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Relaxe pour le sans-papiers qui s’était immolé au tribunal de Lyon

[Droit de suite] En octobre 2013, lors d’une audience au tribunal de Lyon, un sans-papiers tunisien avait tenté de s’immoler par le feu. Le procureur de la République l’avait poursuivi pour « mise en danger de la vie d’autrui » et avait ouvert une instruction. Cinq ans après, il a été relaxé par le tribunal correctionnel de Lyon

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Le Nouveau Palais de Justice dans le 3e arrondissement de Lyon

Le 2 octobre 2013, comme pratiquement tous les matins de la semaine au tribunal de Lyon, des étrangers en situation irrégulière comparaissaient devant le juge des libertés et de la détention (JLD), qui décide de leur maintien ou non au centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry avant une possible expulsion.

Pendant que le premier « retenu » était entendu par le juge, Hatem Bastani, un jeune Tunisien avait sorti une fiole contenant un liquide inflammable, s’était aspergé et avait allumé un briquet.
Les quatre policiers, qui constituaient l’escorte, étaient rapidement intervenus pour éteindre les flammes.

Le procureur de la République avait décidé de le poursuivre « pour mise en danger de la vie d’autrui », ce qui avait suscité une vive émotion au sein du palais de justice de Lyon.
Un avocat, Thomas Fourrey, avait été mandaté par le barreau de Lyon, pour assurer sa défense.
La juge d’instruction s’était opposée au parquet en décidant de placer le prévenu sous le statut de témoin assisté. Le procureur de la République avait fait appel de cette décision et la chambre de l’instruction l’avait finalement mis en examen.

Après un rapide passage par l’hôpital, le sans-papiers avait été reconduit au centre de rétention de Lyon Saint-Exupéry.

« C’est comme si on poursuivait des secouristes »

Le procès d’Hatem Bastani s’est finalement tenu le 4 juin dernier. Sans lui. Il a finalement été expulsé vers la Tunisie quelques mois après cette tentative d’immolation.
A l’audience, le procureur de la République a requis six mois de prison ferme pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « soustraction à une mesure d’éloignement ».
L’un des policiers qui lui avaient porté secours s’était porté partie civile et réclamait 600 euros de dommages et intérêts.
Dans son jugement rendu le 4 juillet, la présidente de la 12e chambre correctionnelle, Anne-Sophie Martinet, l’a relaxé pour la « mise en danger de la vie d’autrui » mais l’a condamné à trois de prison ferme pour s’être opposé à son expulsion.

Son avocat a réagi en regrettant que, cinq ans après, le parquet n’ait pas rétropédalé :

« Le parquet voulait certainement marqué le coup et afficher son soutien aux policiers qui sont intervenus. Heureusement que la juge n’est pas entrée dans cette logique. Imaginons que l’on poursuive la personne qui a sauté une falaise pour mise en danger de la vie d’autrui, parce que des secours sont intervenus ».

Un Tunisien qui s’était déjà opposé à une expulsion

Il y a cinq ans, nous avions joint par téléphone Hatem Bastani.
Il nous expliquait qu’il était tellement « dégoûté » par ce qui lui arrive. Il avait déjà été condamné à trois mois de prison pour une première opposition à une expulsion. Par ce geste, il disait vouloir « se supprimer ».

Hatem Bastani est originaire d’Hammamet. Il n’a plus ni mère, ni père. En Tunisie, il redoutait de croiser ses créanciers, « des amis », à qui il aurait emprunté « 10 000 euros » pour traverser en bateau la Méditerranée jusqu’à la Sicile.

Il racontait également qu’il était « choqué » par son passage à la maison d’arrêt de Villefranche :

« On m’a mis en prison alors que je n’ai pas volé. Je ne comprends pas ».

Le palais de Justice de Lyon © Calystee / Flickr / CC


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