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5 choses à savoir sur le blocage de l’université Lyon 2

Depuis près d’un mois, Lyon 2 connaît une intensification du mouvement « contre la sélection à l’université » avec occupations, manifs et blocages des campus.

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L'entrée rue Chevreul de l'université Lyon 2 bloqué. ©LB/Rue89Lyon

Une nouvelle assemblée générale s’est tenue, lundi 23 avril, durant laquelle le blocage des campus a été une nouvelle fois voté. En réaction, la présidence a annulé tous les cours pour une semaine.

Lundi, sonnait la fin des vacances pour les étudiants de l’université Lyon 2, mais aussi la reprise du mouvement contre la loi ORE. Une AG de près de 1000 personnes s’est tenue dans la cour du campus des quais, pour voter le blocage de l’université. Depuis le début du mouvement le 3 avril, c’est la deuxième fois qu’une AG aussi importante vote le blocus.

1. Un blocage désormais toléré

Après avoir était bloquées lundi et mardi, les entrées sont aujourd’hui totalement dégagées sur le campus des Berges du Rhône. Idem pour la majorité du campus Porte des Alpes. Depuis ce mercredi, on assiste donc à un blocage sans barricade et sans étudiant pour monter la garde.

Cette situation paradoxale est la conséquence de la décision de la présidence, suite au vote du blocage :

« Aucun cours ni évaluation n’aura lieu cette semaine ».

La présidence tolère l’occupation en journée, jusqu’à minuit, et les étudiants mobilisés n’ont plus à bloquer leur campus.

Au début du mouvement, la présidente Nathalie Dompnier souhaitait déjà que les étudiants n’occupent pas les lieux la nuit, elle avait alors proposé de mettre à disposition un amphithéâtre. Les étudiants mobilisés avaient refusés mais s’en tenait à une occupation limitée sans blocage.

Après un premier vote du blocage de l’université le 12 avril, la présidente avait décidé d’expulser les étudiants du site des quais du Rhône dès le lendemain, en envoyant les CRS.

S’en étaient suivies les vacances. Depuis, chaque partie a fait un pas : les étudiants bloquent mais ne dorment pas dans l’université et la présidence tolère l’occupation jusqu’à minuit en annulant toutes les activités sauf les « activités techniques, les services administratif et la bibliothèque ».

Selon un étudiant mobilisé en master d’histoire, elle n’a « pas trop le choix » :

« Si la présidente n’annule pas les cours, on bloquera l’université. Et puis elle est obligée de tolérer l’occupation, parce qu’elle ne peut pas se permettre d’envoyer les CRS une seconde fois. »

Une autre AG est prévue ce jeudi 26 mai à 16h. Néanmoins un nouveau vote pour ou contre le blocage de l’université n’est pas prévu par les étudiants grévistes. Pour eux, « c’est une perte de temps ». Ils préfèrent débattre en AG de « l’avenir de l’université et des modalités d’action ».

L’entrée rue Chevreul de l’université Lyon 2 occupée. ©LB/Rue89Lyon

L’occupation sur le site des quais reste tranquille. Jusqu’à minuit, sont organisés des débats, des repas et des projections de film. Le programme des actions des étudiants est disponible sur Facebook. 

En journée, deux étudiants tiennent un stand boisson et nourriture dans la cour de l’université.

Quant au campus de Bron, il est complètement désert. Seulement quelques étudiants déambules dedans, accompagnés de divers affiches dénonçant la loi ORE ou l’évacuation du campus par les CRS et la charge de la Police sur les berges du Rhône le vendredi 13 Avril.

2. Un groupe actif de 150 étudiants-occupants

Les étudiants mobilisés sont aujourd’hui un peu plus nombreux qu’au début, mais le noyau dur ne bouge guère. Il reste composé d’environ 150 personnes.

La majorité n’est issue d’aucune structure politique, seulement quelques uns sont issus d’organisations syndicales tels que Solidaires étudiants ou l’Unef. Le syndicat Solidaires, recréé en septembre à Lyon 2, d’ailleurs reste plus visible dans l’occupation de l’université. On note également quelques étudiants affiliés à la France insoumise, à Génération.s ou proches des mouvements antifa.

Tous les jeunes présents ne font pas partie de Lyon 2. Mardi, on croisait notamment deux étudiants de l’ENS sur le campus des quais :

« Nous sommes ici en soutien aux étudiants de Lyon 2. Même si nous ne sommes pas impactés directement par cette réforme, cela nous concerne, car c’est un combat pour l’enseignement en général. »

Des étudiants non-grévistes, ainsi que certains professeurs, tentent de se mobiliser pour demander un vote électronique pour « permettre l’expression du plus grand nombre sur la question du blocage de l’université ».

Une des allées de Lyon 2 bloquée le mardi 24 avril. ©SP/Rue89Lyon.fr

3. La présidence entre deux eaux

Après avoir interpellé le gouvernement afin de « sortir de l’impasse » dans une tribune parue sur le site de l’Étudiant-Educpros, avec cinq autres universités,  Nathalie Dompnier a pris la parole lors de l’AG étudiante du lundi 23 avril. Elle insistait sur le fait qu’elle n’« est pas contre le mouvement étudiant » bien qu’elle ait fait appel aux forces de l’ordre. Elle justifiait encore cette intervention par le manque de sécurité dans le campus durant les occupations nocturnes.

