Lisez la tribune de Manuel Cervera Marzal, philosophe, sociologue, chargé de Recherche au FNRS (Belgique). Il mène en ce moment une étude comparée de trois partis politiques européennes : Podemos, la France Insoumise et le Parti du Travail belge. Il participera le 20 novembre à une conférence intitulée « Post-vérité ».
Afin d’expliquer la montée des forces populistes – Trump, le Brexit, le Front national, Orban… – les experts invoquent à satiété l’avènement de la « post-vérité ». Ce concept est devenu la clé de résolution de toutes les énigmes. Il connaît une inflation galopante, couronnée par le titre de « mot de l’année 2016 » décerné par le Dictionnaire d’Oxford, lequel définit ainsi la post-vérité : « des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles ».
L’empire des fake news ?
Ceux qui utilisent cette notion considèrent que le monde est entré dans une nouvelle ère au cours des années 2000 : l’empire des fake news. Cette ère se caractérise selon eux par la multiplication des contre-vérités outrancières professées par les dirigeants politiques (séquence inaugurée par le flacon de Colin Powell censé prouver que l’Irak fabriquait des armes de destructions massives) et par l’indifférence des peuples à l’égard de la vérité. Duplicité en haut, crédulité en bas. Extrêmisme, complotisme et populisme seraient les preuves irréfutables que la vérité est en train de s’éroder.
Faut-il croire cette analyse ? Pas selon moi.
Il ne faut pas craindre l’avènement de la post-vérité
Cette notion, aujourd’hui très prisée par les élites progressistes, a pourtant été forgée par la droite américaine dans les années 1970 afin de discréditer la nouvelle gauche. En étudiant les usages politiques, médiatiques et académiques de la « post-vérité », on s’aperçoit que cette notion nous en apprend davantage sur les préjugés de ceux qui l’utilisent que sur les phénomènes qu’elle est censée décrire. Prenant à contrepied le discours dominant, je soutiens la thèse suivante : il ne faut pas craindre l’avènement de la post-vérité mais au contraire s’en réjouir. Car la première vertu d’un citoyen est de savoir mentir, de déformer la réalité afin de la transformer. On comprend ainsi que la post-vérité – et son frère jumeau : le populisme – ne constituent pas une menace pour la démocratie mais la possibilité de sa régénération.
« Post-vérité », mercredi 20 novembre, de 21h00 à 22h30, à l’Opéra de Lyon. Animé par John Paul Lepers (journaliste) avec :
- Manuel Cervera Marzal : Manuel Cervera–Marzal est philosophe et sociologue, chargé de recherches au FNRS (Belgique).
- Myriam Revault d’Allonnes : Myriam Revault d‘Allonnes est philosophe, chercheure associée au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po) et professeure à l’École pratique des hautes études (EPHE).
- Maurizio Ferraris : Maurizio Ferraris enseigne la philosophie à l’Université de Turin. Il y dirige le Centre interuniversitaire d‘ontologie théorique et appliquée (CTAO).
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