Condamné à perpétuité, Alain Chémédikian est sorti de prison en 2009 après 19 ans d’incarcération. Début juin, il a publié « Gang de flics », biographie co-écrite avec le journaliste Frédéric Ploquin. Retour sur son livre, ses années en prison, sa ville de Décines qu’il a retrouvée et son regard d’aujourd’hui.
Fils d’immigrés arméniens, Alain Chémédikian a grandi dans la cité ouvrière de Décines. Syndicaliste, peintre-plâtrier et braqueur à temps plein, celui qu’on surnommait « Le Taureau » s’échauffe au banditisme avec le Gang des Lyonnais dans les années 1970.
Du « Gang des Lyonnais » au « Gang des Ripoux »
Pour trio initial, ses deux amis d’enfance : Chaïn et Wurtz. Quand Chaïn se fait assassiner, Chémédikian doit recomposer l’équipe. C’est par hasard qu’il fait la rencontre de Don-Jean Giovanetti, enquêteur de police dans le commissariat du 3ème arrondissement de Lyon. Partant pour aller braquer, Giovanetti entraîne avec lui son collègue Michel Lemercier, sous-brigadier de police.
Nous sommes en juin 1985 et ainsi naît le «Gang des Ripoux». De fil en aiguille le gang s’étoffe, avec comme centre de recrutement de policiers corrompus, le commissariat de la Part-Dieu. PMU, supermarchés, banques et convois de fonds, au total 59 braquages sont imputés au gang. Dans les faits, ils en auraient commis près de 120. Deux seront fatals : mort d’un témoin en 1987 et de deux convoyeurs de fonds en 1989.
Michel Neyret fait tomber le « Gang des ripoux » grâce au chiffre 7
La brigade anti-gang (BRI) menée par le commissaire Michel Neyret parvient finalement à faire tomber le gang par l’analyse des « doublettes », fausses plaques d’immatriculation des voitures volées servant aux braquages. Un défaut de fabrication sur la barre horizontale des chiffres « 7 » suffira à provoquer la chute des Ripoux.
En novembre 1990, Alain Chémédikian est arrêté. Cinq années passées à l’isolement, avant de comparaître aux assises du Rhône en 1996, défendu par l’avocat Jean-Félix Luciani. Condamné à Perpétuité, Alain Chémédikian bénéficie d’une remise de peine et sort de prison en 2009. De retour à Décines, il contacte le journaliste Frédéric Ploquin, avec qui il pose son histoire sur papier dans « Gang de flics ».
C’est au « Gourmet décinois », restaurant d’un de ses amis d’enfance, que nous accueille chaudement Alain Chémédikian, 72 ans aujourd’hui. L’ambiance y est familiale : ouvert spécialement pour l’occasion, le restaurant abrite surtout ses habitués. Sirotant tranquillement son jus de fruit, Chémédikian reste bavard même sur les sujets qui fâchent. Il refuse de se voir comme un « tueur » et se revendique toujours d’une époque où selon lui les voyous « avaient des valeurs ».
« Ils nous présentaient comme de vulgaires tueurs, ils ont peut-être compris qu’ils s’étaient trompés »
Comment s’est passée l’écriture du livre ?
Alain Chémédikian : « Frédéric Ploquin m’avait dit : « Il faut que ce livre te ressemble ». Vous savez, écrire c’est un métier. Moi, je suis peintre-plâtrier. J’ai fait ce restaurant, ça je sais faire. Écrire, je ne sais pas faire. J’ai pas les mêmes mots, je m’exprime peut-être mal. Alors je lui ai tout expliqué.
La première fois, on s’est retrouvés dans un restaurant de la Part-Dieu et on a discuté pendant des heures. Il prenait des notes. Ensuite, chez moi, j’écrivais à la main, je rayais et je recommençais. On s’est vus pendant trois ou quatre ans. C’est un type très humain. Sans lui, je n’aurais jamais fait ce livre. »
Écrire ce livre a-t-il été thérapeutique pour vous ? Ou souhaitiez-vous plutôt dire votre vérité ?
