Ancien élève de l’ENS de la rue d’Ulm, ancien membre de l’École française de Rome, docteur en histoire et sémiologie du texte et de l’image (Paris-VII – Denis Diderot, 2010), Pierre Vesperini est l’auteur de plusieurs articles d’anthropologie historique de la philosophie antique.
Il est l’un des invité-e-s de « La Chose Publique », un festival des idées organisé par La Villa Gilet et Res Publica, qui se décline en une série de rencontres et de débats du 16 au 25 novembre 2017.
Rue89Lyon en est partenaire et nous publions les contributions des auteurs que vous pourrez rencontrer en novembre.
« L’Europe », comme « la France » ou « l’Occident », fait partie de ce qu’on pourrait appeler, avec le philosophe pragmatiste John Dewey, des « noms à deux coups », comme on parle de « fusils à deux coups ».
Avec le Brexit, quelle Europe a quitté l’Angleterre ?
Premier coup : ils désignent des réalités géographiques, géopolitiques ou institutionnelles (l’Union Européenne), donc des réalités objectives. Ils semblent donc aller à peu près de soi. Les limites de ces réalités géographiques, géopolitiques ou institutionnelles, pourront être discutées, mais pas leur existence.
Mais il y a aussi un deuxième coup : c’est que « l’Europe » désigne également une construction imaginaire, idéale (ou idéelle, si l’on veut), susceptible de recevoir des contenus extrêmement variés, voire antagonistes. Il faut être d’autant plus attentif à ce « deuxième coup » qu’il se fait rarement entendre distinctement, parce qu’il se confond avec le premier.
C’est ainsi que le choc provoqué par le Brexit chez beaucoup d’entre nous, y compris chez ceux qui ne nourrissent pas une tendresse particulière pour l’Union européenne en tant que réalité institutionnelle, vient de ce que, en quittant l’Union Européenne, l’Angleterre semblait, du même coup, quitter cette communauté imaginaire, idéale (ou idéelle), que nous appelons « l’Europe ».
L’Europe n’est pas l’héritière de l’Empire romain
Pour parler du rapport entre l’Antiquité romaine et « l’Europe », il est indispensable de commencer par établir cette distinction entre « l’Europe » comme réalité objective et « l’Europe » comme réalité subjective, c’est-à-dire construite (et disputée) par des imaginaires. Car « l’Europe », en tant que réalité objective, n’est pas l’héritière de l’Empire romain.
Elle se bâtit sur un espace qui correspond à celui de la Chrétienté latine médiévale, opposé à la fois à l’Islam et à l’Empire byzantin. En revanche, et assez paradoxalement, Rome, comme la Grèce, a été beaucoup plus mobilisée que le Moyen Âge par les constructeurs de l’imaginaire européen. C’est que l’Antiquité, pour la plupart de nos contemporains, apparaît souvent comme le lieu de nos « vraies » origines, celles d’une modernité qui était déjà là (avec la démocratie, la philosophie, le théâtre, le droit, la tolérance, une sexualité épanouie, etc.) avant d’être comme « offusquée » par les ténèbres médiévales.
S’interroger sur « Rome aux origines de l’Europe » sera donc l’occasion, non pas de prétendre illustrer une filiation fantasmatique entre « Rome et nous », mais plutôt de voir en quoi un regard réellement historien, donc « décentrant », sur la Rome antique, peut nous apporter des ressources pour penser l’Europe autrement.
Aux sources de l’Europe : Athènes, Byzance et Rome, table ronde avec Jean-François Colosimo, François Hartog et Pierre Vesperini, mercredi 22 novembre de 18h à 19h30 au Musée des Confluences (86, quai Perrache Lyon 2e)
>Titre et intertitres sont de Rue89Lyon
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