Dans cette affaire dite « libyenne », les noms de Nicolas Sarkozy et de Claude Guéant sont souvent évoqués. Le ministre de l’Intérieur et président de l’UMP de l’époque ainsi que son directeur de cabinet place Beauvau sont soupçonnés notamment d’avoir réceptionné de l’argent, en partie dans des valises de billets, de la part du clan du Guide Libyen, le colonel et dictateur Mouammar Kadhafi.
Nicolas Sarkozy, à l’issue de sa garde à vue, a été mis en examen.
Selon les informations de Mediapart, qui a révélé les premiers éléments du dossier en 2011, il s’agirait au total d’une somme de 50 millions d’euros. Des révélations fondées notamment sur les notes de Ziad Takieddine, un intermédiaire sulfureux intervenu dans la signature de contrats de sécurité et d’armement entre la France et la Libye.
Audition libre de Brice Hortefeux, député européen
Dans cette affaire touffue, un autre proche de l’ancien Président de la République apparaît. Un peu oublié peut-être derrière les épaules des deux autres.
Il s’agit de Brice Hortefeux, député européen LR et vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes après avoir été conseiller régional de l’ancienne région Auvergne de 1992 à 2015.
À l’époque des faits étudiés par la justice, il était ministre des collectivités territoriales de Jacques Chirac.
Mardi 20 mars 2018, celui qui est aussi « conseiller auprès du président » de la région Laurent Wauquiez, a été entendu en tant que « suspect libre ». Pourquoi ce statut ? Deux utilités pour la justice et les enquêteurs : il permet d’éviter le régime de la garde à vue qui nécessiterait de demander la levée de l’immunité parlementaire de Brice Hortefeux auprès du Parlement Européen. Il leur évite par ailleurs de dévoiler dans le détail les motifs de l’audition.
Les modalités du financement réglées par « NS + BH »
De quoi, Brice Hortefeux, est-il soupçonné dans cette affaire ? D’avoir participé aux réunions préparatoires fixant les modalités du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par le régime libyen de l’époque.
En mars 2012, Mediapart publie une note de l’intermédiaire Ziad Takieddine qui évoque une réunion pour régler les « modalités de financement de la campagne » du futur candidat de la droite lors d’une visite officielle de Nicolas Sarkozy de ce dernier en Libye le 6 octobre 2005.
Il indique qu’elles ont été fixées directement avec « NS + BH », initiales de Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux.
En avril 2012, une note datée de décembre 2006 et signée du chef des renseignements extérieurs libyens de l’époque, Moussa Koussa, indique que le régime a accepté de soutenir la campagne de Nicolas Sarkozy à hauteur de 50 millions. Elle a longtemps été contestée mais la justice a reconnu son authenticité. Elle précise aussi que le montant et les modalités de versement (via une banque libanaise et des comptes offshore notamment) ont été fixées quelques mois plus tôt, avec Brice Hortefeux notamment.
Mardi 20 mars, Brice Hortefeux a été entendu par l’Office anticorruption de la police judiciaire à Nanterre. Selon le Progrès, il a été essentiellement question de sa visite en Libye d’octobre 2005 avec Nicolas Sarkozy, organisée par Ziad Takieddine. Il avait à cette occasion notamment rencontré Abdallah Senoussi, chef du renseignement militaire de l’époque et considéré par la France comme le commanditaire de l’attentat contre le DC10 d’UTA.
En 2012, l’ancien haut responsable libyen avait affirmé avoir personnellement supervisé le versement de 5 millions d’euros à Claude Guéant via Ziad Takieddine pour le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy.
La rencontre de 2005 avec Brice Hortefeux avait officiellement porté sur des questions de lutte contre l’immigration. Il était alors ministre délégué aux collectivités territoriales, loin de ces problématiques a priori, mais placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy.
En 2013, Brice Hortefeux est rencardé de son audition à venir
Le vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a toujours nié les faits reprochés. Il reconnaît bien avoir été en Libye en compagnie de Nicolas Sarkozy en octobre 2005. Il réfute en revanche que des discussions concernant le financement de la future campagne présidentielle du candidat Sarkozy aient eu lieu.
En novembre 2013, alors qu’il doit être prochainement auditionné par les juges dans le cadre de cette affaire, il est rencardé. Le patron de la police judiciaire de Paris, Christian Flaesch, nommé par Nicolas Sarkozy l’appelle à plusieurs reprises. Il lui indique ce qui intéresse les juges, à savoir notamment son emploi du temps des 5,6 et 7 octobre 2006. Et lui indique la marche à suivre ainsi que les documents à fournir.
Interdiction pour Sarkozy de rencontrer Brice Hortefeux
Nicolas Sarkozy a été mis en examen mercredi 21 mars 2018 pour « corruption passive, financement illégal de campagne électorale et recel de fonds publics libyens ». Il a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de rencontrer les différents acteurs impliqués dans le dossier judiciaire, dont Brice Hortefeux.
Ce dernier, à sa sortie des locaux de la police judiciaire de Nanterre, avait déclaré :
Témoignant lors d’une audition libre, les précisions apportées doivent permettre de clore une succession d’erreurs et de mensonges.
— Brice Hortefeux (@BriceHortefeux) 20 mars 2018
Mediapart révèle ce dimanche 25 mars que Nicolas Sarkozy, pendant sa garde à vue, s’est déchargé sur Claude Guéant et Brice Hortefeux.
« Que Brice Hortefeux à titre personnel ait pu fréquenter [Ziad Takieddine], c’est sa décision », a répondu l’ex-chef de l’État aux enquêteurs, interrogé sur le rôle joué par le sulfureux homme d’affaires dans les relations entre le ministère de l’Intérieur (dont il était à la tête) et les autorités libyennes.
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