« Ça n’était pas thérapeutique, parce que je suis bien dans ma tête. Déjà en prison on voulait me faire voir des psychiatres parce que je ne dormais pas. Je n’ai jamais voulu prendre d’anti-dépresseurs, je suis toujours resté fort. Ce livre, c’était un peu pour rectifier le tir. Ploquin m’a dit un jour « Alain, je t’oblige à rien, mais Michel Neyret est d’accord pour te rencontrer ». On s’est retrouvés à l’Île Barbe. Au début, c’était très froid. Neyret lui a dit : « Tout ce que Chémédikian raconte, c’est vrai ». »
La manière dont votre histoire a été racontée dans la presse est-elle fidèle à votre version des faits ?
« Malgré ce que j’ai fait, j’ai des valeurs. C’est l’injustice sociale qui m’a fait partir en vrille. J’étais quand même droit, je n’aurais jamais attaqué une vieille femme, je ne serais jamais tombé dans la came. À l’époque, la presse s’est affolée. C’est vrai que j’avais fait courir pas mal de flics derrière moi, mais ils nous présentaient comme de vulgaires tueurs. Avec le temps, ils ont peut-être compris qu’ils s’étaient trompés. Aujourd’hui, ils savent que j’ai des valeurs morales. »
« Les flics, j’aimais leurs idées de gauche »
Donc vous ne vous considérez pas comme un tueur ?
« Non, je ne me suis jamais considéré comme un tueur. Quand j’allais braquer je partais pas à la guerre, les armes c’était pour impressionner et faire en sorte qu’on nous donne l’argent. En 1989, quand on a pris l’argent, je sais qu’avec des « si » on peut refaire une vie mais si les convoyeurs avaient baissé leur arme, ça ne serait pas arrivé. C’est triste qu’on ait tiré, mais voilà. Une fois qu’on est sur le fait, on ne peut plus reculer. Honnêtement, je ne saurais pas affirmer qui a tiré le premier, si c’était Michel Lemercier ou bien les convoyeurs. Mais dès que ça a tiré, j’ai tiré aussi parce que j’avais peur que Lemercier soit abattu. J’étais loin, je ne les ai jamais approchés. »
« Braquer avec des flics », ça rendait la chose unique ?
« C’était des flics, mais ils n’avaient pas l’âme de policiers. On avait une relation amicale au début, j’aimais leurs idées de gauche. Leur statut de flic, ça me donnait l’impression d’une certaine impunité. Je me disais : « Ils connaissent la loi, ils iront pas faire les cons, ils feront attention à l’argent ». Un des policiers complices me disait que contrairement à moi, eux étaient des techniciens du droit.
Au jugement à l’inverse, leur statut de policier m’a fait prendre plus lourd. Je n’avais rien reconnu au départ. Beaucoup de mes anciens complices ont parlé de moi, donc les magistrats ont suivi pour la peine. »
Le procès de 1996, vous l’avez vécu comme une trahison ?
« Non, parce qu’avec mes anciens complices, c’était des circonstances contre nature. On était potes tant que ça allait bien. La seule chose qui nous réunissait, c’était l’appât du gain. Ce n’était pas comme mes amis d’enfance Chaïn et Wurtz avec qui j’ai grandi.
Au moment du procès, c’était déjà la fin. Mon avocat, Jean-Félix Luciani, avait été honnête avec moi, il ne m’avait pas fait croire à des miracles : « Si les autres parlent, vous prenez perpétuité ». Le procès, je n’en attendais rien. Un jour j’ai même refusé d’y aller. Je leur ai dit : « Moi je m’emmerde. En plus ils refusent que j’emmène mes biscuits ». Je savais ce que j’encourrais, j’allais jamais gagner contre tout le monde. »
« On a jamais volé les pauvres »
Dans votre livre, vous abordez à plusieurs reprises le thème de l’injustice sociale. Vous dites être un « fils de coco » dont le père « est mort d’avoir été esclave de la soie ». Finalement, quelle place ont eu vos idées politiques dans votre vie ?
« Oui, mon père était esclave et ça m’a foutu les boules. Il travaillait à 6h chaque matin. Quand il était malade ou qu’on avait besoin de lui pour accélérer la cadence, on venait le chercher. Tout appartenait à l’usine. Les maisons, les colonies de vacances aussi. Quand elle a fermé, on a dû aller dans des HLM. Mon père est mort à 50 ans. Plus tard, j’ai attrapé le contremaître de l’usine et je lui ai cassé la tête.
