Rares sont les civilisations à ne pas avoir inventé de bière. Du « pain liquide » des sumériens au « vin d’orge » des babyloniens, en passant par la cervoise des gaulois, on retrouve la bière sous toutes ses formes dans un grand nombre d’époques et de cultures.
Les peuples amérindiens n’échappent pas à la règle. Ils consomment leur breuvage fermenté, souvent élaboré à partir de maïs ou de manioc, jusqu’à ce que les colons débarquent en masse à la fin du 16ème siècle.
Dès lors, ces derniers parviennent à imposer les procédés de fabrication européens sur l’ensemble du continent américain. La bière artisanale vit ensuite son âge d’or, pendant près de 250 ans, sur le territoire qui finira par constituer les États-Unis tels que nous les connaissons aujourd’hui.
Puis, la scène brassicole américaine subit de profondes transformations au cours du 20ème siècle. En 1920, le commerce de boissons alcoolisées est interdit dans tout le pays. Cent ans plus tard, le marché de la bière représente 110 milliards de dollars annuels, dont 25 milliards pour la bière artisanale. Retour sur la naissance d’un paradis de la brasserie.
La fête est finie !
Au 19ème siècle, l’alcool coule à flots outre-Atlantique. Lobbies conservateurs et organisations radicales, comme le Ku-Klux-Klan, dénoncent publiquement ce phénomène. Leur rhétorique anti-ébriété se répand alors peu à peu parmi la population américaine. Une poignée d’États, baptisés « dry states », adopte dès 1850 des mesures proscrivant tout rafraîchissement à base d’alcool.
Mais c’est seulement après la Première Guerre mondiale que s’établit la prohibition à l’échelle nationale. Ratifié par le Congrès en 1919, le 18ème amendement de la Constitution américaine entre en vigueur l’année suivante.
Il consacre l’interdiction de produire, vendre et transporter des boissons alcoolisées. Durant une décennie, lever le coude devient donc un acte répréhensible aux quatre coins du pays.
La prohibition généralisée engendre alors l’émergence d’empires mafieux spécialisés dans la contrebande d’alcools. Al Capone est sans doute la figure la plus emblématique de ce marché noir. En parallèle, de nombreux établissements festifs se développent clandestinement dans les métropoles. La loi fédérale de 1920 sur la prohibition s’avère, ainsi, contre-productive.
Une période de léthargie
Face à l’échec de la prohibition, le président Roosevelt abroge le 18ème amendement de la Constitution en 1933. En raison de la crise financière de 1929, du manque à gagner sur le plan fiscal ou encore de la hausse importante de la criminalité, le gouvernement américain doit se résoudre à réautoriser le commerce de boissons faiblement alcoolisées.
A ce moment-là, la culture brassicole n’est presque qu’un lointain souvenir aux États-Unis. Contre 4 000 brasseries actives sur le territoire au 19ème siècle, on n’en compte désormais plus que quelques dizaines.
Après la Seconde Guerre mondiale, la quasi-totalité des brasseurs ne produit plus que de la pils, une variété de bière avec peu de goût adaptée à la consommation de masse. Impensable donc, pour la population américaine, d’espérer pouvoir se procurer de la bière artisanale de caractère, de qualité et de provenance nationale.
La révolution des « craft beers »
Un virage s’opère, cependant, dans les années 80. Lassés d’être contraints à importer des bières de l’étranger au prix fort, les amateurs de houblon aux États-Unis décident de prendre la situation en main.
Ils se mettent à fabriquer des bières directement chez eux. Beaucoup d’entre eux finissent par en faire une activité professionnelle en créant leurs propres micro-brasseries artisanales.
Depuis 1990, le nombre de structures indépendantes croît de façon exponentielle. Par conséquent, une nouvelle culture de la bière s’est installée : celle des « craft beers ». Plus que de simples bières artisanales, lesdites « craft beers » résultent d’un travail minutieux sur les arômes et l’amertume.
Selon la définition juridique déployée par la Brewers Association, les « craft beers » ne peuvent être issues que d’une brasserie répondant à trois critères : une production annuelle limitée (à un seuil de 7 millions d’hectolitres), l’indépendance économique (avec maximum un quart du capital possédé par une firme) et l’application des méthodes traditionnelles de fabrication.
Un paradis (enfin) retrouvé
De nos jours, aux États-Unis, on recense environ 6 000 entreprises brassicoles indépendantes (micro-brasseries, brasseries artisanales et brewpubs) d’après les dernières statistiques réalisées par la Brewers Association. Dans la secteur de la bière, les « craft beers » atteignent 12% de parts de marché en 2016 et devraient probablement dépasser la barre des 20% à l’horizon 2020.
Nous vous invitons à découvrir sept acteurs de cette scène brassicole bouillonnante lors de la prochaine édition du Lyon Bière Festival (qui aura les États-Unis pour pays invité) :
- Other Half Brewing de New-York
- Burial Beer Company d’Asheville
- Voodoo Brewery de Meadville
- Triple Crossing Brewing de Richmond
- Hardywood Park de Richmond
- The Veil Brewing de Richmond
- J. Wakefield Brewing de Miami
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