Présents dans les mousses, les revêtements ou encore dans les cosmétiques, les produits chimiques perfluorés et polyfluorés sont signalés dangereux, et possibles cancérigènes, depuis 2009. Mais en France, les pouvoirs publics ferment les yeux et ne font rien pour limiter la contamination de la population. La Vallée de la chimie fait partie des zones les plus touchées.
Inconnus du grand public, les PFAS (per et polyfluoroalkylées – 4 700 différentes substances chimiques), sont présents dans le sang de toute la population française. Et pour cause, ils envahissent notre quotidien depuis les années 1940. Revêtements antiadhésifs des ustensiles de cuisine,
papiers alimentaires imperméables, mousses anti-incendie, produits ménagers antitaches, les cosmétiques, certains dispositifs médicaux… ils sont partout, et sont connus en plus pour leur capacité à s’accumuler dans les organismes vivants pendant plusieurs années.
Malgré les alertes de voisins européens et de chercheurs dès 2009, la contamination générale de la population, ainsi que des grands cours d’eau français, se poursuit sans faire réagir les pouvoirs publics français.
Libération a mené l’enquête sur ce nouveau scandale sanitaire.
Les eaux du Rhône polluées aux perfluorés en aval de la Vallée de la chimie
Au niveau européen, en janvier 2020, l’Autorité sur la sécurité alimentaire (Efsa) a publié un rapport qui recommande de diviser par 100 à 200 la valeur limite des quantités pouvant être absorbées par l’homme sans risque pour la santé, sur les quatre principaux PFAS. En France, aucune action n’est menée pour limiter la contamination ni exiger une dépollution des industriels, et aucune communication auprès du public n’est réalisée, note Libération.
Interrogé par le quotidien, Pierre Labadie, spécialiste des polluants persistants au CNRS, affirme qu’ »au moins un composé de cette famille PFAS a été trouvé dans 90 % des cours d’eau français ».
L’Anses a proposé en 2017 des valeurs sanitaires pour certains de ces composés, mais elles s’avèrent aujourd’hui 50 fois supérieures pour les PFOS et 21 fois plus hautes pour les PFOA que la recommandation de l’Efsa. Et elles ne sont pas contraignantes.
Dès 2009, la Direction générale de la santé a commencé à s’en inquiéter en demandant à l’Anses de conduire une enquête sur la présence des PFAS dans l’eau du robinet. Puis une nouvelle en 2016 sur la contamination des réseaux d’eau douce et des nappes phréatiques et alluviales. Leur conclusion : «Certaines activités anthropiques entraînent une contamination significative en PFAS de certaines ressources.»
Deux points chauds anonymisés sont évoqués. Libération a pu les identifier : un dans l’Oise et un dans le Rhône, à partir de la plateforme industrielle de la commune de Pierre-Bénite, où deux sites des entreprises Arkema France et Daikin Chemical relâchent des PFAS dans le fleuve.
« Certains PFAS rejetés par ces activités industrielles étaient présents et détectés dans les ressources en eau potable situées à l’aval », conclut le rapport. De même dans le sous-sol, « les résultats montrent une contamination générale de l’aquifère et de la nappe alluviale sous le site industriel ».
Arkema récalcitrante pour faire la lumière sur les produits chimiques perfluorés
Les deux entreprises se montrent récalcitrantes à laisser mener ces études. Arkema a accepté, mais a fait disparaître un des points les plus contaminés.
« Au niveau de l’usine, il était prévu de collecter les eaux d’un ouvrage assurant le confinement des eaux sous le site de l’usine et jugé très pertinent par les agents de la Dreal [Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, ndlr] dans le cadre de cette étude, écrit l’Anses. Bien qu’informé du plan d’échantillonnage, l’industriel a démantelé cet ouvrage la veille des prélèvements, rendant ainsi impossible toute analyse. »
La Dreal, impliquée dans ces découvertes, botte en touche face à aux questions de Libération :
« Je n’ai pas pu avoir confirmation d’une étude de pollution dans les eaux souterraines, nous a répondu notre interlocuteur. La Dreal n’a pas réalisé d’études sur la présence de PFAS dans l’eau ou les sols de Pierre-Bénite. Concernant les installations classées pour la protection de l’environnement, la réglementation actuelle ne prévoit pas le suivi de ces substances, ni dans les eaux souterraines ni dans les rejets. »
Pourtant un groupe de chercheurs communique en 2011 à la Dreal leurs résultats sur la contamination du Rhône par ces rejets. Ils ont d’ailleurs trouvé une pollution plus étendue que ce que décrit l’Anses.
«Nous avons décelé, en étudiant les sédiments et par des prélèvements dans l’eau du Rhône, une augmentation significative de la contamination à partir de Pierre-Bénite, décrit Marc Babut, un des chercheurs affilié à l’Inrae (ex-Inra). Le laboratoire de l’Anses a conclu que la contamination dans les sédiments disparaissait rapidement après Pierre-Bénite. Pourtant, nous en avons trouvé à 40 kilomètres en aval de la commune grâce à une technique d’analyse plus sensible. La pollution est ancienne et se poursuit.»
Dans le fleuve, elle s’étend jusqu’à Arles, soit 250 km au sud.
Mais l’Agence régionale de santé (ARS) ne s’est toujours pas saisie du sujet.
Contacté par Libération, Arkema France ne veut pas dire quels PFAS sont utilisés sur son site de Pierre-Bénite. Mais l’entreprise dit « travailler activement sur des solutions d’évolution de [son] procédé industriel afin d’éliminer totalement à l’horizon 2024 l’utilisation de ces additifs fluorés ».
Lire la totalité de l’enquête sur liberation.fr
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