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Margaux Létang, lauréate du concours d’écriture « Lyon, des nouvelles de 2050 »

Margaux Létang a participé au concours d’écriture organisé cet été par Rue89Lyon, « Lyon, des nouvelles de 2050 ». Sa nouvelle intitulée « Vous êtes pas d’ici, vous » a été choisie parmi 150 textes reçus, passés au tamis de la rédaction qui a présenté ensuite une sélection de 13 textes à un jury formé spécialement pour l’occasion. Lesquels ont tous été publiés dans un recueil paru en décembre 2019.

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Margaux Létang, lauréate du concours "Lyon, des nouvelles de 2050". ©Rue89Lyon

Dans la petite bio que Margaux Létang a rédigée pour le recueil, elle se présente ainsi :

« Originaire du centre de la France, j’ai 32 ans et je travaille à Lyon dans le secteur culturel et associatif depuis la fin de de mes études en 2012. Installée à la Croix Rousse depuis cinq ans, je participe à l’excellent cycle d’apprentissage des Artisans de la fiction fondé par Lionel Tran. »

Nous revenons avec elle sur sa participation, sur ses inspirations pour ce texte, sur sa vision d’une ville et d’une société dans laquelle vivre demain.

Margaux Létang, lauréate du concours « Lyon, des nouvelles de 2050 ». ©Rue89Lyon

Rue89Lyon : Qu’est-ce qui a motivé ta candidature à un concours portant sur une projection de Lyon en 2050 ?

Margaux Létang : La raison principale est que je venais de finir ma première année aux « Artisans de la fiction » et, histoire de ne pas perdre la main, je me suis inscrite au concours. C’était vraiment au départ dans l’optique de travailler en attendant la rentrée. Je me suis inscrite en même temps que Flavien Gache, un ami rencontré aux « Artisans », histoire de nous motiver à deux, de nous donner des deadlines, nous relire l’un l’autre.

Je n’avais jamais participé à ce type de concours avant, je me suis vraiment inscrite la fleur au fusil. Le sujet était très motivant par ailleurs, et j’apprécie beaucoup Rue89Lyon. Et puis c’est toujours intéressant d’être lue par des professionnels, même si c’est un peu intimidant.

Pendant la soirée de remise du prix, tu as évoqué ton rapport particulier au bœuf et tu as également parlé de ceux qui ont inspiré tes personnages.

Mon rapport au bœuf est conflictuel. Je ne mange plus de viande de bœuf depuis l’âge de 6 ans environ, sur décision de mes parents. Ils ont effectivement choisi de le boycotter lors de la crise de la vache folle, sans doute plus pour des raisons politiques que sanitaires. C’est depuis devenu très naturellement une habitude alimentaire. Qui m’arrange bien éthiquement parlant aujourd’hui, quand on voit les impacts environnementaux de la production bovine industrielle. Mais qui peut s’avérer un peu contraignante, quand il faut l’expliquer, et pendant les repas dans la belle famille :).

Comme je le disais à la remise du prix, mon surmoi s’oublie parfois quand il baigne dans le Côtes du Rhône, et je ne résiste pas à la bavette échalote de 2h du mat’ à la Gratinée.

Dans la nouvelle, je parle d’un cuisinier, Nicolas, qui fait référence à Daniel Perrier, qui officie au Comptoir du vin rue Belfort. Le resto est directement cité dans mon texte. C’est pour moi une institution de la Croix-Rousse. J’y ai mangé la première fois par hasard. C’était aussi la première fois que je mettais les pieds sur le Plateau ; je me souviendrai toujours de ce sauté de porc au vin rouge et de ses pommes de terre ! C’est vraiment un lieu de réconfort pour moi (même si mon système digestif dit le contraire), où on est toujours bien accueilli, où on rigole, où on ne fait pas de chichis.

J’y ai « fêté » le Beaujolais nouveau juste après les attentats du Bataclan, avec une tristesse pas possible mais un vrai sentiment de fraternité.

Le langage que j’utilise pour le vieux Nicolas est en partie celui de Daniel, qui m’accueille toujours avec un « Salut les gones » et m’appelle « la petite ». Il va sans doute m’engueuler d’avoir parlé de lui, comme la fois où j’ai osé prononcer le mot « cholestérol » dans son resto.

Quelles craintes mais aussi quels espoirs, pour employer des termes un peu forts, as-tu concernant les années à venir ?

C’est une question compliquée. Je suis d’un naturel très anxieux, mais aussi très idéaliste. J’envisage l’avenir avec de la peur mais aussi avec de la curiosité et l’idée que l’être humain me surprendra quoi qu’il arrive. Je dévore les séries d’anticipation britanniques type Utopia, Black Mirror ou la plus récente Years and Years, où on imagine des dérives technologiques et politiques ultra flippantes, avec quelques âmes qui tentent de résister.

Mes craintes portent pour être large sur la soumission totale des individus aux logiques marchandes. Le creusement des inégalités et la destruction des écosytèmes en sont pour moi les conséquences.

L’économie n’est qu’une partie de l’activité humaine, inscrite dans un contexte social lui-même inscrit dans un environnement écosystémique. Bref, mes craintes reposent donc sur cette espèce de déshumanisation progressive des interactions, de « colonisation des imaginaires », de monopolisation de l’attention (le fameux temps de cerveau disponible), avec toutes les conséquences écologiques au sens large que cela implique.

Mes espoirs, au contraire, sur la capacité de résilience, de coopération, de résistance et de transformation de l’être humain.

Quelle est ta relation avec la ville de Lyon et ce territoire ?