Le mardi 24 avril, la présidente a répété le même discours cette fois-ci devant 200 membres du personnel de l’université réunis en AG afin de s’expliquer sur ses décisions.

La position de la présidente reste ambivalente, du point de vue des étudiants mobilisés.

D’un côté, elle fait évacuer l’université, de l’autre elle ne condamne pas le mouvement et le laisse se dérouler dans les murs du campus des quais.

A propos de la loi ORE et de Parcoursup, elle pointe du doigt dans sa tribune les dysfonctionnements et les aménagements indispensables au filières en tension pour mettre en place cette réforme.

Toutefois elle ne prend pas de position tranchée pour ces portails en tension, c’est à dire quatre sur quatorze, qui devraient appliquer une sélection, comme le souligne un des responsables d’UFR de l’université :

« Elle n’a pas adopté une position claire et nette. Elle est obligée de se faufiler. »

4. Une partie du personnel prend position pour les étudiants

Environ 200 professeurs et personnel de l’université ont décidé mardi 24 avril de se réunir en AG pour se positionner vis-à-vis du mouvement social en cours. Ils se sont exprimés majoritairement « contre » l’intervention policière dans l’université et les fermetures administratives. Ils ont également voté « pour » l’abrogation de la loi ORE et le soutien au mouvement étudiant.

Comme les étudiants, ils souhaitent se mobiliser aux côtés des services hospitaliers et des cheminots, notamment lors d’une manifestation ce vendredi.

Pour le moment la question des examens n’a pas été abordée, ou très vaguement. Selon un des professeurs présent :

« Les examens ce n’est pas la question pour le moment, mais que sera l’université du 21eme siècle. »

Plusieurs personnes remettent en question la communication de la présidente. Selon un autre professeur :

« La présidente enrobe les choses avec un message sécuritaire assez agaçant »

Naturellement, de nombreux enseignants-chercheurs ne sont pas mobilisés ou restent très prudents. Comme ce responsable d’UFR qui a souhaité garder l’anonymat :

« Aujourd’hui le but est que tout ce passe bien pour les étudiants qui souhaitent suivre les cours et pour ceux qui souhaitent exprimer leur mécontentement. »

Un autre responsable d’UFR, toujours sous couvert d’anonymat, explique que l’université Lyon 2 comporte 14 portails dont 10 dans lesquels tous les élèves seront acceptés. Mais pour 4 portails (langue, droit/économie, psychologie et sciences de l’éducation), ce sera très compliqué, comme l’explique ce même responsable d’UFR :

« J’ai 5800 demandes pour mon portail, mais je n’ai que 600 places. Je suis incapable d’accueillir même le tiers des demandes. Il va falloir trouver des solutions adaptées pour ne pas laisser des gens sur le bord de la route ».

A noter également, une des personnalités extérieures nommées par la présidence au conseil d’administration, Bernard Bouché, syndicaliste de Solidaires, a démissionné pour protester notamment contre « le recours aux forces de l’ordre ».

5. Les étudiants, derrière les cheminots dans la « convergence des luttes »

Depuis le début ce mouvement contre la sélection à l’université, il n’y a pas eu de manifestation spécifiquement sur ce mot d’ordre.

Dans la rue, on retrouve les étudiants mobilisés avec les cheminots, en grève séquencée depuis le 3 avril dernier. A chaque manif des employés du rail, entre 100 et 300 étudiants participent aux cortèges.

Aux côtés des syndiqués de SUD rail et de la CGT cheminots, ces étudiants, pour la plupart de Lyon 2, forment le noyau dur de la la fameuse « convergence des luttes » qui reste une agrégation de revendications sectorielles.
Il faut ici ajouter le mouvement des hospitaliers qui, après plus de deux à trois mois de grève des urgences, se sont organisés en « mouvement inter-hospitalier contre l’austérité » pour tenter de continuer leur combat.

Des ponts essayent d’être créés.
Tout d’abord, dans le discours. Comme le répète Laurent Saint-Léger, le secrétaire CGT cheminots du secteur de Lyon, c’est la politique globale du gouvernement qui est visée :

« On combat tous le même gouvernement. On lutte tous contre la même politique libérale. La convergence des luttes, c’est chacun vient avec ses revendications et gagnent des droits. Nous, on se bat pour le service public, les étudiants, c’est la même chose. »

Ensuite, dans l’organisation. Une tentative de coordination dépassant les syndicats tente d’être mise en place.
Une première AG doit se réunir place Guichard (le lieu où se sont tenues les assemblées de Nuit Debout Lyon) ce jeudi à 19h.

Dans l’appel à participer à cette AG, les cheminots font toujours figure de locomotive. La lutte des étudiants semble reléguée au second plan :

« Si [le gouvernement] veut faire tomber les cheminot.e.s et le service public ferroviaire, c’est pour amplifier demain ces attaques contre tous.tes. A l’inverse, cette grève est l’occasion de se rejoindre tous et toutes dans la mobilisation, pour mettre un coup d’arrêt à ces politiques ».

Le 19 avril dernier, à la « première journée de convergence des luttes » décrétée par l’intersyndicale menée par la CGT, on comptait environ 500 jeunes. Jusque là, Il n’y a jamais eu plus d’étudiants dans les rues de Lyon.

La banderole du cortège étudiant lors de la manifestation « convergence des luttes » du 19 avril à Lyon. ©LB/Rue89Lyon

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