Depuis, cet établissement lyonnais privé et réputé a supprimé le photomontage de son site, rejetant la faute sur un prestataire.
C’est comme jouer au jeu des sept différences. Sur une photo de groupe des étudiants en 5ème année de l’école Émile Cohl à Lyon, on peut voir quatre étudiants dont la peau a été noircie et, même, deux jeunes femmes noires qui n’étaient pas présentes au moment de la prise, carrément incrustées a posteriori. Un montage assez médiocre pour une école de graphisme et de dessin pourtant réputée.
Émile Cohl ambitionne en effet de s’installer à Los Angeles d’ici quatre ans et, pour cela, a lancé une campagne de promotion américaine avec un site internet dédié. La photo d’origine, prise par un étudiant, s’est retrouvée dans une agence de communication californienne par l’intermédiaire de l’école.
Le site internet américain contenant la photo retouchée avait été lancé en fin de semaine dernière.
Sur la photo, deux opérations de modification sont clairement questionnantes. La première consiste en un changement de la couleur de pigmentation de trois étudiants, donnant l’impression qu’il s’agit de personnes noires, comme pour un « blackface ». Le fait de se grimer en noir pouvant renvoyer à des références historiques, des pratiques de l’Amérique ségrégationniste.
La deuxième opération est un ajout graphique, une incrustation, de deux personnes noires au milieu du groupe d’étudiants en art, tous blancs.
Ce sont des élèves de l’établissement qui ont les premiers découvert cette opération, la qualifiant de « blackwashing » et la révélant sur Twitter.
Le blackwashing est une pratique qui consiste à mettre en avant la diversité au sein d’un organisme à des fins publicitaires. Un principe marketing comparable au greenwashing, où les entreprises polluantes font la promotion d’opérations écologiques.
Les deux images sont comparables ci-après.
La photo de base est trouvable sur leur twitter en plus, mon dieu pic.twitter.com/HzF9PVUghe
— Ameliabrador (@ameliabrador) 9 septembre 2018
Une opération de retouches qui suscite des réactions
Mise en ligne la semaine dernière sur la page d’accueil du site américain de la future école, la publication a depuis été supprimée. Mais cela n’a pas empêché de faire réagir les internautes, bien au-delà des élèves de l’école :
Les gars, on doit passer pour une école ouverte, on fait quoi ?
– On a qu’a diversifier les profils qu’on accepte dans l’école !
– Naaaaaaaaah, on va plutôt photoshop LOL PTDR XD.
Je pleure.— Eldar (@LesEnfantsEldar) 8 septembre 2018
Pour @Louroulai, il s’agit de dénoncer « l’impression de diversité » que souhaite mettre en avant l’école.
Donc, au lieu d’accepter + d’étudiant•e•s racisé•e•s, cette école privée de Lyon photoshop des blancs pour donner une impression de diversité histoire d’être bien vu à LA (où ils ouvrent une branche de l’école). Qlqn avec des abonné•e•s US peut les prévenir de pas y aller ? https://t.co/dudW9HefeY
— Lorelei Denichère (@Louroulai) 9 septembre 2018
Cette internaute a été la première à communiquer sur l’affaire, sur Twitter :
« Pour l’ouverture de la nouvelle aile d’Emile Cohl à Los Angeles ils ont bidouillé la photo de classe en ajoutant des élèves et retouchant certaines couleurs de peau pour simuler une classe d’origines plus variées »
— Kelsi Phụng (@kelsiphung) 7 septembre 2018
« Quelque chose qui nous a complètement échappé »
Pour Antoine Rivière, le directeur de l’école, que nous avons joint, cette manipulation est due au seul fait de l’agence de communication californienne, chargée de la confection du site web américain.
« C’est une initiative des prestataires américains, c’est quelque chose qui nous a complètement échappé ».
À Los Angeles, l’école cherche à mettre en avant « la réputation du projet pédagogique » et cette mauvaise publicité tombe bien mal. Antoine Rivière insiste :
« Dès qu’on a appris la manipulation, nous avons supprimé la publication. Nous sommes bien conscients du problème. »
L’école a depuis présenté des excuses à ses étudiants. Mais les critiques continuent de déferler sur les réseaux sociaux.
Un étudiant d’Émile Cohl contacté par la rédaction nous confirme que l’affaire fait grand bruit au sein de la communauté étudiante. Dans les groupes Facebook privés des étudiants de l’école, mais aussi dans les couloirs. Plusieurs d’entre eux nous ont déclaré ne pas tenir rigueur de cette maladresse à l’école, qu’ils n’estiment pas responsable.
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