Je suis arrivée à Lyon pour terminer mes études en 2010. J’y avais passé un week-end tout au plus auparavant. Je m’y suis très vite sentie bien. Il faut dire, je quittais Paris, donc c’était pas difficile -haha. La ville m’a semblé plus à taille humaine et propice à une vie de quartier. Même le Campus de Bron avait mes faveurs !

J’aime beaucoup la proximité du Rhône et de la Saône, le fait de pouvoir apercevoir les Alpes quand il fait beau au loin. La vie culturelle y est très riche, c’est une vraie chance de vivre ici. J’y ai vu certains de mes plus beaux concerts ! Et puis il y a la Croix-Rousse… Mais ça, la nouvelle en parle suffisamment sans que j’aie à m’étendre sur l’amour que je porte à ce quartier. Le seul hic c’est l’éloignement par rapport à ma famille, qui vit dans l’ouest.

La question du transport et de l’alimentation sont au centre de ton texte, comment t’es venue cette idée de dealeuse de bœuf ?

J’ai passé le plus gros de mes études à travailler sur ces questions (en sciences politiques spécialisées sur le « développement durable »), et j’ai un engagement ancien dans le monde des Amap (j’ai fait partie de l’équipe associative qui a créé Sciences Potiron, l’amap de Sciences Po Paris, vers 2007-2008).

L’alimentation est une problématique profonde, qui touche à plein de dimensions, à la fois sociale, économique, environnementale et profondément culturelle. Je trouve que c’est un sujet ultra propice à l’invention d’histoires. On a tous une histoire qui concerne un plat par exemple.

Cette idée de dealeuse de bœuf est venue petit à petit. Au départ je pensais écrire sur une maraichère. Mais je me suis rappelée d’un « paper » que j’avais écrit en cours d’anglais à Sciences Po il y a longtemps. Le cours portait sur les « subcultures » américaines, et le sujet du devoir était d’écrire un article de journal sur une « subculture » imaginaire. J’avais pondu un article sur les « meaters », un groupe qui se réunissait dans les espaces publics pour manger de la viande rouge, pour provoquer une société devenue quasi entièrement végétarienne.

Peu de temps après mon inscription au concours je suis aussi tombée sur un article sur Courrier international (issu du NYTimes), qui parlait de boucheries éthiques aux Etats-Unis (avec un titre bien putaclic comme tu peux le voir). Et comme je fais une fixette sur le bœuf, cf la question plus haut, Elsa s’est retrouvée éleveuse bovine assez naturellement.

Pendant la soirée de remise du prix du concours « Lyon, des nouvelles de 2050 ». ©Rue89Lyon

Peux-tu nous en dire davantage sur ta pratique de l’écriture, quel temps tu lui dédies, quels types de formats tu tentes ?

Je suis une littéraire dans l’âme. J’ai toujours aimé écrire, mais ma pratique se cantonnait à un journal, à des notes personnelles, voire un peu de poésie, juste pour moi, à de l’écriture épistolaire… J’ai pas mal écrit « journalistiquement » pour des chroniques de concert par exemple, ou des émissions de radio. Mais je ne m’étais jamais lancée dans la fiction.

Après trois ans d’ateliers de théâtre, je me suis inscrite l’an dernier aux « Artisans de la fiction ». C’est vraiment Lionel Tran, mon formateur, qui m’a fait comprendre la différence entre écrire pour soi et écrire pour les autres.

Cette première année du cycle d’apprentissage « l’artisanat de la fiction » m’a permis de reprendre les bases, et surtout d’écrire, régulièrement, avec des objectifs, et avec des retours. Je suis d’un naturel un peu paresseux, la contrainte m’aide à m’organiser et à vraiment travailler. J’ai fini avec une nouvelle plutôt aboutie, dont j’étais fière, et qui a été autopubliée par les Artisans avec celles des autres élèves de 1ère et 2ème année dans un petit recueil. Une vraie joie !

Je suis maintenant en 2ème année, avec 2 cours de 3 heures par mois, et plein d’analyses de nouvelles, de construction de personnages et d’univers narratifs, de « décorticage » d’intrigues fondamentales à faire à la maison. Et bientôt des nouvelles à rédiger. Je n’arrive pas à dégager plus de temps pour une pratique hors « Artisans » du coup, mais j’espère plus tard tenter une forme plus longue. C’est l’objectif aux « Artisans » : construire des formes toujours plus conséquentes, jusqu’au roman, qui sait ? Une autre paire de manches.

Un recueil de 13 textes, intitulé « Lyon, des nouvelles de 2050 »

Les 13 auteur.e.s sélectionné.e.s et publié.e.s dans le recueil « Lyon des nouvelles de 2050 » ci-après :

Margaux Létang, « Vous êtes pas d’ici, vous »
Lucile Dautin, « De l’autre côté du pont »
Patrick Chegrani, « Rusto ou la première campagne verticale »
Atlantide Merat, « La Neige ou le néant »
Pierre Obrecht, « À la frontière »
Karim Salhaoui-Martial, « Saône of the dead »
Marianne Skorpis, « Lyon est une île »
Manon Fraschini, « Sergent »
Valérie Riom-Berland, « Prise de conscience »
Louisa Pierrot, « La Tête d’or »
Sébastien Boulade, « 2054 »
Laurent Bouché, « Ibrahima »
Chiara Lai, « Eau »

Quelques exemplaires du recueil sont disponibles à la vente par ici :

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Le concours de nouvelles a été soutenu par la Direction de la Prospective et du Dialogue public de la Métropole de Lyon et par Serfim Fondation.

 


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Photo : Alizé Buisse

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