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Jean-Marie Girier, homme de l’ombre de Gérard Collomb, en bouclier devant les sénateurs

Dans les marronniers de la presse, on avoue un penchant particulier pour celui « des hommes et des femmes de l’ombre ». A Lyon, le nom de Jean-Marie Girier est bien connu du microcosme politique ; difficile pour autant de faire le portrait de celui qui se voit contraint de sortir d’une discrétion très entretenue.

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Jean-Marie Girier jure devant les sénateurs de dire "la vérité rien que la vérité toute la vérité". Capture d'écran / Rue89Lyon

Chef de cabinet de Gérard Collomb alors président de la Métropole de Lyon, Jean-Marie Girier a conservé sa place aux côtés du boss local lorsque celui-ci a été appelé à s’installer place Beauvau. L’affaire dite d’ « Alexandre Benalla » nous rappelle qu’entre temps, Jean-Marie Girier a joué un rôle plus que stratégique et a aussi été directeur de la campagne présidentielle du candidat Emmanuel Macron.

Une loyauté portée en bandoulière, des éléments de langage absorbés au point de s’autoriser parfois une pointe d’ironie dans le ton. C’est sur ce mode que Jean-Marie Girier a répondu aux questions formulées par les sénateurs et sénatrices de la commission des lois, auditionnant les différents acteurs concernés de près ou de loin par ce que l’on appelle désormais « l’affaire Alexandre Benalla« .

Pas de doute pour ce fidèle parmi les fidèles : Gérard Collomb ne connaît pas ou si peu le personnage le plus sulfureux de la République et de l’été. « Seulement de vue ».

Lui, en revanche, le connaît. Jean-Marie Girier a été ce lundi d’une certaine manière contraint de revenir sur son rôle dans la campagne d’Emmanuel Macron.

Sa situation à cette période avait été pointée du doigt : en tant que chef de cabinet de Gérard Collomb, président de la Métropole de Lyon, il s’était impliqué fortement dans la campagne de celui qui allait gagner les élections présidentielles. « Sur son temps personnel », puis « à mi-temps », avant de devoir monter à Paris pour en être totalement. Une situation éclaircie au bout de plusieurs semaines seulement, nous avait-on indiqué au cabinet du président de la Métropole.

Gérard Collomb avait en effet mis le paquet pour qu’Emmanuel Macron devienne candidat crédible puis carrément sérieux. Les moyens mis en oeuvre sont d’ailleurs en ligne de mire : des élus locaux d’opposition Les Républicains ont déposé une plainte relative à une utilisation présumée de moyens publics (ceux de la Ville et de la Métropole de Lyon) pour la campagne d’Emmanuel Macron.

Une enquête préliminaire a dans la foulée été ouverte par le parquet.

Jean-Marie Girier jure devant les sénateurs de dire « la vérité rien que la vérité toute la vérité ». Capture d’écran / Rue89Lyon

La vidéo d’Alexandre Benalla : « je l’ai regardée plusieurs fois pour y croire »

Jean-Marie Girier est devenu depuis le chef de cabinet du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, qui a donc souhaité le garder auprès de lui dans ses nouvelles fonctions. Plusieurs échanges avec les sénateurs ont d’ailleurs porté sur leur relation.

« De confiance », a confirmé Jean-Marie Girier, rappelant qu’il travaille aux côtés du ministre et élu, lyonnais d’origine, depuis une dizaine d’années. Il a usé lui-même des termes de « loyauté » et d’ »engagement ». Rien d’étonnant à ce que le chef de cabinet fasse barrage à tout soupçon concernant des liens particuliers ou même existants entre Alexandre Benalla et Gérard Collomb.

Concernant ses propres relations avec l’homme de sécurité, embauché dans le cadre de la campagne d’Emmanuel Macron, Jean-Marie Girier n’a pas pu en faire autant.

« Je n’ai pas recruté Alexandre Benalla chez En Marche pour une raison bien simple, les recrutements sont réalisés […] en l’occurrence pour les questions de sécurité, par le pôle opération. Celui de Mr Benalla a été fait en décembre 2017 et j’ai pris mes fonctions de directeur de campagne au 1er janvier. Néanmoins je confirme avoir été avisé de son embauche car j’étais chef de campagne. »

En réalité, difficile pour Jean-Marie Girier d’aménager davantage son propos, puisque dans les mails piratés pendant la campagne d’Emmanuel Macron, on trouve un message opérationnel révélant que cette embauche a été validée et que cela a été « vu avec JMG ».

