Moi j’allais dans la grande, la salle « techno » où ça jouait des trucs assourdissants et sans âme ; mais aussi des trucs vraiment bons.
Je me souviens avoir vu Carl Cox là-bas.
J’y ai cramé des nuits entre 1994 et 1996 à peu près. J’étais au lycée et toute ma semaine (j’exagère mais pas beaucoup) était tournée vers le week-end et l’espoir de retourner dans ce « temple de la nuit » sans que mes parents l’apprennent. Une fête avec des enjeux d’adolescents, avec des super potes et d’autres moins super, des roulages de pelle à n’en plus finir.
Une fête avec zéro barrière, parfois un peu glauque, mais pour laquelle on était prêt à tout. Et surtout à se cailler les miches en plein hiver.
Shorts en lycra et whisky coca
Avec deux copines, on était super jeunes et on n’avait pas le permis de conduire. Alors la plupart du temps, on prenait « la navette ». C’était un système mis en place par la discothèque. Je ne sais pas si il a toujours cours. Un type, un physio ou un videur, toujours le même et dont j’ai oublié le prénom, conduisait ce mini-bus à fond la caisse, il venait nous chercher en bas de la colline de Couzon-au-Mont-d’Or puis la remontait, chargé d’adolescents impressionnables.
C’était un grand type genre ogre, chauve, pas très sympa et à qui il fallait plaire pour pouvoir entrer dans le véhicule. Sinon c’était mort, on n’accédait pas au Titan.
Avec mes copines, on portait des shorts courts en lycra et on fumait des cigarettes. On était bien contentes quand on arrivait à s’assoir à une table réservée aux gens en capacité d’acheter une « teille ». Une bouteille de whisky J&B avec un seau de glaçons et des bouteilles de coca (il n’y avait jamais assez de coca).
Sur le côté de la piste de danse, il y avait une cage avec une barre à l’intérieur, pour le show. Quand je pense que je n’ai aucune photo de tout ça. Je n’avais pas encore de téléphone portable, on arrivait quand même à vivre et à se donner des rendez-vous qu’on tenait. On était des dinosaures.
Je me souviens des pubs diffusées sur Radio Espace pour les soirées du Titan, avec des grosses basses qui tapaient et qui mettaient le feu tout de suite. On les entendait pendant la semaine et ça nous ambiançait pour le week-end à venir.
Redescente en voiture, ivres
Parfois je faisais des infidélités au Titan pour aller au Moulin Rouge, une autre boîte du coin, où mes potes rebeus allaient davantage. Ils prenaient moins le risque de se faire refouler ou bien on trouvait d’autres styles musicaux. Au Titan, il y avait de tout dans le public. Je me rappelle aussi les nazillons qui venaient là et jouaient aux cons : je me rappelle Karl qui levait le bras tout droit en ricanant sur la piste de danse. Il n’y avait pas qu’eux. Il y avait des hordes d’adolescents.
Beaucoup redescendaient du sommet de la colline en voiture, sur une route en lacets, complètement ivres. C’était insensé. Je me souviens d’un copain qui avait volé un t-shirt qui était suspendu, en train de sécher dans le jardin d’une maison. C’était une maison pas loin de la boîte. Vu le bordel du week-end, ça ne doit pas être très tranquille de vivre dans ce coin des chics Monts d’Or.
A l’entrée du Titan, on ne nous a jamais demandés nos pièces d’identité. On avait des têtes de gamins : ça buvait des coups sur le parking pour rentrer défoncés dans la boîte et ne pas avoir à payer les malibu ou les whisky coca à l’intérieur. A cette époque et à cet endroit, je n’ai pas vu d’ecstasy tourner.
Il y avait un camion de merguez et de steaks dehors.
Quand j’ai été plus âgée (c’est à dire à partir de 17 ans environ), j’ai abandonné le Titan. Je me suis mise à snober cette boîte dans laquelle j’estimais qu’il y avait trop de « gamins ». Je suis allée au Space, un autre temple de la « musique de jeunes », plus pointue aussi.
Tous ces souvenirs sont dans la nuit, dans la brume, dans le passé. En apprenant que le Titan fermait définitivement ses portes, j’ai eu envie de me rappeler tout ça et de l’écrire, même s’il est impossible de le raconter à mes parents encore aujourd’hui.
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