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Grands Concerts de Lyon : « La vraie crise sera pour 2021 »

Eric Desnoues est le fondateur et directeur artistique des Grands Concerts de Lyon, une association autour des musiques anciennes. Il assure la gestion de la salle publique la Chapelle de la Trinité depuis 1999. Concerts, privatisations, événements culturels y sont organisés tout au long de l’année. S’il n’a pas de crainte à court terme, l’année prochaine s’annonce plus délicate selon lui pour le secteur.

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La Chapelle de la Trinité accueillera le débat dédié à la Culture, organisé par Rue89Lyon et le Petit Bulletin. DR

« La Chapelle de la Trinité a fermé ses portes le 13 mars dans des conditions un peu sportives.

À 13 heures, le gouvernement annonce l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes. Nous avions un concert prévu à 20 heures avec la fine fleur de la musique baroque, l’Ensemble Correspondances, dirigé par Sébastien Daucé. Un ensemble qui avait donc déjà engagé des dépenses importantes pour cette représentation. Or le décret gouvernemental n’est effectif que lorsqu’il paraît au journal officiel, soit le 14 mars à minuit.

Mais j’ai tout de même pris la décision d’annuler l’événement, une décision que je ne regrette pas a posteriori. La chapelle est alors devenue une belle endormie.

Une chute de 28% dans le budget annuel

L’impact économique est considérable.

On a calculé une différence de 28% entre le budget qui aurait dû être réalisé et le budget réalisé qui se termine le 30 juin. 42 dates ont été annulées entre le 13 mars et le 30 juin : les représentations produites par Les Grands Concerts, les concerts que l’on accueille en coproduction, comme Candlelight, ou encore les activités réceptives de la chapelle ; on devait notamment recevoir des événements des Quais du polar, mais aussi des Nuits de Fourvière (ndlr : la billetterie représente 65% de leur budget).

Au total, ce sont 18 000 personnes qui n’ont pas pu être accueillies. C’est un coup dur… D’autant plus que c’est un temps fort de notre saison.

La Chapelle de la Trinité, en plein cœur de la presqu’île, est devenue l’écrin lyonnais de la musique baroque.

Et nos dates de juillet et août ont également été annulées. C’est dommage, parce que c’était la première année que l’on avait des activités ouvertes au public l’été. Mais nous survivrons, grâce à notre gestion très saine. J’ai bâti les Grands Concerts il y a 38 ans, on peut dire aujourd’hui qu’ils sont très solides.

Maintenant nous travaillons sur notre prochaine programmation, qui devrait être communiquée le 24 juin. La billetterie ne sera ouverte qu’en septembre, car on ne veut pas risquer une fausse manœuvre. Je ne pense pas que le public soit assez serein pour reprendre les abonnements. C’est un peu hors de propos. Notre programmation sera donc légèrement décalée, et sera ouverte dès la deuxième quinzaine de novembre au lieu de début octobre en temps normal.

Durant le confinement, nous avons demandé à nos clients par mail « Quand envisagez-vous de revenir assister à un concert à la Chapelle ? », avec trois choix possibles : novembre, janvier ou plus tard. Une écrasante majorité, à 80%, a répondu en « novembre », puis 10% respectivement pour « janvier » et « plus tard ».

J’en profite pour signaler ici que nos clients sont des gens formidables. Dès mi-avril, en raison des annulations, nous leur avons proposé soit un remboursement, soit un avoir, ce qui est préférable pour nous, soit des dons de leurs places pour nous aider à traverser cette crise. Et bien nous avons reçu quelques dons, et le choix de l’avoir a été majoritaire, en comparaison aux remboursements peu nombreux.

« Soit on rouvre avec une jauge normale, soit on ne rouvre pas »

Même si le gouvernement a autorisé la réouverture de certaines salles de spectacle, ça n’a pas vraiment pas de sens pour nous. Si l’on suit les recommandations sanitaires actuelles, soit un mètre de distance entre les spectateurs, notre jauge tomberait à 60,80 (ndlr : la chapelle compte 500 places en temps normal). Ce n’est pas la peine d’ouvrir en tant que producteurs, c’est économiquement impossible ! Mais si certains partenaires entrent dans ces contraintes, je ré-ouvrirai pour eux.

Autre problème rédhibitoire : la distanciation sur scène. En concert, avec 40 chanteurs sur scène, comment je fais pour faire de la distanciation ? Peut-être que la vraie crise pour la culture sera pour la saison 2021-2022, et la question serait alors : est-ce que les aides publiques seront maintenues jusque là ?

Erci Desnoues, directeur des Grands Concerts à Lyon. DR

Ces derniers mois nous avons déjà reçu plusieurs mesures d’aides, notamment les 1500 euros du Ministère de l’Economie, les 1000 euros supplémentaires de la métropole, et nous avons pu bénéficier du chômage partiel, qui a été d’une grande aide, car les salaires représentaient notre première problématique, après les frais fixes.

Avec ces dispositifs, on n’a pas eu l’impression d’être seuls.

Seul bémol, le CNM (Centre National de la Musique) qui a un peu tendance je trouve à se substituer au Ministère de la Culture. Ils font beaucoup de bruit sur les aides qu’ils accordent, mais nous n’avons rien reçu, nous, par exemple.

La musique ancienne davantage subventionnée ? « Un faux procès »

L’image d’une musique ancienne davantage subventionnée est complètement fausse. En temps normal, nous bénéficions de 20% de financement public, soit 100 000 euros TTC de la ville et 50 000 euros de la région. Je ne pense pas être un nanti ! De même, les ensembles baroques, y compris les plus importants, ne perçoivent que 5000/8000 euros de subventions par an. C’est un faux procès !

Il est vrai que certaines structures, telles que les opéras et les orchestres symphoniques, ont des budgets colossaux, en raison d’un schéma culturel hérité du XIXe siècle. Et je suis le premier à pester et à réclamer un peu plus d’équité. Mais il ne faut pas tomber dans un discours populiste et caricatural, il faut essayer de comprendre !

Les musiques avec électricité engagent un volume sonore plus important, avec lequel on peut remplir des stades. Ce qui n’est pas possible avec un orchestre symphonique. Etant donné que les jauges doivent être moins importantes, il est plus difficile de rentabiliser l’événement. D’autant plus que les musiques anciennes ne sont pas faites pour être commercialisées.

Pour ma part, je travaille sur des musiques anciennes qui datent des XVIe, XVII, et XVIIIe siècles, et j’aspire à jouer dans les conditions dans lesquelles elles ont été produites, avec une attention particulière aux instruments, partitions, etc. Mon credo, c’est l’authenticité. Les coûts de production sont donc très importants. En soit, c’est un suicide économique !

Voilà pourquoi on ne peut pas comparer tout simplement les musiques actuelles et anciennes, ce sont des logiques très différentes. »


#musique baroque

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Photo : Reperkusound / Hugo – Radio Campus St-Etienne

Photo : Anne Bouillot

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