Ces deux responsables de regroupements d’organismes HLM appellent à l’émergence d’un nouveau modèle pour le logement social à la hauteur des enjeux contemporains.
Une urgence sociale, économique, environnementale
Le logement est un secteur névralgique. Le coût du logement siphonne le portefeuille des Français et des Européens, avec des écarts générateurs de ségrégations, d’étalement urbain, mais aussi de fragilité sociale et économique individuelle. Les grandes métropoles deviennent inabordables et de nombreuses villes moyennes flanchent. Il devient de plus en plus difficile de travailler et vivre au même endroit.
Sur le front environnemental, l’immobilier pèse plus que le transport dans les émissions de gaz à effet de serre et représente près de la moitié de la consommation d’énergie. Néanmoins, il faut souligner que le logement social a été plus réactif que le parc privé et a su mettre en œuvre une rénovation énergétique du parc HLM dès les années 70, pour faire face aux premières crises pétrolières.
Le logement social : un effet levier pour l’économie, la justice sociale, et la transition écologique.
Les politiques pour soutenir le logement pèsent lourd dans le budget de l’Etat, (environ 45 milliards d’euros). Elles concernent le parc privé et le parc public. Si les aides au parc privé relèvent plus du soutien à la politique du BTP, les aides au logement social ont permis de constituer un patrimoine commun (5 millions de logements abordables, 30 000 logements construits par an) avec un effet levier très important pour l’économie, la justice sociale, et la transition écologique.
- 21% de la richesse nationale est absorbée par les dépenses liées au logement.
- Le bâtiment contribue à 25% des émissions de gaz à effet de serre et à 43% de la consommation d’énergie en France.
- 1,8 millions de demandes de HLM en attente en France.
- En Europe, un habitant sur dix dépense plus de 40% de ses ressources pour se loger.
- 50 millions de ménages européens ne se chauffent pas correctement.
- Le nombre de sans-abri a explosé au cours de la dernière décennie partout en Europe (sauf en Finlande).
Mais cet outil puissant se manie avec précaution. Les politiques publiques qui ont modifié fortement le stock de logements sociaux ou leurs modèles économiques de production ont eu des effets a posteriori catastrophiques comme nous avons pu l’observer au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays Bas. Plus récemment en France, la répercussion de la baisse des APL sur la baisse des loyers (la Réduction des Loyers de Solidarité – RLS) a privé les organismes HLM de 1,7 milliards d’euros en 2018, faisant chuter la programmation de logements sociaux pour les années à venir, alors même que la demande n’a jamais été aussi élevée.
Parce que les enjeux concernent l’ensemble de la société, la réflexion sur l’avenir du logement social doit être restituée à l’ensemble de la société, pour s’assurer d’une planète pour demain, une ville pour tous et un logement pour chacun.
Une nouvelle alliance : habitants, collectivités locales et structures internationales
Le modèle classique de logement social est remis en cause un peu partout en Europe : inventé après-guerre, dans un contexte de reconstruction adossé à des stratégies nationales, ce modèle a su produire suffisamment pour rebâtir l’Europe, mais a été ou est aujourd’hui attaqué exclusivement pour réduire les déficits publics.
De fait, le pilotage national est remis en cause car inadapté à appréhender les différents besoins locaux en matière d’habitat. La polarisation des marchés immobiliers entre zones tendues et territoires en déprise nécessite de fines adaptations locales. Les villes et agglomérations sont confrontées aux enjeux du logement et en deviennent la réponse. Comment situer le niveau européen et international dans la politique de l’habitat ?
D’abord, par une prise de conscience de l’urgence de disposer d’un parc de logements abordables partout et suffisant pour satisfaire les besoins locaux.
Ensuite, pour porter des politiques structurelles de relance à hauteur des enjeux, comme l’a illustré le plan JUNCKER d’investissement, à l’échelle européenne.
Ouvrir la gouvernance aux citoyens
Enfin, l’exigence croissante de démocratie au quotidien impose de décloisonner la gouvernance et la mise en œuvre des politiques et des services aux personnes, en l’ouvrant aux citoyens. C’est un virage progressivement pris par le logement social, qui mérite d’être souligné et accentué.
Nous devons faciliter le partage des expériences les plus prometteuses et tirer l’ensemble des services liés au logement vers le haut. L’alliance des acteurs locaux, nationaux et européens ne doit pas seulement viser à assurer un droit minimum pour tous, mais une amélioration permanente et un ajustement en continu aux mutations à l’œuvre.
C’est bien l’objet du Festival International du Logement Social, qui se déroule dans l’agglomération lyonnaise et la région Aura du 4 au 8 juin : partager les enjeux entre le local et l’international ; associer l’ensemble des acteurs, à commencer par les citoyens ; faciliter la circulation des expériences les plus prometteuses dans le monde ; jeter les bases d’un nouveau modèle de logement social à la hauteur des enjeux contemporains.
Le logement social est notre outil opérationnel le plus puissant. La pression des enjeux environnementaux et de cohésion sociale ne nous laisse pas le choix. C’est une contrainte heureuse que d’avoir la chance de transformer nos outils pour les mettre au service de l’avenir, alors régalons-nous !
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