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Marche pour le climat à Lyon : timide convergence avec les « gilets jaunes »

Ce samedi 8 décembre, entre 7 000 et 10 000 Lyonnais ont participé à la Marche mondiale pour le climat. Les organisateurs avaient invité les « gilets jaunes » à y prendre part, dans une volonté de regrouper les luttes sociales et environnementales. Un début de convergence encore timide entre ces deux mouvements.

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© AD / Rue89Lyon.

En réponse à l’appel international d’une soixantaine d’organisations à manifester pour la lutte contre le réchauffement climatique, plusieurs milliers de Lyonnais ont défilé depuis la place Jean Macé jusqu’au pont de la Guillotière ce samedi 8 décembre au matin. Il s’agissait de la troisième mobilisation du mouvement lancé en septembre dernier.

Justice climatique et justice sociale

Les organisateurs étaient nombreux : des associations et collectifs tels qu’Alternatiba, Attac, iBoycott, Greenpeace ou encore Plein la vue ; ainsi que des partis politiques – France insoumise, Génération⋅s et Europe écologie les verts. Dans la manifestation, des syndicats dont la CGT et SUD-Solidaires sont venus afficher leur soutien.

En plein contexte national de contestation des « gilets jaunes », ces derniers avaient été invités à rejoindre le cortège. L’objectif était d’envoyer un message : montrer que les combats contre les problèmes écologiques et sociaux sont compatibles.

En tête de la marche, une banderole « Fin du monde, fin du mois, même combat ». © AD/Rue89Lyon.

Au micro, une membre de la CGT désignait clairement un ennemi commun, pour les écologistes comme pour les « gilets jaunes », le gouvernement :

« Les annonces d’Édouard Philippe ne répondent ni à l’urgence climatique, ni à l’urgence sociale. »

« On a des intérêts communs »

Dans le cortège, les propos de certains participants allaient également dans ce sens. Pour Manon, qui avait participé à la précédente Marche pour le climat du 13 octobre :

« On peut s’unir avec les gilets jaunes, pour être plus forts. On a des intérêts communs. Le fond du problème, ce n’est pas qu’on taxe le carburant, c’est qu’on taxe les pauvres. »

Il y a quelques semaines, le mouvement des « gilets jaunes » avait démarré en protestation contre les taxes sur le carburant. La droite avait rapidement affiché son soutien à cette cause, qui semblait en contradiction avec les revendications des défenseurs de l’environnement. Mais progressivement, certains mouvements écologistes et organisations de gauche se sont faits moins timides dans leur soutien.

Les 7 000 (selon la Préfecture) à 10 000 (selon les organisateurs) manifestants ont terminé la marche par un rassemblement à la Guillotière. © AD/ Rue89Lyon.

Rémi, écologiste convaincu présent à chaque marche pour le climat, était d’abord sceptique à propos des « gilets jaunes », avant de se laisser convaincre :

« Au début, je ne comprenais pas les revendications des « gilets jaunes ». Je suis allé dans leurs groupes sur les réseaux sociaux. Je me suis rendu compte qu’ils ne veulent pas de l’essence moins chère, mais des transports moins chers. Finalement, on a deux portes d’entrées différentes, mais on va au même endroit. »

Céline elle aussi n’était « pas forcément d’accord » avec les revendications de départ, mais a soutenu les « gilets jaunes » :

« Le diesel, c’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. On a des points de convergence avec les « gilets jaunes » : rétablir l’ISF, taxer le kérosène. Les taxes pour l’environnement sont nécessaires, il faut juste être un peu plus pédagogue. »

« On se retrouve dans ces deux mouvements »

Pour Thomas, étudiant, il s’agissait de sa première marche pour le climat et aussi de la première fois qu’il portait un gilet jaune en soutien au mouvement :

« Ces deux mouvements sont compatibles : on vit tous sur la même planète. »

Comme lui, plusieurs autres ont enfilé en gilet jaune pour la première fois ce samedi. C’est le cas de Max, étudiant à Sup’Écolidaire, et de sa mère Sandra :

« On doit unir les luttes sociales et environnementales. Ce serait bête de dissocier les deux. Marche pour le climat, gilets jaunes… on se retrouve dans ces deux mouvements. »

Selon Nicolas, venu lui aussi en gilet jaune avec sa famille :

« Il faut fédérer un peu. Qu’on remette des transports en commun, qu’on empêche la désertification rurale, et ensuite seulement on pourra hausser le prix de l’essence. Il faut une suppression progressive de l’essence. »

Dans l’optique de « converger » avec les autres luttes du moment, les participants de la Marche pour le climat se sont agenouillés les mains derrière la tête pour soutenir symboliquement les lycéens interpellés à Mantes-la-Jolie deux jours plus tôt. © AD / Rue89Lyon.

