces critiques pour la préservation de la vie telle que nous la connaissons sur la planète.

Une partie de ces changements rapides se traduit par la perte de biodiversité, l’acidification des océans et l’augmentation de la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

« La débâcle est attribuée aux humains sans distinction »

L’Anthropocène, comme son nom l’indique, suggère des changements provoqués par les activités humaines, notamment celles qui concernent l’exploitation des ressources naturelles et les méthodes de production d’énergie, le transport, l’agriculture industrielle ainsi que d’autres activités de production.

La débâcle est attribuée aux humains sans distinction. Cela signifie que nous sommes tous coupables de générer les crises complexes qui ravagent le monde, que nous soyons au Nord ou au Sud, que nous soyons riches ou pauvres, que nous soyons l’oppresseur ou l’opprimé.

La division mondiale du travail introduite par l’impérialisme et consolidée par le colonialisme et le néocolonialisme, montrent clairement que le terme « anthropocène » pointant toute l’humanité comme étant coupable d’écocide, n’est peut être pas le plus approprié.

Nnimmo Bassey ©DR

« Des révélateurs des activités capitalistes prédatrices »

Les changements, que ce soit en termes d’environnement dans son ensemble ou de climat, sont tous révélateurs des activités capitalistes prédatrices.

Ce système prédateur d’extraction, de destruction, de dépossession et d’accumulation, est le moteur des changements, et a besoin d’être nommé. Certains pensent que cette époque devrait être appelée « capitalocène », désignant directement l’âge du capital et du capitalisme comme la cause profonde de la crise écologique. D’autres proposent qu’elle soit appelée « plantationocène ».

D’autres pensent que le temps écoulé depuis la Révolution industrielle est trop court pour qu’une époque puisse déjà être identifiée.

Jean-François Boclé, The Tears of Bananaman, 2009-2012, installation, container de marchandise, écrits de l’artiste scarifiés sur les bananes, socle en bois (330x130x25cm), diaporama vidéo, Périféeriques 3, Place Toussaint Louverture, Jacmel, Haïti, 2013 ©Jean-François Boclé /Adagp.

« Le colonialisme dans le Sud global a ancré le modèle de la plantation »

Il est intéressant de noter la proposition visant à appeler toute période de temps « plantéocène ». Selon une note de Donna J. Haraway*, issue d’une conversation enregistrée pour Ethnos à l’Université d’Aarhus en octobre 2014, les participants ont collectivement généré le nom « plantationocène » : la transformation dévastatrice de divers types de fermes, pâturages et forêts exploités par l’homme sous forme de plantations extractives et fermées, reposant sur l’esclavage et d’autres formes de travail exploité, aliéné et généralement s’appuyant sur des déplacés. »

En effet, le colonialisme dans le Sud global a ancré le modèle de la plantation qui a exploité et aliéné la main-d’œuvre qui vivait autrefois de ces mêmes terres, forêts et fermes.

La captation de la main-d’œuvre pour une plantation agricole orientée vers l’exportation a fait des ravages dans les économies locales ainsi que dans les systèmes agricoles et alimentaires.

« L’agriculture est valorisée en termes monétaires »

L’agriculture a cessé d’être une activité culturelle dans laquelle l’agriculteur se connectait à la Terre Mère pour devenir une entreprise mécanique dont la validité était liée au rendement à l’hectare ainsi qu’à sa place dans une soi-disante chaîne de valeur.

Cette manière de penser imprègne encore aujourd’hui l’agriculture dans les pays du Sud. L’agriculture est valorisée en termes monétaires et les composantes culturelles et religieuses ne cessent de diminuer.

Ne nous enlisons pas dans le débat sur la terminologie à adopter, mais étudions plutôt le Sud global, sans éviter d’examiner la relation d’exploitation entre les forces des deux sphères géopolitiques.

Le mode d’extraction des ressources minérales dans le Sud peut être décrit comme du pur banditisme, car on ne se soucie guère de l’intégrité écologique ou de la vie et de la dignité des personnes dont le territoire est pillé.

« Les coûts environnementaux sont externalisés »

Les coûts environnementaux sont externalisés, et ils sont supportés par les populations et par l’environnement. Par l’intermédiaire de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), les programmes d’ajustement structurel mis en place dans les années 1990 ont permis d’affaiblir les économies, les systèmes de soutien social et d’autres infrastructures dans le Sud.

Les perturbations qui ont suivi ont créé du chômage, de la pauvreté, des soins de santé médiocres et ont engendré mécontentement, insécurité et instabilité. L’affaiblissement des États et la construction d’une dépendance économique et militaire sont les bases matérielles qui assurent la prospérité du contrôle néocolonial.

* Donna J. Haraway. (2015) Anthropocene, Capitalocene, Plantationocene, Chthulucene: Making Kin., Environmental Humanities, vol. 6, pp. 159-165

> Extrait de L’Anthropocène et le Sud global, écrit par Nnimmo Bassey et publié dans le magazine A°2021 (coédition École urbaine de Lyon & Éditions deux-cent-cinq, collection À partir de l’Anthropocène, 25 janvier 2021, ISBN 978-2-919380-39-8, 132 pages, 15€).

> titres et intertitres par Rue89Lyon


#anthropocène

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