Que se passera-t-il si un ou des cas de Covid-19 est ou seront détecté(s) dans un établissement scolaire ? Ce scénario ne relève pas de la science fiction.
Selon Santé Publique France, le virus circule activement dans le Rhône qui vient d’être placé en « rouge ». En mai/juin dernier, neuf écoles et un collège ont été fermés alors que le département n’était qu’à l’« orange ».
Dans les écoles de la région lyonnaise, il y aura donc nécessairement des individus (élève ou personnel) qui seront diagnostiqués comme porteur de la Covid-19.
Une rentrée « normale »
Depuis le déconfinement, un « protocole sanitaire régional conjoint (Education Nationale – ARS) » a été élaboré. Il fixe la procédure mise en place lors de la survenue d’un cas de Covid-19 dans un établissement scolaire.
Nous l’avons demandé à l’Agence Régionale de santé -(ARS) Auvergne-Rhône-Alpes. Mais on a refusé de nous le transmettre.
« Le protocole sanitaire est un document de travail interne, il n’a pas vocation à être diffusé en dehors des structures Education nationale et ARS », nous a-t-on répondu.
C’est ce protocole qui a été adapté pour la rentrée.
Les syndicats de l’Education nationale, comme le Snes-FSU ou la CGT, l’ont également réclamé au rectorat. Il leur a été répondu que le protocole ne sera pas « communiqué aux équipes éducatives ». Ludivine Rosset, secrétaire académique du SNES-FSU ne comprend pas « cette culture du secret » :
« Maintenir le flou, c’est contre-productif. Il s’agit d’un sujet majeur car il y a de fortes chances qu’un élève ou un membre du personnel tombe malade, il faut que l’on sache comment ça va être pris en charge, notamment pour pouvoir en parler à nos élèves ».
Samuel Delors, co-secrétaire CGT Educ’action 69, estime que le ministère ne veut pas donner aujourd’hui la marche à suivre pour ne pas brouiller le message d’une rentrée « normale » promue par Jean-Michel Blanquer :
« Le discours qu’on nous rabâche est « on reprend normalement, tout va bien ». Plutôt que d’investir dans des mesures de protection (baisse des effectifs, équipements, etc…), l’Education nationale fait le dos rond en espérant que ça va se passer pas trop mal. Il s’agit encore d’une logique comptable à court terme car on sait qu’il y aura des clusters et donc des fermetures d’établissements ou de classes. »
Clusters : l’ARS pilote mais le préfet décide
Lors de la conférence de rentrée, le rectorat de Lyon a naturellement décliné les mesures sanitaires du ministère :
- obligation du port du masque à partir du collège
- recommandation de limiter contacts et brassages.
Aux chefs d’établissement et aux profs de se débrouiller avec ça.
Si un « cas confirmé » de Covid survient, le recteur Olivier Dugrip, a énuméré les mesures de base déjà appliquées en mai et juin dernier :
- Les élèves ou adultes doivent rester chez eux
- L’ARS informée par le chef d’établissement prend le relais pour retrouver les personnes contact et déterminer des quatorzaines.
Concernant une éventuelle fermeture de classe ou d’école, le principe est le même que pour le déconfinement : c’est au préfet que revient la décision, sur recommandation de l’ARS et après consultation du recteur, de l’inspecteur d’académie et de la collectivité locale compétente. Il n’a pas développé davantage.
En marge de la conférence de presse, le secrétaire général du rectorat de Lyon, Olivier Curnelle a apporté quelques précisions sur le pilotage de ces cas de Covid-19 :
« C’est l’ARS qui indique ce qu’il faut faire. Mais c’est le préfet qui décide in fine s’il faut fermer une école. Il n’y a pas d’automaticité. C’est une appréciation spécifique. L’ARS gère le cluster. Nous n’avons pas l’initiative. On fait ce qu’on nous dit de faire ».
Aucune indication précise sur les fermetures de classes ou d’établissements
La direction de l’établissement et les équipes de la Direction de l’académie (DASEN) viennent notamment en renfort pour informer les parents sur la base des informations transmises par l’ARS.