Moi, j’ai toujours été syndicaliste. On était révolté par le pouvoir, on était de gauche pour faire changer les choses. Je me suis engagé pour l’augmentation des salaires, le combat des femmes. J’ai voté Mitterrand et j’ai regretté. Quand je suis sorti de prison, j’étais avec les Gilets Jaunes à Paris. Ce que je veux moi, c’est la justice sociale. Si les ouvriers vivent bien, je suis content. Heureusement en France, le tissu associatif est fort. Sans ça, ce serait la révolution. »
« Même lorsque nos affaires étaient florissantes, je n’ai jamais oublié d’où je venais, la rue et le quartier populaire où j’avais grandi ». Le motif de l’injustice sociale revient souvent. Vous a-t-on déjà reproché de vous attaquer à des gens qui venaient de la même classe sociale que vous ?
« On a jamais volé les pauvres. Les PMU, c’était l’argent de l’État. Ça ne nous gênait pas de prendre le pognon. Un jour, alors qu’on braquait une banque, Lemercier a volé la sacoche d’un artisan. L’artisan est venu vers moi et m’a dit : « Monsieur, votre collègue a pris ma sacoche, j’ai l’argent de mes ouvriers et il faut que je paye mes fournisseurs ». J’ai tout de suite dit à Lemercier de lui rendre. Après, on a beau être communiste… (Rires) Moi je voulais surtout donner une vie meilleure à mes enfants. »
Et vis-à-vis des trois travailleurs qui ont perdu la vie lors de vos braquages ?
« Bien sûr, c’était encore pire. En 1987, le type du PMU s’est mis au travers de moi, voulant nous empêcher de partir. Il faut être fou pour se mettre devant deux hommes armés. Je suis sorti en dernier et j’ai tiré devant. J’ai été inculpé pour coups et blessures sans intention de donner la mort. En 1989, le problème des convoyeurs c’est qu’ils avaient des armes. S’ils les avaient baissées, ça ne serait pas arrivé. Évidemment c’est regrettable. Si c’était à refaire, jamais de la vie je le referais. Le problème c’est que sur le moment, ça va vite. »
« Les femmes disaient qu’elles étaient avec moi, pour être tranquilles »
Vous dites vous être engagé pour le combat des femmes. Cela ne rentrait-il pas en conflit avec votre ancienne activité de proxénète ?
« Oui, ce combat me touche et j’ai à coeur de le défendre. Je n’ai jamais levé la main sur une femme, ni accepté qu’un homme frappe sa femme. Je suis toujours intervenu. Peut-être parce que je n’ai jamais vu mon père élever la voix contre ma mère. Et pourtant on était des immigrés.
Je me suis retrouvé proxénète contre mon gré, les femmes disaient qu’elles étaient avec moi, pour être tranquilles. Je les défendais et les sortais des griffes de leur proxénètes. J’ai été condamné pour proxénétisme, mais j’en ai jamais vécu. Je n’ai jamais touché un centime. Et malheureusement ça m’a coûté la prison.
D’ailleurs plusieurs femmes sont venues le confirmer à la barre. J’en connais encore qui ne se prostituent plus avec qui je suis resté en très bons termes, malgré toutes ces années, et même lorsque j’étais incarcéré. »
« Emmuré vivant, c’est la rage qui vous fait tenir »
Vous insistez sur le fait que vous n’aimez pas vous plaindre. Est-ce vis-à-vis des personnes assassinées que vous vous positionnez comme tel ?
« À l’époque, certains se sont servis de la presse pour pleurer sur leur sort. Moi, je n’ai jamais essayé d’instrumentaliser les médias. Je suis passé à la télé, j’ai dit ce qui était. Ma condition sociale, c’est ce qui m’a fait passer de l’autre côté. Mais il faut assumer. À les entendre, ils sont tous innocents.
Quand j’ai été condamné à perpétuité, ma soeur pleurait. Je savais que c’était grave, mais je lui ai dit : « C’est rien, t’inquiète pas ». Dans ce livre, j’aurais pu raconter plus, mais je ne l’ai pas fait par respect pour les familles des victimes. Par contre, m’emmurer vivant comme ils l’ont fait, ça ne servait à rien. Si j’avais pas eu Luciani (son avocat, ndlr) pour m’épauler toutes ces années, j’aurais peut-être attaqué des convoyeurs de fonds à ma sortie. Quitte à me faire abattre après. »
Vous parlez de vos sept années à l’isolement, durant lesquelles « certains sont devenus fous ». Comment avez-vous tenu ?
