Avec cette décision prise dans l’opacité la plus totale, l’État détourne l’une des seules aides à la presse neutre en terme de support et consacrée à l’accompagnement de la transformation numérique de toutes les entreprises de presse.
La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, s’est félicitée publiquement en mars 2018 d’un accord trouvé pour “sauver” la principale messagerie de distribution de la presse en France. Si aucun détail n’a été donné au moment de cette annonce, une de ses modalités a été présentée quelques temps plus tard aux représentants des éditeurs de presse : la moitié du budget du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) sera prélevée pendant 4 ans pour renflouer les pertes de Presstalis.
Crédité de 18,2 millions d’euros cette année, le FSDP est la seule aide directe de l’État dédiée à l’innovation dans les médias et, avec la bourse pour les médias émergents, la seule ouverte aux éditeurs de presse en ligne représentés par le Spiil.
Créé en 2012, le FSDP a en effet pour objet d’aider au développement de toutes les formes de presse et agences de presse, imprimée et en ligne, grâce à des subventions allouées sur la base de projets innovants.
Le budget 2018 du FSDP a été acté par la loi de finances et ne peut être modifié sans modification de cette loi. Par ailleurs, le sauvetage de la messagerie Presstalis n’entre absolument pas dans les objectifs du Fonds tels qu’énoncés dans l’article 13 du décret n° 2012-484 du 13 avril 2012. La décision prise bafoue donc pleinement la vocation première du FSDP.
Il résulte de cet accord secret entre l’État et les éditeurs de presse imprimée une nouvelle discrimination entre les supports de presse.
Opacité et montage hasardeux
Depuis 2009 le Spiil n’a de cesse de dénoncer les modalités du soutien de l’État au secteur de la presse. Dans son panorama des aides, publié annuellement depuis 2015, il fait le constat d’un statu quo depuis les États généraux de la presse (2008), avec une proportion des aides à la presse réservées au papier identique à celle de 2008 en 2016.
Le Spiil condamne l’opacité totale de la prise de décision qui a abouti, sans aucune concertation hormis avec un tout petit nombre d’éditeurs clients de Presstalis, à utiliser un fonds censé bénéficier à toute la presse sans discrimination de support pour sauver un acteur industriel de la presse papier.
L’État envoie ainsi un signal largement défavorable à l’attention de ceux qui, comme le Spiil, appellent de leur vœux une réforme des aides à la presse, tournées vers l’avenir, en phase avec la réalité du secteur et accompagnant ses changements plutôt que comme une ligne de front bâtie pour maintenir l’existant.
S’il apparaît indispensable, au titre du pluralisme de l’information, de veiller au maintien de l’équilibre du système de distribution de la presse, la ponction sans concertation d’un des seuls dispositifs non discriminants d’aide à la presse est incompréhensible, alors même que des crédits budgétaires bien plus importants sont déjà exclusivement dédiés au papier.
Le Spiil demande de la transparence
Le Spiil pointe du doigt ce montage hasardeux qui ne répond pas aux règles de fonctionnement du FSDP et dont la régularité peut légitimement être interrogée, notamment au regard des règles communautaires.
De plus, le syndicat remet en cause la vision court-termiste de cette décision qui n’est ni plus ni moins qu’un nouvel artifice imposé dans l’urgence là où une politique globale et concertée sur l’équilibre de l’écosystème de la presse paraît indispensable.
Le Spiil saisit donc, au titre de la nécessaire transparence des aides à la presse, la Ministre de la Culture ainsi que la Présidente du FSDP et demande la publication de l’accord passé entre l’État et Presstalis pour connaître l’ensemble de ses modalités.
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