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Transformation de l’A6-A7 : « la Métropole de Lyon est sur la bonne voie »

Un an après le déclassement administratif de la portion A6-A7 qui passe sous Fourvière depuis un an, la Métropole de Lyon vient de présenter les premiers aménagements pour faire de ces 16 km d’autoroute un boulevard urbain.

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Transformation de l'A6-A7 : les bus emprunteront la bande d'arrêt d'urgence de l'ex-autoroute A6

Nous publions une tribune de Loic Cedelle, ingénieur consultant en mobilité urbaine.

À court terme, transporter plus de personnes avec un peu moins de voitures

L’autoroute A6-A7 qui passe sous Fourvière est déclassée depuis maintenant un an. À lire certains journaux, on croirait à une sorte de jeu de ping-pong où « l’est » et « l’ouest » se renvoient mutuellement le « trafic ». Cette interprétation est pourtant trompeuse.
Pour comprendre pourquoi, revenons sur ce que sont concrètement les projets de déclassement et de requalification de l’autoroute A6-A7.

Réseau routier Lyonnais, extrait du dossier d’enquête publique Anneau des sciences, 2013

Dans la première phase (d’ici 2020) il s’agit d’ajouter :

    • Sur l’A6 (au nord de Fourvière) une voie bus dans chaque sens, sans diminuer le nombre de voies autorisées aux voitures, mais simplement en s’appuyant sur les bandes d’arrêt d’urgence, devenues inutiles.
Des voies de bus (et taxis) sur l’A6 déclassée à hauteur de Limonest pour 2020. Source : Métropole de Lyon.
  • Sur l’A7 (au sud de Fourvière), une voie est réservée aux bus et au covoiturage et une piste cyclable est ajoutée sur l’espace gagné.
Premiers aménagements cyclables sur le quai Perrache, à l’horizon 2020. Source : Métropole de Lyon.

Ces deux éléments enclenchent un cercle vertueux : tant que le bus est coincé dans les embouteillages, il reste plus lent que la voiture ; les gens choisissent donc plutôt la voiture et cela génère encore plus d’embouteillages. Tout le monde va alors plus lentement, y compris ceux qui ont choisi le bus.

À l’inverse, avec des couloirs réservés, celui-ci est plus rapide et plus fiable : le bus devient une option viable pour un plus grand nombre de personnes et l’autoroute est soulagée d’une partie des voitures. C’est le phénomène dit de « report modal », qui bénéficie, comme on le voit, aussi aux automobilistes.

Dans l’agglomération grenobloise la mise en place progressive de voies bus sur l’A48 à permis un renforcement du service et un quadruplement du nombre de passagers transportés, dont la moitié faisaient auparavant le trajet en voiture.

De la même manière, la nouvelle piste cyclable, établie sans supprimer aucune voie, offre la possibilité d’effectuer des déplacements à vélo entre Lyon, Oullins, Pierre-Bénite, ce qui contribue également à la diminution du trafic automobile et soulage les transports en commun saturés.

Si on comprend bien que la voie de covoiturage, en faisant gagner du temps à ceux qui prennent le temps d’aller chercher un passager, est une incitation forte au covoiturage, on peut être surpris que le vélo ou le bus soient capables de se substituer à l’autoroute.

C’est le cas parce qu’une grande partie des déplacements effectués sur l’A6-A7 sont des déplacements de courte distance ; Pierre-Bénite <> Lyon, par exemple. Aux dires de la Métropole de Lyon et contrairement aux idées reçues, le trafic « de transit » (qui ne vient ni ne va dans la métropole) ne concerne ainsi que 10% des véhicules aux heures de pointe (15% en moyenne journalière).

Or Pierre-Bénite n’est qu’à 5 km de Perrache, soit 20 minutes de vélo. L’opération Chronovalve avait d’ailleurs montré que le vélo est plus rapide que la voiture pour rejoindre Lyon depuis Oullins aux heures de pointe. Rendre son usage plus lisible et pratique ne peut être qu’une stratégie gagnante, comme on l’a vu à Lyon ces dernières années avec la croissance à deux chiffres de ce mode de transport.