« Je ne dis pas qu’il fallait me serrer la main et me dire de rentrer chez moi tranquillement. La sanction était juste. Mais emmuré vivant, c’est la rage qui vous fait tenir. La haine de la société. Luciani m’a raisonné. Il m’a dit de penser à mes enfants. Grâce à eux, je n’ai pas vrillé. Quand vous êtes en prison, vous êtes privé de tout. J’ai divorcé de ma femme, je lui ai dit qu’elle ne pouvait pas m’attendre à perpétuité. Vous n’avez pas non plus de sexualité. Ça rend fou d’oublier tout ce qu’on aime. »
« C’est le bandit qui nous a fait l’arbre de Noël »
Cette expérience en prison vous a-t-elle fait réfléchir à un système carcéral alternatif ?
« L’Etat a les moyens de rendre une justice qui transforme la peine. J’ai le fils d’un ami qui est incarcéré en Suisse. Là-bas, ce n’est pas une prison répressive comme en France. On peut avoir des parloirs jusqu’à 20h30, les peines sont moins dures, c’est plus propre. On donne aux détenus des cigarettes et des clés USB. Ils travaillent à l’intérieur de la prison et touchent un salaire.
S’il y avait du travail, ça changerait tout. Les détenus pourraient aider leur famille en difficulté avec l’argent gagné, et avoir quelque chose devant eux à la sortie. Quand j’étais au centre de détention de Mauzac, j’étais employé dehors. Je m’occupais de la peinture, de l’école. Les enfants m’aimaient bien. Ils disaient : « C’est le bandit qui nous a fait l’arbre de Noël ». J’étais bien, je sortais le matin et je rentrais le soir. Je ne ruminais pas.
Si la perpétuité avait été maintenue pour moi, je serais encore en train de croupir dans une cellule. »
« Quand je suis sorti, le pire n’était pas derrière moi, il était devant moi »
Aujourd’hui, vous considérez-vous comme réinséré dans la société ?
« La réinsertion, je n’en pense rien parce que c’est faux. Moi, je me suis réinséré grâce à mon avocat. Mais sans lui, qu’est-ce que j’aurais fait ? Avec la rage qu’on a quand on sort et qu’on sait pas où aller ? Vous avez même honte de revenir chez vous. Avec mes enfants, ça a été, mais comment leur parler ? Comment se comporter ? Quand je suis sorti, le pire n’était pas derrière moi, il était devant moi. »
Comment se sont passées les retrouvailles avec votre famille ?
« J’étais comme un étranger. Ma mère est décédée juste avant mon arrestation. Heureusement, sinon elle serait morte d’apprendre la nouvelle. Ma soeur et mon frère m’ont bien accueilli. Avant, j’allais chez ma soeur, j’ouvrais la porte, je rentrais et je me faisais un café. À mon retour, j’étais comme un petit garçon, j’attendais qu’elle me le propose.
Avec mes propres enfants surtout, c’était dur. C’est pas qu’ils me rejetaient, mais ma fille avait 3 ans quand je me suis fait arrêter. Dans ma tête, j’avais encore la voix de ma fille petite. Je savais qu’elle avait grandi, qu’elle était une femme, mais je voyais toujours mon bébé. »
« Le milieu comme je l’ai connu, il n’existe plus ».
Décines était-elle toujours la même ?
« Décines, c’était encore mon bac à sable. À mon retour, mes amis d’enfance m’ont embrassé tout de suite. Ils connaissent mes valeurs, on a grandi ensemble. Chez nous, on est comme des saumons qui reviennent sur leur lieu de naissance. Même quand j’allais en vacances à l’époque, je revenais un ou deux jours avec ma femme. J’étais content de venir, voir mes amis. On boit un café, on s’embrasse, on est bien.
À mon retour, c’est l’état d’esprit des gens qui avait changé. À l’époque, tout le monde se connaissait, nos maisons étaient ouvertes. Un jour on nous avait proposé des verrous pour fermer la porte. Ma mère s’était demandé : « Mais les gens, comment ils vont rentrer ? » On était pas égoïstes. Quand je suis sorti, il n’y avait plus de solidarité, c’est ça qui m’a choqué. »
Vous n’avez jamais été tenté de recommencer les braquages ?