Jean-Marie Girier affirme avoir eu connaissance de la vidéo impliquant Alexandre Benalla au lendemain de la manifestation du 1er mai et l’avoir transmise à son directeur de cabinet, le 2 mai donc. A 8h12. Il ajoutera plus tard dans son audition :

« Je l’ai regardée plusieurs fois pour y croire, le 2 mai au matin. C’était quelqu’un qui savait gérer son stress et garder son calme. J’ai été surpris de le voir dans de telles conditions. »

Jean-Marie Girier a donc reconnu une proximité relative avec le chef de la sécurité, mais réfute être jamais intervenu en sa faveur pour un quelconque poste depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République :

« J’affirme donc simplement et de manière très catégorique, Mr Benalla ne m’a jamais sollicité pour un grade de lieutenant colonel, pour obtenir un poste de sous-préfet, pour faciliter l’obtention d’un port d’arme. […] Il n’a bénéficié d’aucun traitement privilégié par mon intermédiaire. « 

Ainsi a-t-il donc évoqué cette affaire dont, selon son avis, « tout le monde se serait bien passé ».

La zone d’influence et la façon de travailler de Jean-Marie Girier

Notons que les sénateurs ne lisent pas suffisamment la presse locale puisque aucun d’eux n’a évoqué un autre mail tiré des échanges piratés de l’équipe de campagne En Marche, dans lesquels on voit Jean-Marie Girier calmer les ardeurs d’Alexandre Benalla.

Il met un stop ferme à un projet d’achat d’armes et de flashballs dans le cadre de la campagne :

« Je viens de prendre connaissance d’une commande d’armes pour le mouvement [En Marche!, ndlr]. Il est bien évidement (sic) que nous n’allons pas acheter d’armes, ou de flash ball pour les 40 jours restants. Je suis surpris que nous n’ayons pas été saisis d’une telle démarche. »

Pendant son audition, Jean-Marie Girier a estimé n’avoir « aucune remarque négative à formuler sur son engagement, ni son comportement, ni sur la qualité de son travail », au sujet d’Alexandre Benalla. Le voyant apparaître dans des réunions de préparation alors que ce dernier a été mis à pied à la suite de ses agissements du 1er mai, Jean-Marie Girier promet que cela n’a concerné que « des questions de pur protocole, accès ou autorisation périmétriques, que des relations liées au nouveau périmètre qui était le sien », soit la « gestion d’événements ». Ce à quoi la sénatrice LR Catherine Troendlé a réagi :

« Il y a eu une situation pour le moins troublante, il y a un problème de définition de fonction. »

Dans cette audition dont on ne pouvait attendre autre chose que ce qui a été entendu, on retiendra tout de même les rares éléments personnels donnés par le chef de cabinet de Gérard Collomb. Concernant sa zone d’influence au sommet de l’Etat, Jean-Marie Girier a su finement à la fois relativiser son rôle tout en en révélant son aspect le plus complexe, celui de sergent fidèle à un homme -soit Gérard Collomb :

« Pour moi l’important est de savoir faire la part des choses, je me suis fixé une règle à son égard [à l’égard d’Emmanuel Macron, ndlr], dans les échanges que je peux avoir ac lui, c’est de ne jamais aborder les sujets du ministère de l’Intérieur, par égard pour mon ministre que je ne saurais court-circuiter. »

Lorsqu’il est interrogé sur le fait qu’avoir fait confiance lors de la campagne d’Emmanuel Macron à une jeune tête brûlée, à l’ »électron libre » trop vert que semble être Alexandre Benalla au travers des témoignages multiples, a peut-être été une faute professionnelle, Jean-Marie Girier répond :

« La qualité n’attend pas le nombre des années, c’est un directeur campagne de 32 ans pour une présidentielle qui vous le dit. »

Les hommes de l’ombre de Gérard Collomb jusqu’à Paris

Parmi les personnages qui ont suivi Gérard Collomb place Beauvau, depuis Lyon, pour avoir fait preuve d’une loyauté indéfectible, on trouve par ailleurs un comunity manager, Arthur Empereur.

Si l’on cite le jeune homme, c’est notamment parce que son nom est paru dans la presse pour un fait d’arme peu reluisant, parmi le lot de révélations que le dossier médiatique Benalla permet. Le spécialiste des réseaux sociaux a en effet péché par vanité.

Fier de son brassard « police » porté lors du déplacement de Gérard Collomb à Juvisy le 8 octobre 2017, il l’a exhibé sur son compte Instagram avec les hashtags #voyou, ou encore #terrain et #policenationale.

Arthur Empereur avec un brassard « police » sur son compte Instagram.

Le cabinet du ministre de l’Intérieur a assuré au média LyonCapitale que :

« Ces brassards peuvent ainsi être utilisés par les collaborateurs du ministre, ainsi que leur carte professionnelle formatée sur le modèle des cartes professionnelles de tous les agents du Ministère de l’Intérieur (dont les cartes police), pour faciliter leur circulation dans des zones faisant l’objet d’une protection accrue (types zones d’attentat ou zones particulièrement protégées). Ils permettent de passer des barrages de police lors des déplacements du ministre”.

Avant de préciser que les collaborateurs du ministre de l’Intérieur sont porteurs d’un RIO (relevé d’identité opérateur), tout comme les policiers. Le port du brassard « police » sans en avoir le statut, ce qui a aussi été reproché à Alexandre Benalla, est une pratique répandue.


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