Dans une « fiche relative à la gestion des cas suspects ou contacts de Covid-19 dans les écoles et les établissements d’enseignement » datée du 28 août et transmise au chef d’établissement, on en sait un peu plus sur la procédure « en cas de cas confirmé » :
- « Le directeur d’école ou le chef d’établissement, par mesure de précaution, met en place des mesures d’éviction de ces personnes (« cas confirmés », ndlr) en attendant la liste finale établie par l’ARS » ;
- « L’ARS est responsable du recensement, de l’information et du suivi des personnes contact à risque et arrête la stratégie de dépistage adaptée ».
- « Il appartient au directeur d’école ou au chef d’établissement de prévenir les personnels et les responsables légaux, que suite à un cas confirmé dans l’école/établissement : soit leur enfant ou le personnel est susceptible d’être personne contact à risque (selon les éléments de la première liste transmise à l’IA-DASEN) et que par mesure de précaution il ne doit pas venir dans l’établissement jusqu’à la décision de l’ARS; soit leur enfant ou le personnel n’est pas identifié comme contact à risque à ce stade malgré la présence d’un cas à l’école ou dans l’établissement.
Mais rien n’est écrit sur une potentielle fermeture de classe ou d’établissement.
Moralité : l’ARS est en première ligne dans le pilotage des clusters Education nationale, les chefs d’établissement assurent l’information mais ce sont les préfets qui décideront sur la base de critères que l’on ne connaît pas les fermetures de classe ou d’école.
Pourquoi fermer une classe ou une école ?
Nadège Pagliaroli, secrétaire Rhône du Snes-FSU, craint un « jeu d’acteurs » qui n’aille dans le sens de la santé publique :
« En plus du préfet, quatre acteurs sont autour de la table : inspection d’académie, rectorat, les collectivité et l’ARS. Tous ont des objectifs différents. On ne connaît pas le poids des acteurs. Il eut été plus judicieux que ce soit l’ARS qui décide ».
En Comité Hygiène et Sécurité et Condition de Travail (CHSCT) pour le département du Rhône, un médecin du rectorat a affirmé qu’un des critères retenus pour être considéré ou non comme personne contact à risque serait le port du masque.
« Maintenant que le port du masque est rendu obligatoire pour les élèves en collège et lycée, on va nous dire qu’il n’est pas nécessaire de fermer une classe car il n’y a pas de cas contact. C’est certainement le but recherché par l’institution. »
Samuel Delors de la CGT du Rhône réagit également :
« Il faut ne pas avoir été en contact avec des élèves pour penser que l’obligation du port du masque sera respectée. Ce sera déjà difficile en classe et qu’en sera-t-il durant les temps de pause, à la cantine, voire à l’internat ? »
Comment gérer les clusters en primaire où les élèves n’auront pas de masques ?
En primaire, où le masque n’est pas obligatoire pour les élèves, la question de la gestion des clusters se pose également.
Dans une tribune publiée à la suite de la gestion du cluster de l’école Gilbert Dru (Lyon 7ème) qui a révélé un manque d’information et des consignes contradictoires données aux parents, l’association des parents d’élève a avancé des propositions pour améliorer cette prise en charge des cas de Covid, en vue de la rentrée. Nous en listons quelques unes :
- « une information en face-à-face autant que possible, sur place, le jour où une alerte est lancée par l’ARS, avec suffisamment de personnels;
- une prise de contact dans les 24h par l’ARS avec les parents absents, un contact direct 7j/7 pour la direction et/ou des associations de parents;
- un message clair sur l’isolement ou non des élèves après un test négatif, ainsi que sur l’éventuel confinement des autres membres du foyer;
- un dispositif mobile permettant de tester rapidement de nombreux enfants dans l’école elle-même ou à proximité. »
Nous aurions souhaité demander à l’ARS quelles améliorations avaient été apportées à la prise en charge de ces clusters. Mais l’Agence n’a pas donné suite à nos questions.
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