Ce lundi au matin, peu de temps avant le début de la séance du conseil métropolitain, Bruno Bernard feignait de ne pas voir où était le problème.
« Ce n’est qu’un point d’étape qui fait le bilan de la concertation, nous avons obligation d’inscrire à l’ordre du jour les conclusions des garants dans un délai de deux mois après leur dépôt », a tenté d’évacuer le président Bruno Bernard.
Dans la soirée, les élu·es métropolitains se prononceront sur une délibération concernant le projet d’Arena de l’OL, salle de spectacle de 15 000 personnes qui doit être construite aux abords du Grand Stade de l’OL. Elle doit notamment accueillir les matchs de coupe d’Europe de l’ASVEL (équipe de basket de Lyon-Villeurbanne) et des spectacles.
Les élus écologistes majoritairement contre l’Arena
Le texte en question prend acte du bilan de la concertation préalable s’étant déroulée du 15 juillet au 15 octobre 2020 et entérine la poursuite de la procédure devant aboutir à une révision du PLU-H (Plan local de l’urbanisme et de l’habitat), indispensable à la réalisation de l’équipement, future composante d’ « OL City ».
En clair, pas de débat sur la réalisation ou non de l’Arena. Et, sur ce point, tous les écologistes ne sont pas en accord avec le président Bruno Bernard. Loin de là.
Derrière cette délibération règlementaire se jouent toutefois les premières fractures au sein de la majorité écologiste. Et avec elles, le mode de gouvernance du nouveau président de la Métropole de Lyon.
Pilotées par Béatrice Vessiller (EELV), vice-présidente de la Métropole de Lyon déléguée à l’urbanisme, deux réunions (en visioconférence) « animées » ont été organisées sur le sujet, il y a une semaine, à destination des conseillers écologistes de Lyon et de la Métropole. Un vote des conseillers métropolitains écologistes a dégagé une majorité opposée à ce projet d’Arena.
Dans le prolongement, les écologistes lyonnais (élus municipaux et métropolitains des circonscriptions lyonnaises) ont mis en place une consultation interne qui, selon nos informations, a confirmé que l’opposition à l’Arena est très majoritaire dans leurs rangs (38 contre, 5 pour, 21 ne se prononçant pas). L’hypothèse d’une demande de retrait de la délibération controversée étant approuvée par 29 conseillers (14 contre , 21 ne se prononçant pas).
Ce lundi, Bruno Bernard a confirmé qu’elle ne serait pas retirée.
« Ce n’est pas un passage en force et je n’ai pas à convaincre. Vous verrez le vote ce soir », a-t-il balayé.
Une gouvernance de Bruno Bernard « très ancien monde », « à la hussarde »
Sur le fond, les conseillers frondeurs épinglent la gouvernance à leurs yeux « très ancien monde » de Bruno Bernard. Son attitude « à la hussarde » et celle jugée par certains « agressive » de son adjointe à l’urbanisme, Béatrice Vessiller, ne passent pas auprès de tous les élu·es écologistes.
Le conseil fédéral d’EELV a même été interpellé sur cette « affaire ».
« Nous sommes conscients de la nouveauté et de la difficulté de la tâche, soulignent-ils. On ne néglige pas non plus l’inertie des services. Mais si les projets arrivent alors que les arbitrages sont rendus, on contrevient aux principes fondateurs de l’écologie politique. Nous sommes pour la plupart issus du monde associatif, du terrain.
Sur ce dossier majeur et stratégique de l’Arena, c’est une faute politique que de vouloir passer en force, sans tenir compte de l’avis des adhérents, des élus. Les engagements environnementaux de la délibération sont par trop lacunaires. Il faut trouver un compromis sur le fond qui permette d’avancer… collectivement. Il appartient à Bruno Bernard d’entendre de faire des propositions.»
