Le 15 février dernier, lors la présentation de sa liste, la maire communiste de Vénissieux, Michèle Picard, annonce entrer en résistance, sous les applaudissements de la salle Irène Joliot Curie :
« le 15 mars, nous voulons battre toutes les droites. La droite libérale et arrogante du macroniste Yves Blein; la droite sectaire et réactionnaire de Christophe Girard. Et l’extrême droite xénophobe de Damien Monchau. C’est l’heure de les sanctionner et d’affirmer nos résistances à l’argent fou et à la technocratie. »
Ces paroles donnent le ton.
Un « monde » communiste dépassé
Tandis que le parti communiste va fêter son centenaire, le communisme municipal vit une crise depuis la fin des années 1980. L’Association nationale des élus communistes et républicains (ANECR) compte aujourd’hui 661 communes et environ 6 700 élus communistes.
Comme le souligne Le courrier des Maires, le parti est confronté à un déclin électoral depuis 1983 :
« Le PCF perd à chaque échéance plus de communes qu’il n’en gagne. Constate ainsi le politiste David Gouard, chercheur à l’université de Toulouse », rapporte Olivier Schneid pour le Courrier des Maires.
Durant la réunion organisée le jeudi 13 février, à la fédération du Rhône du PCF, la nostalgie des gros scores du PCF gagne les candidats et militants. Pour expliquer ce déclin, certains militants évoquent la perte de l’esprit communiste après la « normalisation du Parti par Robert Hue ». D’autres évoquent le vieillissement du parti souffrant d’un manque de jeunes adhérents. Pour la porte-parole du PCF et sénatrice de la Loire, Cécile Cukierman, cet affaiblissement est notamment dû à la représentation d’un « monde » dépassé.
« On est resté sur nos acquis. On est sorti de la guerre froide où nous représentions pour les uns un modèle et pour les autres un contre-modèle. Quand tout ça a éclaté, ces formations politiques structurées sur ce modèle ont été ébranlées », commente Cécile Cukierman.
« Pour Monsieur Girard, communisme égal goulag »
Michèle Picard dirige la ville de Vénissieux depuis 2009, date à laquelle elle a succédé à l’emblématique député-maire André Gerin qui lui a cédé son siège en cours de mandat. Dans ce bastion communiste, cinq maires communistes se sont passé le flambeau depuis 1935.
La ville communiste ne s’est pas relevé de la désindustrialisation,
Une situation sociale qui sert d’argument aux opposants pour remettre en question les différents mandats communistes.
« Ce mandat a fait perdre une décennie à notre commune », commente Christophe Girard, chef de file de la droite au conseil municipal et qui repart pour de nouvelles élections.
Pour sa défense la maire Michèle Picard évoque un bilan globalement positif :
« J’ai rempli le contrat. Il y a trois projets que nous n’avons pas réalisé, comme la Maison de l’emploi. Dans la mesure où les dotations ont baissé, il y a des choses que nous avons priorisées. »
Également attaquée sur la succession des mandats communistes, la candidate fait de l’héritage communiste un argument électoral.
« Pour Monsieur Girard, communisme égal goulag. Je trouve ça très réducteur. Parce qu’on est communiste on ne sait pas travailler avec les autres, ça c’est la caricature du bloc de l’Est. Certes, j’ai un idéal communiste mais je fais avec les entreprises et heureusement ».
La candidate communiste poursuit :
« 85 ans de communisme c’est aussi 85 ans d’expérience. C’est un fil rouge. Mon programme est une continuité et une résonance aux valeurs de la gauche et du PCF. »
Une alternative au « communisme municipal »
« Ancien monde » versus « nouveau monde » ? À Vénissieux, le communisme est à bout de souffle estime le candidat de LREM, Yves Blein. Le député marcheur (ex-PS) et ancien maire de Feyzin compte « libérer les Vénissians de l’emprise de cette idéologie dépassée par les enjeux modernes ». Dans la même lignée, la liste Europe Ecologie Les Verts (EELV), menée par l’ex-adjointe au maire Sandrine Perrier, souhaite se positionner comme « une alternative au communisme municipal ».
Ces deux candidats au poste de maire reprochent notamment à la municipalité actuelle le manque de liaison avec la Métropole de Lyon.
« Vénissieux n’a pas bénéficié de la croissance de la métropole. Ils [communistes, ndlr] veulent gouverner seuls. Vénissieux est tenue à l’écart et c’est cette idéologie qui la cloisonne dans sa coquille », commente Yves Blein.
Pour Sandrine Perrier, le challenge réside dans la réinsertion de la commune dans la dynamique de la Métropole, afin de faciliter les prises de décision en collaboration avec celle-ci.
La sécurité avant tout
Par ailleurs, les « incivilités » et le « laisser-aller » sont pointés du doigt. La sécurité devient le talon d’Achille de la ville communiste et se place comme l’un des enjeux principaux de cette élection municipale.
Le député marcheur Yves Blein :
« Les règles sont transgressées en permanence et Mme Picard ne se donne pas les moyens nécessaires pour avoir l’autorité. »
Pour pallier le problème, Sandrine Perrier propose un redéploiement des effectifs de la police dans les quartiers concernés et une collaboration étroite avec les services sociaux.
Michèle Picard répond aux critiques :
« D’abord, je rappelle que c’est une fonction régalienne de l’État et nous venons en complémentarité. On a eu l’arrivée de 30 policiers nationaux supplémentaires, ce qui est une bonne chose. Donc, quand on parle de sécurité ce n’est pas à nous de tout faire. Je rappelle qu’il y a une convention police nationale-police municipale avec des missions propres à chacune. »
Interrogée également sur les effectifs de police, la maire sortante assure que ses opposants ignorent la complexité de la thématique :
« Ils ne connaissent pas l’organisation de la ville sur la sécurité. Avec la baisse des dotations aux communes, pour déployer plus de policiers nationaux, il faut supprimer des postes d’autres agents pour équilibrer le budget. »
Un contexte de mobilisation favorable
Les récentes élections européennes où le Rassemblement National est arrivé en tête à Vénissieux avec 22,02% contre 7,41% pour les communistes donnent le ton. Le PCF semble tout de même profiter d’une ‘’fenêtre d’opportunité’’.
Le terme développé par le politologue américain John Kingdon renvoie à la présence d’une conjoncture de facteurs dans un contexte politique et social donné, qui compose des résultats non nécessairement attendus. Ainsi, le PCF a su profiter de la succession des mobilisations, notamment le mouvement des « gilets jaunes » et la réforme des retraites, pour renforcer ses troupes.
Même si les adhérents se font rares, « leur nombre est resté stable entre 2000 et 2014. Cependant, depuis les mobilisations la dynamique reprend. En décembre 2019, on a eu plus de 150 adhérents à la fédération et ça continue », explique le secrétaire fédéral du Rhône du PCF, Raphaël Debû.
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