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Alela Diane en concert à Lyon : « Les gens ne s’attendaient pas à ce que je compose sur la question de la maternité »

Quelques semaines après la sortie de son album « Cusp » qui embrasse la question de la maternité, Alela Diane sera l’une des têtes d’affiche du Petit Bulletin Festival. À cette occasion, elle nous entretient de son rapport de mère et de femme avec sa vie de musicienne et le regard qu’elle porte sur le monde.

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Alela Diane. DR

« C’est très compliqué de concilier la musique et le fait d’être mère. Aujourd’hui, je ne peux pas juste prendre ma guitare et décider de me mettre à composer »

Petit Bulletin : Cusp est un album sur la maternité, enregistré pendant votre seconde grossesse. Vous y évoquez votre expérience de mère et la difficulté d’être éloigné de son enfant pendant une tournée. La maternité a-t-elle fait de vous une artiste différente ?

Alela Diane : C’est très compliqué de concilier la musique et le fait d’être mère. Aujourd’hui, je ne peux pas juste prendre ma guitare et décider de me mettre à composer. Je dois employer des trésors de stratégie pour trouver du temps pour travailler, être plus structurée et tout planifier.

C’est pour cela qu’il était si important pour moi d’aller à Caldera [où elle a composé Cusp en résidence, au cœur de l’Oregon NDLR] de manière à me concentrer uniquement sur ma musique. Pour moi, cet album est aussi une sorte d’escapade. Cela faisait longtemps que je n’avais pas été seule, ni eu l’occasion d’écrire dans de telles conditions.

De me centrer sur moi-même, qui plus est loin de chez moi. Ça m’était soudain d’autant plus facile de réfléchir à ma vie à la maison que je n’y étais pas.

À Caldera, les choses ont failli tourner court à cause d’une blessure au doigt qui vous a empêché de jouer de la guitare et contrainte à vous adapter en composant au piano, ce qui a donné une autre orientation à l’album…

C’était une blessure complètement idiote : j’ai cassé l’ongle de mon pouce en déblayant de la neige et comme j’utilise mes ongles pour jouer, c’était très handicapant. J’étais là en résidence d’écriture pour la première fois et je ne pouvais même pas jouer de guitare (rires). Mais il y avait sur place un piano, j’ai commencé à en jouer et à découvrir combien j’aimais cela. J’ai donc continué et ç’a été merveilleux.

J’ai beaucoup appris sur la manière de donner vie à mes idées en utilisant un autre chemin. Le challenge était soudain de faire un album folk avec cet instrument qui ne l’est pas vraiment.

Mais au fond peu importe l’instrument, c’est juste un outil que j’utilise pour écrire des mélodies et mettre en musique des paroles, ce qui importe c’est l’artisanat qu’il y a autour.

Et puis il y a quand même de la guitare sur ce disque et je crois que c’est un bon mélange, un bon équilibre.

« Les gens ne s’attendaient sûrement pas à ce que je compose un album sur la question de la maternité »

Pour revenir à la maternité, vous soulignez que pour une artiste c’est un sujet qu’il vaut mieux évacuer. Ce que vous avez justement choisi de transgresser avec cet album…

Je crois que c’est une question fondamentale pour toute femme qui fait de la musique, de l’art ou pour qui que ce soit ayant une vie publique. En tant qu’artiste féminine, il y a une pression constante : être jolie, être utile, en gros, correspondre à un certain nombre de valeurs totalement superficielles.

Les gens ne s’attendaient sûrement pas à ce que je compose un album sur la question de la maternité.

Parce que ce qu’on attend de vous quand vous montez sur scène, c’est que vous soyez désirable et dans l’esprit des gens c’est tout à fait contradictoire avec l’idée d’être une mère. Et encore plus avec le fait de le revendiquer.

Ce que vous dites entre d’une certaine façon en résonance avec le mouvement des femmes auquel on a assisté depuis l’affaire Weinstein…

C’est incroyable que les femmes puissent désormais en parler librement. Parce que pour les femmes être harcelées, eh bien ça fait partie de notre vie depuis toujours. Quand vous êtes une femme et que vous rentrez chez vous le soir, vous devez toujours regarder par dessus votre épaule.

Je crois qu’avec la libération de cette parole, qui est merveilleuse, beaucoup de gens et notamment des hommes sont surpris, choqués, et se disent « Mon Dieu, c’est ce qu’il se passe derrière les portes closes ! ».

Cette prise de conscience là aussi est importante et j’espère que ça contribuera à nous aider tous à aller vers davantage d’égalité entre les sexes.

Le premier single de Cusp, Émigré, vous a été inspiré par la terrible condition des migrants venus d’Afrique et du Moyen-Orient et par le destin du petit Aylan [un enfant kurde retrouvé mort sur une plage dont la photo a fait le tour du monde, NDLR]. Était-ce une évidence pour vous de l’inclure dans l’album ? Même si cette histoire a choqué le monde entier, est-ce autant la mère que l’artiste que l’on entend ici ?

Cette photo a touché beaucoup de gens, mais il se trouve que ma propre fille a l’âge qu’avait ce garçon.

Quand j’ai vu cette image je n’ai pas pu faire autrement que me mettre à la place de sa mère et ressentir cette tragédie profondément. Parce que simplement la plus grande terreur d’une mère est de perdre son enfant. Or les migrants sont dans de telles situations que les mères mettent non seulement leur propre vie en danger, mais aussi celle de leurs enfants pour tenter de gagner un pays où ils trouveront la liberté ou un peu d’espoir. Ce n’est pas une décision qu’une mère devrait avoir à prendre.

C’est de là qu’est venue cette chanson qui raconte le destin de ces gens, et en cela elle s’accorde au thème de cet album.

Alela Diane + Lior Shoov
Aux Subsistances dans le cadre du Petit Bulletin Festival le samedi 28 avril

Par Stéphane Duchêne, sur petit-bulletin.fr.


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