1. La Guillotière, « une sorte de Brooklyn à la lyonnaise »
Il fallait au moins un journaliste du Figaro pour conceptualiser la transformation du quartier de la Guillotière. Avant, c’était un quartier « où sévissaient tous les trafics ». Aujourd’hui, « les fées se sont penchées sur l’endroit pour en faire une sorte de Brooklyn à la lyonnaise ».
Dans cet article de mars 2017 titré Lyon redevient capitale, le chroniqueur life-style met en avant une caractéristique de Brooklyn supposée être connue de tous : un coupe-gorge devenu un quartier à la mode.
Les habitants de la Guillotière (et de Brooklyn) apprécieront.
Le Figaro n’est pas le premier média à avoir usé de ce type de comparaisons. Pour un quartier populaire en voie de gentrification, on va chercher du côté de Brooklyn. Et peu importe que l’architecture, la sociologie, la taille du quartier n’aient rien de comparable (2,6 millions d’habitants alors que l’ensemble du 7e arrondissement pèse 76 000 habitants au dernier recensement de 2011).
Les communicants ont rapidement embrayé pour vendre des enseignes. Le dossier de presse d’un hostel nous explique que ce nouveau concept d’hôtel s’est implanté dans le « Brooklyn lyonnais ».
Près des universités, au coeur de la Guillotière, des restaurateurs n’ont pas hésité à nommer « Brooklyon » leur fast food à destination d’une clientèle étudiante.
Un jeu de mot pour évoquer les plats servis, américains et français.
Pour une raison qui tranche avec celle du Figaro :
« Brooklyn, c’est aussi le melting pot, comme la Guillotière, quartier multiculturel ».
2. Les Girondins, à Gerland, « un parfum de Brooklyn »
Là, on nous parle d’un sous-quartier en devenir de Gerland, la ZAC des Girondins.
2900 logements, des milliers de m2 de bureaux : une petite ville en train d’être construite dit Le Progrès, avec plus de 6 000 habitants attendus d’ici 2027
Et, face à la place Jean Jaurès, le projet Villararborea/Plaza. Sur les panneaux annonçant l’opération, le promoteur Nexity a inscrit ce slogan en gros caractères « un parfum de Brooklyn ».
Ce slogan publicitaire a été repris par le journaliste gastronomie du Petit Bulletin qui l’associe à l’ensemble de l’opération ZAC des Girondins (« un parfum de Brooklyn »).
Pourquoi le service marketing de Nexity a-t-il associé cette opération emblématique avec Brooklyn ? Pour (au moins) deux raisons :
- La Villa Plaza fait partie des « tours d’habitation de référence qui vont fleurir à Lyon ces prochaines années. New York rappelle la verticalité et la brique, les bâtiments de Brooklyn.
- Gerland était une « cité dortoir » et avec cette opération immobilière, elle va devenir « the place to be ». Yes of course. A l’image de Brooklyn qui était auparavant un « coupe-gorge » (on retrouve cette même comparaison chère au Figaro).
En partant de la logique de Nexity, tous les quartiers de Lyon et de la première couronne qui connaissent de gros travaux pourraient être Brooklyn : un quartier qui, on vous le jure, va être à la mode.
3. Ne dites plus « Oullins » mais « Brookllins »
A Oullins, ce sont certains des nouveaux habitants arrivés avec le métro qui nomment leur ville adoptive « Brookllins ».
Une des petites perles que l’on peut lire dans notre dossier « Oullins, le nouveau visage de la gentrification lyonnaise ».
Toujours parmi les « nouveaux » habitants, attirés notamment par un métro tout neuf en 2013, l’un d’eux nous avait dit -sans pour autant se voiler la face sur sa participation au phénomène de gentrification de cette commune :
« J’espère juste qu’on n’ira pas vers une « boboïsation » semblable à celle de la Croix-Rousse. Il y a effectivement quelque chose en marche aujourd’hui à Oullins. »
La ville qui contient autant d’habitants qu’un petit arrondissement lyonnais a un profil plutôt populaire, avec une forte communauté de familles de cheminots basée là du fait de l’existence d’un ancien gros centre technique de la SNCF. L’un des premiers indices d’un changement socio-culturel à Oullins, c’est la flambée des prix de l’immobilier.
On trouve encore dans cette commune des maisons avec jardin. Tout ça, avec bientôt non plus un seul mais deux métros -avant la fin de l’année 2023. Les biens se vendent avant même d’être publiés sur les sites dédiés. Les prix sont désormais ceux du 7è arrondissement de Lyon ou encore de quartiers prisés de Villeurbanne.
Reste qu’ici comme dans d’autres « Brooklyn » de l’agglomération, les enjeux urbains et sociaux sont encore importants -avec le quartier de la Saulaie notamment.
L’attirance pour ces quartiers est donc liée à leur dimension encore plus ou moins accessible par rapport à d’autres endroits de Lyon aux prix très clairement plus élevés, et aboutit à une gentrification progressive, contre laquelle la plupart des élus (David Kimelfeld à la Métropole ou encore François-Noël Buffet, ex-maire d’Oullins) affirment tous vouloir lutter.
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