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Dominique Bourg : « L’écologisation de la société est indispensable pour sauver notre vie démocratique »

Professeur, chercheur, et président du conseil scientifique de la fondation Nicolas Hulot, Dominique Bourg défend son « écologie radicale » sur tous les fronts. Dans le cadre du festival La Chose Publique, le philosophe était présent à Lyon pour parler d’alternatives et d’Europe, un mois après la parution de son livre « Écologie intégrale, pour une société permacirculaire ».

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Dominique Bourg, philosophe, invité de La chose publique. Photo DR

Il était interviewé par le géographe et président démissionnaire du Conseil supérieur des programmes de l’Education nationale, Michel Lussault.

Dominique Bourg et Michel Lussault à la Villa Gillet le samedi 25 novembre.

« Écologiser la société, socialiser l’écologie ». On peut résumer ainsi la thèse de Dominique Bourg, qui est persuadé que :

« Les problèmes écologiques et sociaux sont comme le recto et le verso d’une seule page, ils sont indissociables ».

Avec cette idée en tête, le philosophe décline un projet profondément politique pour recentrer nos sociétés sur l’écologie.

Transiter vers une « constellation » de manières de produire, laisser libre cours à l’expérimentation écologique et permettre l’avènement d’une citoyenneté écologique, tel est le programme de Dominique Bourg pour sauver la planète, et nous avec.

« Envisager une pluralité de voies d’expérimentations »

Ce qui fait l’originalité de Dominique Bourg ce n’est ni la finalité de son projet ni le constat écologique qu’il présente, mais plutôt les moyens qu’il souhaite mettre en place.

Dominique Bourg veut laisser les individus expérimenter leurs propres moyens de participer à « l’écologisation ».

« Envisageons une pluralité de voies d’expérimentation, des micro expériences citoyennes de permaculture jusqu’à la production industrielle la plus high tech en passant par les chemins de l’économie sociale et solidaire. »

Laisser les individus libres d’expérimenter l’écologie, mais aussi les inciter à le faire. Opposé à un revenu universel inconditionnel, qui selon lui risque de plonger les individus dans des trappes à inactivité, il milite pour la mise en place d’un revenu de base conditionnel à l’empreinte écologique.

L’avènement d’une « citoyenneté écologique »

Ce projet permettrait de créer une véritable « citoyenneté écologique ». Une citoyenneté nouvelle qui devra immanquablement passer par :

« une conviction répandue chez la majorité que l’écologisation de la société est indispensable. »

Concrètement, selon l’auteur vivre libre en tant que citoyen c’est :

« vivre comme je l’entends tout en m’inscrivant volontairement à l’intérieur des limites imposées par la capacité de charge de la biosphère »

Pour lui, remettre l’écologie au centre de nos préoccupations c’est tenter de sauver la planète, mais aussi retrouver nos droits civiques.

En effet, le citoyen de Dominique Bourg ne l’est que s’il reconnaît que « l’écologisation des sociétés » est une condition sine qua non de la vie démocratique. Car en démocratie, la liberté de chacun dépend de la capacité de celle des autres à exercer cette même liberté. Or, par nature, étant donné que les ressources terrestres sont finies, avoir une empreinte écologique dépassant une planète, c’est rogner la liberté de quelqu’un d’autre.

Pour lui, c’est retrouver l’usage de ses droits civiques que de se préoccuper à nouveau de la nature. A l’inverse, continuer de la dégrader contribue, ou contribuera, à dégrader nos droits civiques, et à poser des problèmes sociaux.

« Les inégalités associent les problèmes sociaux et écologiques. La montée des inégalités est le moteur des effondrements éco-sociaux passés et à venir. »

Une seule solution, « l’autolimitation »

A ce pilier de départ s’ajoute la nécessité de penser la Terre comme un système global. Des processus naturels interdépendants qui s’influencent entre eux, et qui réagissent à l’activité humaine. Il faut se souvenir que l’homme n’est pas maître du système terrestre, mais qu’il agit depuis l’intérieur de ce système.

« Lorsqu’on agit, le système réagit » résume-t-il.

L’humain doit donc entrer dans une culture de « l’autolimitation ». « Une sobriété volontaire » selon les mots du chercheur qui assure que ce n’est pas un retour au passé, mais plutôt « la création d’une nouvelle modernité ».

Un concept est une reprise de la « simplicité volontaire » popularisé par les tenants de la décroissance. Concrètement, en plus de réduire sa consommation et de se recentrer sur des valeurs plus fondamentales, le citoyen doit garder en tête que le couperet du changement climatique va de fait nous obliger à opérer ce recentrage.

Tout un programme qu’il ne faut pas tarder à mettre en place, même si à terme Dominique Bourg pense qu’il s’imposera de lui-même comme une nécessité. Les effets du changement climatique devenant de plus en plus sensibles et perceptibles par tous, « l’écologisation » devient de plus en plus indispensable.

Compter sur la transition numérique et la décroissance

Il le reconnaît lui-même, effectuer ce recadrage n’est pas une mince affaire. Surtout dans nos sociétés basées sur des modèles contraires à la sobriété. Des sociétés de consommation de masse qui prônent la dépense démesurée.

Toute la difficulté est de sortir du paradigme imposé par la société de consommation, un paradigme profondément ancré dans nos sociétés qui va se défendre pour ne pas disparaître. Pour y parvenir, Dominique Bourg compte notamment sur la transition numérique. Galopante, le fourmillement d’expérimentations qu’elle produit (blockchain, virtualisation des outils de communication…) devrait inspirer le domaine socio-écologique.

« Il faut transformer la transition numérique, tant qu’elle dure, en accélérateur de la transition écologique. Pour ce faire, il faudra inventer des mécanismes d’incitation et de redistribution. »

Autre revirement à entamer, la décroissance. Ce mouvement passe par la compréhension que nos indicateurs socio-économiques sont obsolètes.

« La croissance ne s’affaiblit pas seulement, elle ne produit plus les fruits qu’elle a engendré. De plus, quand il y a de la croissance, cela ne débouche plus sur une création d’emploi. »

Si Dominique Bourg est conscient que la route est longue, il choisit tout de même dans son livre de se fixer comme objectif de revenir à une empreinte écologique neutre d’ici à 2030. Car aujourd’hui, il faut 1,7 planètes pour sustenter l’humanité.

>> Un entretien à réécouter en podcast

>> L’article est à retrouver sur Villa Voice.

>> Le programme de La Chose Publique est ici.


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