À court terme il n’y a donc aucune raison de craindre un report massif de véhicules aux heures de pointe puisque, comme on le voit, le déclassement consiste surtout à optimiser l’A6-A7 pour y transporter plus de personnes.

À long terme, une transition progressive vers les mobilités durables sur le corridor A6-A7

À long terme (d’ici 2030), la requalification ira plus loin avec l’objectif de guérir progressivement la coupure que constitue l’autoroute. Car si une autoroute à la campagne est un lien entre les villes, une autoroute en ville est au contraire une barrière infranchissable bloquant une multitude de déplacements.

Il s’agira donc, à Lyon, année après année, d’effacer les éléments autoroutiers les plus gênants (boucles d’échangeurs, autoponts…) et d’ajouter progressivement quelques carrefours à niveau. Ces carrefours vont ouvrir de nouveaux trajets vers la ville et dans la ville en même temps qu’ils vont diminuer la vitesse sur le boulevard. Ils permettront le développement d’activités ayant directement pignon sur l’ex-autoroute, devenue vivable et autorisant des projets de densification comme celui qui est actuellement mené à la Confluence.

En 2030, la fin de l’autopont à la Confluence. Source : Métropole de Lyon

La requalification entraînera alors une diminution significative du nombre de véhicules sur le Boulevard urbain (la métropole vise jusqu’à -50% à long terme). Cela ne signifie pas forcément un report de voitures sur d’autres routes : à Séoul, en 2005 la requalification similaire d’une autoroute urbaine très circulée s’est également accompagnée d’une diminution du trafic sur les axes parallèles.

Les reports modaux (passage de la voiture au bus) et reports de destinations (aller au poissonier du bourg plutôt qu’au supermarché au bord de l’autoroute) ont été prédominants par rapport aux reports d’itinéraires en voiture. Loin d’être un cas isolé, c’est en fait plutôt la règle quand on voit les résultats des requalifications d’autoroutes urbaines à travers le monde.

Certes, le trafic de transit sera bien reporté ailleurs, mais comme il ne représente que 10% des flux à l’heure de pointe, l’élargissement prévu de l’A46 (rocade est) à 2X3 voies semble une mesure appropriée : un bon équilibre entre le coût, la volonté de préserver les habitudes des personnes et celle de ne pas créer de nouvelle coupure dans le territoire.
On voit donc que la principale question est : quelles mesures d’accompagnement mettre en oeuvre pour que, comme à Séoul, la requalification de l’A6-A7 améliore la mobilité de tous sans déranger personne?

Construire l’Anneau des sciences est contradictoire avec l’objectif annoncé de développer les « mobilités actives » et les transports en commun

En parallèle de la requalification de l’A6-A7, la Métropole de Lyon a réaffirmé vouloir la création de l’Anneau des sciences, nouvelle voie rapide traversant l’Ouest lyonnais au travers de plusieurs tunnels. La Métropole annonce que cette voie rapide permettra « d’apaiser », de « faire respirer » la ville.

En permettant aux voitures de ne plus passer sur les axes secondaires (avenues urbaines, traversées des centre-bourgs…), l’Anneau des sciences est censé renforcer les transports en commun et les mobilités actives (marche et vélo). Ce discours est cohérent avec les objectifs publics locaux et nationaux de transition, également orientés vers les transports en commun et les mobilités actives.

L’Anneau des sciences, constitué de 7 échangeurs et 15 km de tunnels bitube, représente 30 km de tunnels soit autant que la totalité du réseau de métro lyonnais. Son coût annoncé de 3 milliards d’euros est l’équivalent de 3 nouvelles lignes de métro (Rennes construit actuellement un métro automatique de 13 km pour 1,2 milliards d’euros).

Si l’objectif est vraiment de regagner de l’espace public au profit des transports en commun, de la marche et du vélo, la construction de nouvelles lignes de métros serait clairement plus efficace. Une ligne ”E” vers Tassin via le plateau du 5ème est d’ailleurs actuellement à l’étude, mais pas encore financée.

