Le gouvernement se félicite d’être le premier pays européen à le faire. La loi Egalim, votée en 2018, fixe plusieurs mesures de protection des riverains de terres agricoles traitées avec des produits phytosanitaires. Parmi elles, l’instauration de « zones de non traitement » (ZNT) permanentes. Pour en déterminer le zonage, variable selon les cultures et les produits utilisés, il s’est appuyé sur un rapport commandé à l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).
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La loi entend également encadre le dialogue entre riverains concernés et agriculteurs. Une concertation locale qui doit être organisée autour d’une charte départementale. Ces chartes, comme celle du Rhône, posent notamment plusieurs questions :
- seuls les utilisateurs des pesticides et produits phytosanitaires sont chargés de les rédiger,
- les mesures de protection adaptées au contexte local ne sont pas forcément précisées,
- elles permettent dans les faits de réduire ou d’annuler ces zones de non traitement.
Un cadre réglementaire sur les pesticides trop flou pour s’appliquer réellement
En 2018, l’IGAS s’était penchée sur le sujet. Elle avait publié un rapport d’évaluation des mesures de protection contre les pesticides et produits phytosanitaires. Elle concluait à un manque de clarté. Dans l’accès à l’information sur les produits utilisés. Mais aussi du cadre réglementaire. Les mesures de protection à mettre en place par les utilisateurs de produits phytosanitaires sont pas toujours cumulatives. Une situation qui conduisait à une forme de paradoxe. Malgré des zones de non traitement déjà existantes (non permanentes, dans certaines conditions), dans les faits « il n’existe aucune zone de non traitement ».
L’IGAS pointait un problème majeur : il existe actuellement presque autant d’arrêtés préfectoraux qu’il y a de départements, fixant des règles et parfois des ZNT différentes d’un territoire à l’autre.
Selon que vous vous trouvez en Bretagne, en Gironde ou dans le Rhône les règles ne sont pas les mêmes. Par le jeu des interprétations et d’un cadre général trop large, une des conséquences est que les mesures contraignantes ne s’appliquent que rarement voire jamais.
Pour l’IGAS, l’explication se trouve dans un cadre général national trop large et pas assez contraignant. Elle rappelle ainsi qu’en 2016, la Direction Générale de l’Alimentation a publié des instructions techniques pour instaurer « des mesures renforcées de protection des personnes vulnérables lors de l’application de produits phytopharmaceutiques ».
Elles préconisaient des mesures de prévention (pas d’épandages pendant les horaires de présence des personnes vulnérables, mises en place de haies anti-dérive et équipement permettant de limiter la dérive de produits) mais aussi des ZNT :
- 5 mètres pour les cultures basses
- 20 mètres pour la viticulture
- 50 mètres pour l’arboriculture.
« Il n’existe aucune zone de non traitement »
« Force est de constater qu’elle n’insistait pas sur l’intérêt de combiner les mesures de protection et qu’elle laissait supposer que les dates et horaires de traitement pouvaient constituer à eux-seuls une mesure de protection. «
Alors, localement, rares ont été les territoires à adopter l’ensemble des mesures pour limiter pesticides et produits phytosanitaires. Bien souvent ce sont les mesures les moins contraignantes qui ont été retenues dans les arrêtés préfectoraux. L’IGAS conclut alors :
« Les arrêtés préfectoraux ont le plus souvent suivi les dispositions de l’instruction de la DGAL en appliquant les mesures de protection proposées de manière alternative, ce qui conduit à ce qu’il n’existe aucune zone de non traitement. »
L’IGAS préconisait ainsi la mise en place d’une ZNT systématique d’au moins 5 mètres, toutes cultures confondues, sans dérogation possible. L’idée de charte départementale est plutôt vue comme une bonne mesure. Mais une mesure devant adapter localement un dispositif national.
L’absence d’encadrement plus précis dans les chartes départementales peut donc laisser penser que la situation va perdurer.
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> Nous avons contacté la Chambre d’Agriculture du Rhône qui nous a renvoyés vers la FDSEA du Rhône. Contactée à plusieurs reprises cette dernière devait revenir vers nous mais ne l’a pour l’heure pas fait. L’ODG Beaujolais-Beaujolais Villages n’a pas répondu à notre sollicitation.
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