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[Podcast] Réflexions sur les enfants dans la ville post-Covid

L’École urbaine de Lyon propose une série de conférences intitulées « Les Mercredis de l’anthropocène ». Elles sont données à l’Hôtel 71 à Lyon. Rue89Lyon en est partenaire et publie les tribunes des invité-es et intervenant-es qui poursuivent les échanges à distance. La séance de cette semaine porte sur la relation entre l’enfant et la ville, après l’épidémie de Covid-19.

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[Podcast] Réflexions sur les enfants dans la ville post-Covid

Clément Rivière est maître de conférences en sociologie à l’Université de Lille et membre du Centre de recherches Individus, épreuves, sociétés. Il travaille sur les dimensions spatiales de la socialisation des enfants et des parents en milieu urbain. Il est par ailleurs co-directeur de rédaction de la revue en ligne Métropolitiques.

La conférence sera tenue avec Stéphanie Cagni, créatrice de l’Atelier Pop Corn, qui développe des outils d’accompagnement participatifs, pédagogiques et interactifs de compréhension de la fabrique de la ville. Peu avant, elle fut fondatrice et coordinatrice de Chic de l’archi !, association dédiée à la sensibilisation des enfants à l’urbanisme et l’architecture.

L’animation de la conférence sera effectuée par Lou Herrmann, post-doctorante à l’École urbaine de Lyon. Le podcast des échanges sera disponible dès ce jeudi.

L’épidémie de Covid-19 et les usages enfantins de la ville

De nombreux commentateurs se sont intéressés aux conséquences, notamment d’ordre psychologique, de la crise sanitaire sur les enfants. Le mot d’ordre de « rester chez soi » pour « sauver des vies » les a de fait concernés au premier titre, de manière particulièrement radicale en Espagne où ils se sont vus interdire de sortir de leur domicile pendant plusieurs semaines.

Beaucoup ont insisté, à juste titre, sur leurs conditions très inégales de « confinement » : citons pêle-mêle et de manière non-exhaustive l’exposition différenciée aux violences intra-familiales, l’accroissement sensible des inégalités scolaires, et bien sûr les inégalités de logement (taille du logement, densité d’occupation, accès éventuel à un jardin ou à un « extérieur ») qui ont confirmé si besoin en était que les espaces publics sont une ressource d’autant plus précieuse que les conditions de logement sont moins confortables.

Au-delà de ce rôle de révélateur et de renforcement d’inégalités pré-existantes, on peut s’interroger sur la marque que la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 laissera sur les usages enfantins des espaces publics urbains. Alors que la thématique des enfants dans la ville a gagné en légitimité et en visibilité depuis une bonne dizaine d’années, quelle sera donc la place des enfants dans la ville post-Covid ?

Les réflexions qui suivent, au caractère nécessairement spéculatif, s’appuient sur une certaine connaissance de la littérature scientifique sur les enfants et la ville (notamment les travaux de sociologues dont je suis, mais aussi de géographes, de psychologues ou encore d’historiens) et sur une enquête de terrain par entretiens conduite auprès de parents à Paris et Milan au début des années 2010 en vue d’étudier le travail de régulation de l’accès des enfants aux espaces publics qu’ils mettent en œuvre au quotidien.

Ces pratiques ordinaires d’encadrement du passage des enfants à l’autonomie dans le « monde d’étrangers » qu’est la ville seront-elles impactées par le fait que les passants, mais aussi peut-être le mobilier urbain, sont désormais susceptibles d’être perçus comme autant de vecteurs de contamination ?

En miroir, des consignes spécifiques seront-elles désormais transmises aux enfants pour qu’ils ne risquent pas à leur tour de contaminer les autres usagers des espaces publics ?

Le caractère ambivalent de l’expérience de la fréquentation de ces espaces, arènes de sociabilité mais aussi d’exposition à l’imprévu et au danger, n’avait sans doute pas été aussi visible et manifeste depuis longtemps (même si le risque d’attentat et sa perception pourraient conduire à nuancer cette affirmation).

Le risque des « indoor children »

DR

Alors que les niveaux de mobilité autonome des enfants sont partout en recul en Europe au cours des dernières décennies, on peut faire l’hypothèse que le processus de retrait des enfants des espaces publics des villes occidentales, décrit par un ensemble de recherches, ne risque pas d’être remis en cause par l’épidémie et ses conséquences.

Au contraire, dans des sociétés qui se caractérisaient déjà par une inquiétude diffuse pour la sécurité des enfants, le risque que ces derniers deviennent encore davantage des indoor children – une formule proposée par des géographes néerlandais pour rendre compte du passage d’une époque où la présence non supervisée des enfants dans les espaces publics était perçue comme allant de soi, à une époque où ils ne peuvent plus les fréquenter que sous certaines conditions – n’est pas négligeable.

Soutenues par un ensemble de sanctions symboliques, financières et même pénales, la promotion et l’imposition de nouvelles normes d’usage et d’interaction dans les espaces publics (comme le port du masque, les règles d’hygiène et de distanciation physique, la limitation du rayon géographique d’action ou encore du temps que l’on est autorisé à passer dans la rue) conduiront-elles à redéfinir la façon dont les parents enseignent à leurs enfants « comment se conduire dans les lieux publics » ?

De nouvelles lignes de partage entre parents vont-elles faire leur apparition (peut-être sont-elles d’ailleurs déjà en train de le faire), en lien avec les nouvelles préoccupations sanitaires (hygiénistes, diront certains) et la définition de nouveaux comportements (ir)responsables ?

A court-terme, la diminution probable du nombre de commerces, bars et autres restaurants, du fait des conséquences économiques de la crise, pourrait affecter de manière significative les modalités et l’intensité du contrôle informel exercé au quotidien par les « yeux sur la rue » décrits par l’urbaniste américaine Jane Jacobs, qui jouent un rôle central dans la confiance et la réassurance des parents. Une telle évolution jouerait un bien mauvais tour à la présence autonome de leurs enfants dans la ville.

<< Des échanges à écouter ci-après >>


#anthropocène

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