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Des armes françaises employées au Yémen, contre des civils

Une note de la Direction du renseignement militaire (DRM) confirme que l’Arabie saoudite emploie des armes produites en France dans son soutien au camp loyaliste au Yémen. Cette note a été transmise à la présidence de la République et à la ministre de la Défense, qui ont pourtant affirmé le contraire en public. Cette enquête est produite par Disclose, le média d’enquête à but non-lucratif dont Rue89Lyon est partenaire.

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Des armes françaises employées au Yémen, contre des civils

Disclose a été destinataire d’une fuite inédite de documents portant la classification « Confidentiel Défense » – le premier niveau du « secret défense ». Un rapport de 15 pages que des officiers de la Direction du renseignement militaire, la DRM, ont rédigé le 25 septembre 2018. Intitulés « Yémen – situation sécuritaire », ces documents confidentiels ont été transmis au président de la République Emmanuel Macron et à la ministre de la Défense Florence Parly. Mais aussi à Matignon et au ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à l’occasion du conseil de défense restreint consacré à la guerre au Yémen qui s’est tenu le 3 octobre 2018, à l’Elysée.

Tableaux et cartes de la région à l’appui, la note de la DRM révèle pour la première fois ce que le gouvernement français s’efforce de dissimuler : la liste détaillée des armes françaises impliquées dans la guerre au Yémen.

Chars Leclerc, obus flèche, Mirage 2000-9, radar Cobra, blindés Aravis, hélicoptères Cougar et Dauphin, canons Caesar… Les auteurs du rapport ont scrupuleusement noté chaque modèle, spécifiant s’il s’agit de matériel vendu à l’armée saoudienne ou à son puissant voisin émirati. Mais surtout, ils dévoilent que plusieurs armements « made in France » font feu sur le Yémen, y compris sur des zones civiles.

L’itinéraire secret des canons César

Plus de 400 000 civils sous la menace des armes françaises

Depuis quatre ans, différentes ONG humanitaires surveillent de près le déroulé de la guerre, et en particulier ses retombées sur les civils. Les chercheurs de l’organisation d’analyse des conflits basée aux États-Unis Acled épluchent et recoupent les informations de la presse yéménite et les sites web qui rapportent des bombardements.

La principale agence de presse yéménite Yemen News Agency rapporte que le 14 juin 2018 un tir d’artillerie saoudien a tué deux enfants et blessé plusieurs adultes dans le nord du Yémen. Une information recoupée pour les analystes de l’ACLED. Le village bombardé, Bani Faid, situé dans le district de Midi, est dans la zone de tir des canons français Caesar. Des canons de fabrication américaine, britannique ou chinoise tirent eux aussi sur le nord du Yémen, mais d’après la carte de la DRM, leur portée n’atteint pas le village en question.

La carte de la DRM qui indique que des populations sont concernées par les tirs des armes françaises (document Disclose)
La carte de la DRM qui indique que des populations sont concernées par les tirs des armes françaises (document Disclose)

Le 25 août 2018, un autre tir d’artillerie de la coalition vise une localité voisine de la ville de Harad (22 000 habitants). Une maison s’écroule. Les habitants ramassent un mort et trois blessés. Positionnons ce bombardement sur la carte dessinée par la DRM. Le voilà pile dans la zone de tir des canons Caesar postés de l’autre côté de la frontière.

Civils blessés, encore, et bâtiments endommagés le 28 avril 2018 quand des obus pilonnent la localité d’Al Mazraq et le village d’Al Atn, près de la frontière saoudienne. Et toujours dans cette zone du nord du Yémen où seuls des canons Caesar, selon le dessin de la DRM, tiennent les populations sous la menace des tirs.


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