Lundi, 8h du matin, on resterait bien au creux du lit mais cela fait déjà une heure que des élèves du Lycée Ampère-Saxe à Lyon sont sur le pont. Devant la porte de l’établissement, des poubelles sont empilées. Sur celles-ci et sur les murs alentours, des slogans sont soigneusement placardés : « On bloque pacifiquement », « Non à la précarité », « On manifeste pour notre avenir ».
Une centaine d’élèves est là, et quelques professeurs qui sont se joints à eux, « par solidarité et aussi parce qu’ils se disent que ça dissuadera un peu les forces de l’ordre, s’il y a des adultes autour », explique Sofia. Scolarisée en terminale ES, elle fait partie du comité qui s’est créé dans l’établissement lyonnais de centre-ville.
« C’est un cliché de dire que les élèves veulent louper les cours »
La création de ce comité, c’est ce qui explique en grande partie pour Sofia l’engagement suivi de son lycée contre la réforme des retraites, et la réussite des différents blocages :
« Une quarantaine de lycéens se sont motivés pour organiser ce comité de lutte. En plus, différentes organisations politiques nous suivent, comme les Jeunesses Communistes, ou encore les étudiants. Les lycéens se sentent soutenus, donc ça marche. «
« Soutenus hein, pas manipulés ! » tient-elle à préciser. Avant d’ajouter :
« Même quand la mobilisation va retomber, derrière il y aura plus de gens prêts à se mobiliser à nouveau, avec une vraie réflexion politique. »
Laurine, étudiante à Lyon 1 venue montrer son soutien, confirme :
« Je pense qu’il y a eu beaucoup de répression. Tout se passait vraiment très bien : une entrée filtrante avait été mise en place, pour laisser passer les profs et le personnel administratif. C’est un petit lycée mais ils se sentent concernés par ce qui se passe. Une grande partie des lycéens s’y est mis, on s’est joint à eux, et on était organisés. C’est un cliché de dire que les élèves font ça pour louper les cours ».
D’autres lycéens voient la réussite des mobilisations comme le résultat de la solidarité entre les élèves :
« On se connaît tous, on est plus unis peut-être. Et le lycée est sur une grande avenue. »
Les slogans qui couvrent les murs ont été préparés dans le week-end, et les tâches réparties entre les élèves mobilisés pour mener le blocage. L’organisation s’est faite en grande partie à travers Instragram. Sur le compte @saxe_bloque, les lycéens relaient les informations.
Des lycéens marqués par l’intervention des forces de l’ordre
L’événement de vendredi dernier les a tous marqués. Ils en parlent d’eux-mêmes, avec un naturel désarmant, scandalisés. On aurait presque oublié le temps où il était possible de manifester sans risquer à tout moment de pleurer comme après la pire des ruptures après inhalation de lacrymo. Pas eux. Ils sont loin de se résigner. Lucie et Nicole, en classe de Seconde, s’insurgent :
« C’était au début du blocage, au moment où on installait les poubelles. On s’est tourné et on a vu les camionnettes. Ils ont chargé et gazé directement. Ils ont matraqué aussi. »
« J’ai pas compris, je me tourne et je vois un mec en sang à quatre pattes », détaille Nicole. Malgré tout, les deux lycéennes sont revenues ce lundi :
« On voulait refaire un blocus, ça compte pour nous. Avec la réforme des retraites, on va devoir travailler plus tard. Ça compte. Et il y a aussi la réforme du lycée qui nous pose problème. »
Une autre élève rejoint la conversation et s’exclame, en parlant du LDB : « Je ne comprends pas, ils devraient pas avoir le droit d’utiliser ça, ce sont des armes de guerre… ». Pour une autre, le souvenir des lacrymos est encore vif :
« On pleurait tous, ils gazaient près des visages alors qu’on était juste debout de l’autre côté du trottoir ! »
Dans l’après-midi, une manifestation est partie de la place Jean Macé. Vers 15h30, le cortège s’est arrêté symboliquement devant le lycée.
Un homme s’approche et accroche à la porte d’entrée une pancarte : « Stop LBD ». Les manifestants scandent : « On ne pardonne pas, on n’oublie pas ! »
La manifestation a ensuite continué son chemin jusqu’à la préfecture.
Après le blocage du matin, les lycéens se rendus à la Bourse du Travail pour une assemblée générale. Ils ont décidé de poursuivre au côté des différentes organisations syndicales. Ils appellent ainsi à un rassemblement devant le Rectorat, ce mardi 10 décembre, à 10h, et également à se joindre aux grévistes qui partiront à 11h30 de la place Jean Macé. Parmi les revendications portées, ils réclament la justification de leurs absences de ces derniers jours (et de ceux à venir), ainsi que la démission de la sous-directrice de l’établissement, qui aurait appelé la police sur les lieux, le vendredi 6 décembre.
La CGT du Rhône et le Comité de liaison de Lyon contre les violences policières ont tous deux condamné l’intervention policière de vendredi dernier dans des communiqués.
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