« J’ai peur que les gilets jaunes étouffent nos revendications »

Mais la volonté de convergence entre « gilets jaunes » et « gilets verts » n’a pas convaincu l’ensemble des manifestants. Parmi les sceptiques, Marine, âgée d’une vingtaine d’année, a fait part de son inquiétude :

« La cause des « gilets jaunes » est différente de la nôtre. Je comprends leurs revendications, mais pour moi ça doit rester séparé. J’ai peur que leur mouvement étouffe nos revendications. »

Jean, ex-syndicaliste retraité, s’est lui aussi montré dubitatif :

« Les « gilets jaunes » vivent des situations difficiles, c’est pour ça qu’ils se révoltent. Mais je ne suis pas vraiment solidaire de leur mouvement : il y a des problèmes de violences, certains tiennent des propos pas très progressistes. Je ne crois pas à la convergence. »

Les « gilets jaunes » de la première heure ne sont pas venus en masse au rendez-vous. Beaucoup des manifestants qui portaient le gilets l’enfilaient pour la première fois ce samedi. À Lyon, la main tendue par les écologistes n’a pas eu l’effet d’unification escompté. Éloïse, une organisatrice de la Marche, a expliqué :

« Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, Lyon n’est pas vraiment une ville de forte mobilisation. Il est donc normal qu’ils ne soient pas très nombreux. »

« Les « gilets jaunes » se sentent aussi concernés par le climat »

Aurélien, qui manifeste depuis plusieurs semaines au rond-point de Feyzin et au péage du périphérique nord, a été l’un des « gilets jaunes » à répondre à cet appel :

« Les « gilets jaunes » se sentent tout aussi concernés par le climat. On sait que la fin du monde est proche, qu’il faut changer nos modes de vie. Il faut une prise de consciences des problèmes environnementaux et sociaux. »

En fin de parcours, les manifestants se sont rassemblés au bord du Rhône sur les terrasses de la Guillotière. Au micro où se succédaient différents collectifs, un « gilet jaune » a été invité à prendre la parole :

« On veut rétablir l’ISF et qu’il soit vert. Nos actions sont compatibles avec l’écologie. Nos ouvertures de péages, les blocages de la grande distribution : c’est pour les citoyens et c’est écologique ! »

« Gilets verts », « gilets jaunes » : je t’aime, moi non plus ?

L’appel des « gilets jaunes » a rejoindre dans la foulée leur mobilisation sur la Presqu’île a été entendu par quelques centaines de manifestants de la Marche pour le climat. Malgré un barrage de police sur le pont de la Guillotière, ils se sont dispersés dans le calme pour se retrouver peu après en centre-ville. Beaucoup d’entre eux étaient présents dans un cortège de près d’un millier de « gilets jaunes » qui ont notamment défilé rue de la République.

Suite à la Marche pour le climat, quelques centaines de manifestants ont rejoint la mobilisation des « gilets jaunes » sur la presqu’île. Sur la pancarte : « Gilet jaune et écolo, pour un ISF-vert, pour un SMIC viable ». © AD / Rue89Lyon.

L’opération « convergence » n’a pas été un franc succès. Max a analysé la complexité à la rendre effective :

« D’un côté, les « gilets jaunes » se disent « apolitiques », alors qu’en réalité ils ne le sont pas tellement : leurs revendications sont politiques. De l’autre, les écolos sont trop ancrés dans la politique. La question, c’est : comment arriver à harmoniser tout ça ? »

Sans non plus être unanimes en leur sein, les « gilets verts » semblent d’avantage séduits par les « jaunes » que l’inverse.

Dans un communiqué de presse délivré après la manifestation, les organisateurs lyonnais ont surtout replacé cette troisième Marche dans le contexte local :

« En janvier, les partis politiques devront se positionner sur la zone de faibles émissions (ZFE) et débattre de la fin du tout voiture en centre ville et surtout du rééquilibrage des investissements dans les autres modes de déplacement; un changement de culture est nécessaire ».

Il y a un mois, la Coalition Climat Rhône a remis un ensemble de propositions à la Métropole de Lyon. Après l’intégration des associations écolo à la concertation sur le futur Plan climat, les organisateurs de la Marche attendent désormais des actes de la part de David Kimelfeld :

« Nous attendons toujours des actes forts de la Métropole pour répondre à l’urgence climatique et la justice sociale ».


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