Il est environ 13 h30 ce mardi 28 mai et l’une des grandes salles du tribunal de Bourg-en-Bresse est presque pleine. Dans quelques minutes, six prévenus devront répondre du décrochage, le 2 mars dernier, du portrait d’Emmanuel Macron dans la salle du conseil de la mairie de Jassans-Riottier, dans l’Ain. Ils sont poursuivis pour vol en réunion et par ruse et, pour cinq d’entre eux, refus de se soumettre à un prélèvement ADN. Et risquent jusqu’à dix ans de prison.
Les six prévenus du jour n’ont pas des profils de délinquant : Nicolas Guerrini, 51 ans, divorcé, trois enfants « très fiers de leur papa » et un projet d’ouverture de restaurant à la rentrée ; Hélène Lacroix-Baudrion, célibataire, enseignante en mathématiques ; Philippe Muraille, retraité de la brigade régionale foncière ; Jean-Marie Roche, maraîcher bio ; Anne-Sophie Trujillo-Gauchez, mariée, trois grands enfants, conseille les ONG ; enfin, Vincent Versluys, cadre à la SNCF. Tous font partie du mouvement Alternatiba-ANV-COP21 (ANV pour « action non violente »).
Le président du tribunal n’est pas dénué d’humour. Même si l’on ne sait pas toujours s’il est volontaire. Comme lorsqu’il s’adresse à Nicolas Guerrini : « Comment vous est venue l’idée de voler une photo ? Voler un portrait pour sauver l’humanité ? » Le prévenu explique qu’il s’agit de « se faire entendre » en attendant que l’État prenne de justes mesures face à l’urgence climatique, ajoutant : « On a plutôt tapé juste. »
Le procureur cherche d’abord à faire comprendre, d’une façon alambiquée, ce qui le pousse à croire que le décrochage repose sur une vaste organisation concertée. Il demande in fine 2 000 euros d’amende pour cinq des prévenus : 1 000 euros pour le vol avec ruse en réunion et 1 000 euros pour le refus de prélèvement ADN, et 1 000 euros d’amende pour le sixième – vol avec ruse en réunion.
En réponse, Me Thomas Fourrey, l’un des trois avocats des prévenus, réalise la plaidoirie la plus politique. Ses clients sont des gens raisonnables, des gens angoissés par la crise climatique qui n’ont pu que constater qu’après les « cris de victoire de l’Accord de Paris, en 2015 », rien n’a été fait concrètement. Un « formidable espoir déçu, trahi, il n’y a pas d’autres mots ». Il demande la relaxe.
Le délibéré est attendu le 12 juin prochain.
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