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Parlons de Lyon, de livres et de concerts avec Cyrille Bonin, daron à bord

Il est le directeur d’une salle de concert qu’on ne présente plus à Lyon -même si elle se trouve géographiquement à Villeurbanne, Le Transbordeur. Mais pas que. Cyrille Bonin passe sa vie à écumer les festivals, les théâtres, les (autres) salles de concert, il bouffe de la culture avec un grand Q à longueur de soirées et de nuits.

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Cyrille Bonin. DR

Régulièrement, Cyrille finit par donner un avis sur cette montagne de choses vues-lues. Avis que l’on trouve plutôt éclairé ; c’est pourquoi on lui a demandé de faire partie du jury du concours d’écriture que Rue89Lyon a lancé cet été, « Lyon, des nouvelles de 2050 ». Voilà l’occasion de parler de différents thèmes, en passant de l’un à l’autre sans transition, comme celui de Lyon et de la façon dont on y vit, du bateau Transbo et puis de trucs persos comme ses filles.

Rue89Lyon : Première question concernant Transbo. La salle de concerts est un bateau à flot sur le plan économique : quels choix toi et ton équipe avez-vous fait qui permettent de présenter un bilan positif ?

Cyrille Bonin nature-peinture.

Cyrille Bonin : Attention, on est quand même sur une mer bien agitée hein. Le premier truc c’est d’utiliser Transbo comme une boite à outils dans laquelle on peut accueillir des concerts, miser sur les recettes de bar, la privatiser pour des entreprises, monter des partenariats aussi bien avec des marques (notamment les médias lyonnais ou les brasseurs, bonjour le grand écart) qu’avec la collectivité qui gère la DSP [délégation de service public, ndlr] Transbo, à savoir la Ville de Lyon.

Là, l’idée c’est de payer un loyer à la Ville en rapport avec la réalité économique de l’activité Transbo. Et les différents acteurs de la ville (finances, culture ou bâtiments) le comprennent bien.

La seconde chose, c’est la programmation : ouverte sur l’époque, la culture populaire, les formats de nuit, l’accueil de festivals notamment lyonnais, la culture gratuite (pas facile de trouver le bon équilibre économique, mais nous recevons environ 35 000 spectateurs sur des concerts type French kiss, notre programme d’été Summer sessions, le grand mix de Rtu ou les Nova club ou Nuits zébrées de Radio Nova).

Et, en dernier lieu, nous sommes dans une économie modeste, avec des équipes légères, cinq salariés cadres permanents, une vingtaine de personnes dans les équipes de bar et une trentaine d’intermittents du spectacle sur l’accueil et la mise en œuvre des concerts.

J’insiste souvent sur le fait qu’il n’y a pas d’argent public au Transbo (aucune subvention) mais que ce montage économique n’est pas envisageable sur d’autres modèles ou dans d’autres métropoles.

D’un point de vue artistique, Transbo a eu des partis pris clairs depuis que ton équipe en a pris les commandes. On peut notamment écouter ici une scène rap qui cartonne. Avez-vous réussi à rajeunir le public de la salle ? Plus largement, quelles sont les typologies de publics que la programmation attire ?

C’est difficile à dire car nous ne faisons pas d’enquêtes des publics (par manque de moyens et de personnel) mais nos choix de programmation, tournés vers la jeunesse, mais aussi le Classic rock, attirent un public relativement large générationnellement. Quant à sa typologie, ce sont essentiellement des urbains, au fait de l’actualité culturelle ou musicale, avec un pouvoir d’achat dédié aux sorties concerts, festivals, soirées…

Transbo fête ses 30 ans cette année. Comment définirais-tu le rôle qu’un tel lieu culturel doit jouer sur son territoire ?

Je n’ai pas d’avis précis sur ce point, je ne suis ni adjoint à la culture, ni un théoricien de la culture. Je dirais que l’on doit se préoccuper d’élargir la culture pour tous (notamment pour la jeunesse et les scènes émergentes) mais aussi de celle des publics empêchés (géographiquement, pauvres ou modestes économiquement, les PMR, la diversité) afin de continuer à pacifier les ruptures de notre société bien fracturée, à faire sens et à réfléchir au vivre ensemble. Vaste programme, pas évident à mettre en œuvre.