Dans l’Est lyonnais, on veut croire, contrairement à ce que suggère l’exécutif métropolitain, que la messe n’est pas dite. Vent debout contre « un projet privé inutile, consommateur d’espace », les adhérents EELV de la circonscription Rhône Amont (Meyzieu, Décines, Vaulx-en-Velin, Jonage) ont formulé leur opposition dans une motion adoptée à la quasi-unanimité.
Selon eux, la faible mobilisation lors de la phase de concertation en pleine crise sanitaire ne saurait être interprétée comme une validation de l’Arena par la population (l’association « Agir pour l’environnement jonageois » vient de créer un collectif citoyens visant à proposer une alternative au projet d’OL Vallée, dans l’Est lyonnais.).
Le ton est davantage policé chez les voisins écologistes de Porte-des-Alpes (avec les villes de Bron, Saint-Priest, Chassieu, Mions) qui ont rédigé un texte réclamant à la Métropole de renoncer à la révision du PLU-H tant que des « garanties sérieuses » n’auront pas été obtenues en matière de « pollution de l’air liée aux déplacements routiers, de tranquillité urbaine des riverains, de protection de la biodiversité »…
« Comme fonctionnait Collomb »
Bien sûr, cette prise de position de quelques dizaines de militants de terrain directement impactés par les activités présentes ou futures d’OL City, peut apparaître comme un simple baroud d’honneur. Mais dans les rangs des élus EELV de l’agglomération, le malaise aussi est palpable. Une réflexion sur le projet d’Aréna avait bien été engagée, en octobre, au niveau de la Métropole, mais, assure un participant, « on a vite compris que la question de réaliser ou pas cette salle multifonctions n’était pas sur la table ».
Pour un autre, cette délibération est un vrai risque de fracture :
« Le principal souci dans cette histoire, c’est Bruno Bernard et la gouvernance du groupe. Cela donne l’impression de faire comme fonctionnait Collomb. Cela va laisser des traces. Certains ont trouvé l’attitude très méprisante.
Ce ne sont pas des machines à entériner les votes. Mais cette question met en faiblesse au-delà de la métropole de Lyon. Notre candidate aux élections régionales sera attaquée sur le sujet »
On croit alors revivre la scène avec des acteurs différents. Et à mots couverts pour l’instant. « Le président d’OL Groupe propose, la Métropole s’exécute. » Le 16 décembre 2019, lors d’un conseil métropolitain, Jean-Paul Bret (PS), maire de Villeurbanne, avant de quitter la scène politique, avait, à l’occasion d’une délibération ouvrant la voie à la construction de l’Aréna à Décines, étrillé David Kimelfeld (LREM), président de la Métropole de Lyon de l’époque après avoir succédé à Gérard Collomb .
L’Arena de l’OL malgré le « passif avec le Grand stade »
« Un président qui déroule le tapis rouge » à Jean-Michel Aulas, avait taclé l’édile socialiste. Tout juste un an plus tard, certains élus et militants écologistes de l’agglomération ne sont pas loin de reprendre à leur compte la punchline de l’ancien patron socialiste de Villeurbanne à l’endroit « leur » président Bruno Bernard (EELV). Un président qui a malgré tout pris soin de redire son opposition à l’esprit plutôt qu’à la réalisation du projet :
« Ce modèle de culture n’est pas celui défendu par les écologistes. Et nous avons clairement un passif avec le Grand Stade. Le projet doit être encore amélioré et être plus éco-responsable ». Et c’est un projet privé sur un terrain privé qui ne bénéficiera pas de financement public ou de garantie bancaire publics », a-t-il indiqué comme pour se dédouaner.
Débattue et mise au vote dans la soirée de ce lundi 15 décembre, la délibération ne devrait pas connaître de souci à obtenir une majorité avec les voix de l’opposition « collombiste » des LREM et celles des Républicains. Dans le reste de la majorité, les socialistes ont annoncé qu’ils voteraient favorablement cette délibération. Les élus communistes voteront contre et ceux de Lyon en commun (Gram) s’abstiendront.
Chargement des commentaires…