« Évidemment, j’ai été invité à des braquages par d’autres truands. J’ai toujours dit non, parce que j’ai changé de vie. Ce chemin est mauvais. Ça a été pour moi une vie de misère. J’ai mis plus de huit ans à m’en remettre après ma sortie. Je suis redevenu honnête, pour mes enfants, en pensant à Luciani. J’ai travaillé, surtout pour des gens qui sont démunis. Maintenant je m’occupe de personnes handicapées. Depuis un ou deux ans, je suis tranquille. J’aurais préféré que cela n’arrive pas, malheureusement c’est arrivé. »
Vous parlez des voyous de l’époque. Comment voyez-vous ceux d’aujourd’hui ?
« Le milieu comme je l’ai connu, il n’existe plus. Quand vous ouvrez le journal, il n’y a plus de groupes structurés. Les gangs sont morts. Ça se passe dans des cités HLM, là où il y a beaucoup de came et de jeunes. Ça n’a plus rien à voir avec nous. À Marseille, ils se tuent entre eux pour un peu de cannabis ou de cocaïne. Ils n’ont pas le respect des gens comme nous on a eu. Parce que malgré tout, en bon voyou, on respectait les gens âgés. Puis, quand on voulait sortir avec une fille et qu’elle disait « non », c’était non. On n’était pas des Robins des Bois, mais c’était normal de dépanner, de rendre service aux autres. »
« Il faut se donner les moyens, même si c’est pas facile »
Selon vous, ces jeunes ont-ils des alternatives que vous n’aviez pas à l’époque ?
« Il y a beaucoup de jeunes qui viennent me voir pour faire des hold up. Je leur dis une chose : « Travaillez, mettez-vous en auto-entrepreneurs ». Moi, j’ai été voir des boîtes d’intérim en sortant. Quand ils ont vu que j’avais des capacités, elles m’ont gardé. Il faut se donner les moyens, même si ça n’est pas facile. L’école aussi, c’est important. Quitte à reprendre des cours.
La France il ne faut pas cracher dessus, c’est quand même un beau pays. J’aimerais que les ouvriers puissent mieux gagner leur vie, que les logements soient moins chers. Je sais que ça fait mal. On travaille pour le SMIC, l’intérim c’est souvent des sales boulots. Mais il vaut mieux avoir un petit pécule dans la poche que zéro.
Après, il y a des gens qui n’ont rien même s’ils se lèvent le matin. S’il n’y a pas à manger pour mes gosses, je vais chercher l’argent où il est. Bien ou mal, tout ce qui se trouve en face de moi, je l’élimine. »
Que pensez-vous du rapport des citoyens à la police aujourd’hui ?
« Nous, on avait jamais entendu le mot « racisme ». Moi, j’ai pas trop eu affaire à ça et je n’ai rien contre les flics. Les policiers qui m’ont arrêté, ils auraient pu me tuer, on ne leur aurait jamais demandé de comptes. J’ai vu des policiers aller repêcher dans l’eau les braqueurs qu’ils poursuivaient.
Pour moi, le policier est là pour avoir un salaire et pour être objectif. Certains se croient investis d’une mission. D’autres profitent de leur carte de police. Moi une carte de police ça ne m’arrête pas. Si je me fais contrôler, je leur donne mes papiers. Mais c’est vrai que certains policiers se conduisent mal, d’autres se conduisent bien.
« J’ai aussi écrit pour eux, pour leur faire comprendre »
Finalement, ce livre exprime-t-il un remord ?
« Oui. J’aurais dû tout arrêter quand mon ami Chaïn s’est fait tuer. Tout ça n’aurait jamais dû arriver, c’est du gâchis. Mais c’est facile de dire que je regrette. Mes enfants étaient petits quand j’ai été envoyé en prison. Ils ne valident pas ce que j’ai fait. Ils auraient pu me rejeter, ils ne l’ont jamais fait. La chance que j’ai eue, c’est mes amis et ma famille près de moi. Ils ne m’ont jamais jeté la pierre et m’ont toujours soutenu. Maintenant, je suis sorti. On ne peut pas réparer. J’ai aussi écrit pour eux, pour leur faire comprendre. »
>> « Gang de flics », d’Alain Chémédikian avec Frédéric Ploquin. Nouveau monde éditions. 17,90 euros.
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