Le Transbordeur à Lyon en novembre 2018 ©Fabrice Caterini

Tu fais partie du jury du concours “Lyon, des nouvelles de 2050”. La ville, le milieu urbain de manière générale, sont les lieux de beaucoup de fantasmes et de peurs ; ils sont le point de départ de dystopies et de scénarii parfois flippants.

Es-tu dans le camp des angoissés ou pas du tout ?

Je ne suis pas un scientifique ni un universitaire, je suis un urbain privilégié, homme de 51 ans. L’avenir ne m’appartient pas et si l’on prend ma construction personnelle, je suis définitivement un angoissé : je ne sais qu’une chose, c’est que je vais mourir, mais je ne sais pas quand. Ahah la merde donc.

Notre époque est bien anxiogène aussi, entre l’hyper économisation de la vie, les menaces écologiques, la fin des aventures collectives et la disruption liée aux technologies, notamment numériques, difficile de rester serein. Et même si la littérature ou l’écriture sont parfois visionnaires, la réalité dépasse toujours la fiction.

Est-ce que Lyon a joué un rôle particulier pour toi ? Quels espoirs as-tu (si tu en as) pour cette ville, pour les années à venir ?

Oui, je suis assez chauvin, je suis hyper lié à son patrimoine musicale, son histoire « underground ». On voit bien aussi que c’est une ville ou plutôt une métropole qui bouge sévère : on est passé d’une ville grise, bourgeoise voire réac à un ensemble urbain complexe, dynamique économiquement, me semble-t-il pas trop mal armé pour l’avenir.

Bien sûr, parfois je suis impatient de la voir bouger encore plus fort : allons-y sur le vélo, l’éducation, le soutien aux économies modestes et autres petits lieux. Et je suis pas un grand adepte des centres commerciaux, des bars à vins, de la hipsterisation de la vie quotidienne ou de la culture institutionnelle.

Quant aux espoirs que j’ai pour elle, c’est de ne pas laisser trop de monde au bord de l’histoire, genre les plus modestes et les plus fragiles.

Quelles sont les lectures qui t’ont marqué ou t’accompagnent ?

Ahah, j’ai deux passions : la musique et les livres. Je suis un gosse de Vénissieux, fils unique, et les livres m’ont construit. Ma mère me laissait choisir : hop, Bukowski et Kerouac à 15 ans, les polars à 16 ans, l’Iliade et l’Odyssée, les classiques et les russes à 17 ans. Voilà. Maintenant, j’essaye de lire encore un max, notamment la littérature du monde, ou les grands auteurs du XXe siècle, qui meurent les uns après les autres. Là, je lis Amos OZ, ça me remplit.

Tu es l’heureux père d’artistes. Agathe Bonin est auteure et interprète ; son parcours a démarré avec le télé-crochet “The Voice Kids” qui a été un vrai booster. Comment as-tu vécu cette période médiatique, quels souvenirs en gardes-tu ? Comment l’accompagnes-tu dans sa vie d’artiste exposée, qui démarre tandis qu’elle n’est pas encore majeure ?

En gros je déteste la télé et toutes ces émissions. Mais Agathe est cool et très mature. Donc j’essaye juste de lui donner de l’énergie et de la confiance, c’est déjà pas mal.

Tu peux t’enorgueillir d’avoir également pour fille une dessinatrice de talent, Floxxi. Y a-t-il un virus qui leur aurait été inoculé dans leur plus tendre enfance ? (Tiens, ça pourrait presque être le point de départ d’un roman de SF).

Le virus de la tchatche. En gros je considère les enfants, même les nourrissons, comme des adultes, qui ont le droit de s’exprimer et d’avoir des opinions. Faut juste les écouter, et les accompagner tranquilos. Plus facile à dire qu’à faire, surtout qu’il n’y a pas de mode d’emploi.

 

Prochaine et dernière soirée des Summer sessions en 2019, le mercredi 31 juillet (super closing avec Charlotte Adigéry).

Le règlement du concours « Lyon des nouvelles de 2050 ».


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Photo : Alizé Buisse

Photo : JBA/Rue89Lyon

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