En effet, une station de métro attire les entreprises et les commerces de proximité, qui tirent parti des flux piétons. A terme, les quartiers se structurent autour des stations et l’offre de logements accessibles en transports en commun augmente. À l’inverse, construire une autoroute incite les entreprises à s’installer dans des zones d’activité périphériques. Les hypermarchés remplacent les commerces de proximité et il devient de plus en plus difficile de se déplacer sans voiture.

Mais surtout, si l’Anneau des sciences peut en effet soulager certains axes d’un trafic de transit, les voies d’accès au futur périphérique ouest vont, elles, accueillir un trafic nouveau. Dans une métropole, la méthode consistant à construire des autoroutes ou des voies rapides pour diminuer le trafic ailleurs ne fonctionne pas sur le long terme. Il ne sera pas plus facile de faire de la place aux autres modes de déplacement avec l’Anneau des sciences que sans.

L’usage de la voiture a augmenté pendant tout le 20ème siècle avec la multiplication des voies routières et l’étalement urbain. Dans les grandes métropoles ce mouvement s’est inversé depuis, avec l’amélioration forte des transports en commun (tramway, bus, TER…) mises en œuvre dans les vingt dernières années.

Anneaux des sciences ou métropole multipolaire : un choix de territoire

Au fond, le choix de l’Anneau des sciences est logique si l’on présuppose que l’état actuel des déplacements métropolitains n’évoluera pas, ou seulement dans l’hypercentre ; l’Ouest lyonnais devant « obligatoirement » être desservi par une voie rapide. Alors que c’est justement la construction (ou non) de l’Anneau des sciences qui déterminera en grande partie la manière dont on se déplacera dans l’Ouest lyonnais en 2030 et au-delà. Un investissement de cet ampleur est un réel choix de territoire pour le long terme.

Pour le même investissement il serait possible d’envisager un vrai scénario de transition sur 15 ans pour l’Ouest lyonnais. Ce scénario passerait par la construction de nouveaux métros, le développement des mobilités actives et la concrétisation de la métropole multipolaire.

Deux modèles de développement différents pour la métropole de Lyon

Ce scénario pourrait commencer par tirer parti du déclassement de l’A6-A7 pour mettre en place un RER routier sur les voies de bus ainsi créées. Ce concept, développé par Lyon Métro TP combinerait une desserte fine des différentes communes, une interconnexion avec les métros A, B et D et une fréquence élevée sur le tronçon central où toutes les lignes convergent.

Ce RER routier rendrait l’usage des transports en commun intéressant non seulement pour des trajets vers Lyon mais aussi pour les trajets de banlieue à banlieue qui sont actuellement faits en voiture. Ce système serait similaire aux “Bus Rapid Transit” d’Amérique et d’Asie.

L’axe A6-A7 déclassé pourrait accueillir rapidement un “RER routier”, un faisceau de lignes de bus express. Cartographie : Cartuga

La Métropole est donc sur une voie prometteuse en déclassant l’A6-A7 pour y ajouter des voies bus. Il s’agit, pour un coût faible et aucun réel inconvénient, d’un vrai virage vers les mobilités durables comme prévu depuis longtemps dans les objectifs métropolitains. Le choix de l’Anneau des science revient par contre à décider que ce virage ne concerne que le centre de Lyon et pas l’Ouest Lyonnais. Est-ce vraiment notre objectif à 20 ans?

A la même échelle, les réseaux de transports en commun à Munich (métro, tram et RER) et à Lyon (tram + métro uniquement – les trains régionaux n’étant pas intégrés au réseau de transports en commun lyonnais et faisant l’objet d’une tarification distincte).
L’agglomération de Munich est comparable à celle de Lyon en terme de population d’après l’INSEE. On voit donc que si le réseau de Lyon-Villeurbanne est performant, il y a une grande marge de progression pour la desserte de la périphérie, à l’est comme à l’ouest.

 


#Métropole de Lyon

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