Albert Ogien, directeur de recherches au CNRS et ancien directeur de l’Institut Marcel Mauss (EHESS). Ses travaux portent entre autres sur les mouvements de protestation politique extra-institutionnelle (occupations de places, contestations des pouvoirs, mobilisations transnationales, insurrections civiles, désobéissance civile …).
Il est l’un des invité-e-s de « La Chose Publique », un festival des idées organisé par La Villa Gilet et Res Publica, qui se décline en une série de rencontres et de débats du 16 au 25 novembre 2017.
Rue89Lyon en est partenaire et nous publions les contributions des auteurs que vous pourrez rencontrer en novembre.
L’idée de démocratie « réelle » est réapparue avec la vague de rassemblements qui a saisi le monde en 2011. Il faut cependant observer qu’elle a un peu changé de nature. Elle ne renvoie plus à la destruction du système représentatif pour rendre tout le pouvoir au « peuple », mais revendique plutôt le fait de permettre à la voix des citoyen.ne.s de se faire pleinement entendre dans la détermination du présent et du futur de la collectivité dont ils.elles font partie et d’exercer un contrôle sur l’action des « élites » qui les dirigent.
Cette revendication n’est pas totalement incongrue, puisque les discours politiques contemporains valorisent la participation des gouvernés à l’action des gouvernants. Mais cela ne va pas jusqu’à confier à la responsabilité des citoyen.nes les prérogatives réservées aux techniciens et administrateurs de l’État. Cette mise à l’écart se justifie en affirmant que les enjeux de la « grande » politique (paix, puissance, souveraineté) dépassent la compréhension des gens ordinaires, que les questions de gouvernement (santé, éducation, économie, écologie, etc.) sont trop techniques pour être réglées par des novices ou ne relèvent pas d’un vote à la majorité (comme tout ce qui touche à la « cohésion nationale »). C’est la validité de cette justification que les initiatives autonomes de groupes de la « société civile organisée » (collectifs, associations, ONG, partis-mouvementistes) contestent.
Nous sommes entrés dans un temps où cette volonté de radicaliser les pratiques de la démocratie affronte publiquement l’opposition de ceux et celles que cette perspective effraie ou horrifie. Il faut donc analyser de près les termes de cet affrontement, et en particulier ceux, plus spécifiques, qui émergent dans la constitution de l’espace public démocratique européen.
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