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Amendes à 135 euros pour participation à une manifestation interdite : une « erreur de plume » selon la préfecture du Rhône

Depuis plusieurs semaines, les arrêtés préfectoraux pour interdire les manifestations des « gilets jaunes » se multiplient dans les grandes villes de France. De nombreuses voix se sont élevées pour contester la base légale des amendes de 135 euros dont les contrevenants sont menacés. A Lyon, la préfecture du Rhône leur a donné raison en plaidant une « erreur de plume ».

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Charge de la police place de la République le 23 mars. ©LB/Rue89Lyon

Après deux premiers arrêtés pour interdire les manifestations dans l’hypercentre, le samedi 13 avril et la semaine suivante, la préfecture du Rhône remet le couvert. Pour la troisième fois consécutive, les « gilets jaunes » ne pourront pas manifester ce samedi 27 avril, entre le nord de la place Bellecour et le sud de la place des Terreaux; et entre la rue de la République à l’est et les rues de Brest/Chenavard à l’ouest.

Les « gilets jaunes » contestent la légalité de ces arrêtés et la mise en place des 135 euros de contraventions annoncée par la préfecture pour « participation à une manifestation dans un périmètre interdit ». Le montant de cette amende était au cœur de la requête en référé-liberté contre le deuxième arrêté, déposée le 19 avril dernier par deux militants locaux du mouvement. Une démarche qui visait à faire condamner, par le tribunal administratif de Lyon, « des atteintes aux libertés fondamentales, notamment à la liberté de réunion et à la liberté de manifester ».

« Une erreur de plume »

« L’interdiction de manifester dans le coeur du 1er arrondissement de Lyon repose tant sur le comportement opportuniste et incontrôlable d’individus radicaux relevé lors de précédents rassemblements que sur la difficulté à prévenir de tels agissements en raison de la sur-fréquentation et de la configuration des rues de l’hyper-centre de la Presqu’île. La validité de ces motifs n’est pas sérieusement contestée par l’invocation des intentions pacifistes des instigateurs du mouvement des gilets jaunes qui ne sont pas à même d’identifier et d’exclure les individus violents, non plus que par la critique de l’étendue du périmètre soumis à une forte affluence le samedi après-midi et propice à une dispersion des fauteurs de troubles ».


Comme on pouvait s’y attendre, le tribunal administratif n’a pas remis en cause la légalité de l’arrêté préfectoral du 18 avril.

La surprise vient de la préfecture du Rhône. En effet, dans son mémoire produit en défense, que nous avons pu consulter, la préfecture a tenu à répondre sur le montant de l’amende, plaidant une erreur de sa part :

« A propos de l’affichage de l’infraction en cas de participation à une manifestation interdite : il ne s’agit que d’une erreur de plume qui ne saurait vicier l’arrêté et remettre en cause son bien fondé.  »

Ainsi, alors même que le juge a confirmé l’arrêté, la préfecture reconnaît que le montant de la contravention ne devrait pas être de 135 euros (4e classe), comme le soulevaient les requérants.

Ce faisant, la préfecture du Rhône va dans le même sens que les voix qui se sont élevées pour contester la légalité de ces amendes.

Cette « erreur de plume » reconnue par la préfecture n’a pas eu d’incidence sur le jugement. Le juge administratif a considéré que l’article 2 de l’arrêté (sur la contravention de 4e classe) n’est qu’une indication :

« Il n’appartient qu’à l’autorité judiciaire de réprimer les délits et contraventions en fonction de la qualification pénale qu’elle détermine souverainement. Il suit de là que ni le prétendu différé de publication de l’interdiction de manifester ni les références pénales évoquées par l’article 2 de l’arrêté ne constituent des atteintes à l’exercice d’une liberté fondamentale. »

135 euros pour les manifestations déclarées puis interdites

Depuis le décret pris par le gouvernement le 20 mars qui instaurait le passage de 38 à 135 euros d’amende pour participation à une manifestation interdite sur la voie publique, la légalité de cette amende de 4e classe appliquée aux manifs de « gilets jaunes » est contestée.

Le Parisien reprend notamment l’argumentaire du professeur de droit Serge Slama :

« L’arrêté préfectoral interdisant de manifester le 23 mars à Paris a été pris notamment sur la base de l’article R. 644-4 du Code pénal, qui renvoie lui-même à l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure. Or, ce dernier ne concerne que les manifestations déclarées en préfecture, mais interdites par les autorités. »

Ce sont ces mêmes articles qui ont servi à d’autres préfectures et, particulièrement, à la préfecture du Rhône.
Mais les manifestations des « gilets jaunes » lyonnais n’étant pas déclarées, ces textes de lois ne peuvent pas s’appliquer. En effet, la seule amende possible pour une manifestation non déclarée et dans un périmètre interdit, est une contravention de 1ère classe (de 11 à 38 euros) pour violation d’un arrêté de police.

Pour Serge Slama, c’est directement le gouvernement qui a mal rédigé sa copie :

« S’ils avaient voulu que l’arrêté du préfet concerne aussi les manifestations dans un périmètre interdit, une solution technique aurait été de modifier cet article L. 211-4, mais il faut en passer par la loi, alors que le gouvernement a pris le décret en quelques jours à peine. »

Toujours la même amende dans le décret et la communication de la préfecture

Bien que le représentant de la préfecture, reconnaisse une « erreur de plume » le 20 avril, le troisième arrêté préfectoral daté du 25 avril fait encore mention de l’article R. 644.4 qui renvoie à une contravention de 4e classe.

Et dans sa communication, la préfecture continue d’évoquer cette sanction de 135 euros pour « toutes personnes ne respectant pas cette interdiction ».

Dans un communiqué de presse délivré ce vendredi, les « gilets jaunes » de l’assemblée de Lyon dénoncent « une tentative d’intimidation du préfet » :

« Cette notification trompeuse vise, une fois encore, à dissuader les manifestants Gilets Jaune au moyen d’arguments insidieux – voire à soutirer aux personnes qui auraient fait l’objet de verbalisations (et n’auraient pas vent de ce biais juridique) des sommes non applicables – comme cela s’est produit en d’autres villes.
 »

Contactée, la préfecture du Rhône n’a pas donné suite.

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Photo : LB/Rue89Lyon

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