Rue89Lyon : Quand êtes-vous tombé dans le vin naturel ?
Olif : Petit à petit, progressivement, après avoir longtemps bu des vins conventionnels, antonyme parfait de naturel, à une époque où il n’y avait guère que ça à se mettre dans le gosier, et où on n’abordait pas le vin de la même manière.
Il y avait les vins d’étiquette, les Bordeaux, ceux de terroir, les Bourgogne, un peu le Rhône, un peu la Champagne, et puis les autres. Une fois qu’on en a fait à peu près le tour, on rêve d’autre chose. De vins moins alambiqués, moins convenus…
Est-ce que le vin conventionnel et le vin naturel sont deux mondes qui s’ignorent ?
Pas exactement. En fait, ce sont plutôt deux univers imparfaitement parallèles, qui se croisent fréquemment et finissent par s’affronter, alors que l’on pourrait parfois trouver quelques motifs de conciliation ou d’échange.
Le débat peut justement être tendu et parfois virulent, comme dernièrement autour de la vidéo d’Antonin Iommi-Amunategui (programmateur et co-organisateur avec Rue89Lyon de « Sous les pavés, la vigne à Lyon », ndlr).
La promotion et la défense du vin naturel doivent-elles peut-être passer par un propos radical dans un premier temps ?
La vidéo d’Antonin s’inscrit apparemment dans une thématique globale de L’Obs, plutôt tranchée, pour informer sur le danger des pesticides, que l’on utilise massivement dans tous les domaines de l’agriculture. On a forcément envie d’y adhérer, même si le discours est manifestement clivant. À mon sens, l’objectif de cette campagne est atteint, si l’on considère qu’elle est conçue pour faire réagir, en bien comme en mal.
Elle participe donc de manière assez exemplaire à l’éveil des consciences, même si on peut lui reprocher son côté manichéen.
Si l’on doit d’abord opposer deux conceptions du vin, ce serait d’abord vin industriel très grand consommateur de pesticides à la vigne et d’additifs en cave versus vin artisanal, de vigneron. Et, parmi ces vignerons, certains travaillent bien, d’autres moins bien, qu’ils soient en bio, en biodynamie, en nature … ou pas. Dans le monde du vin industriel, c’est une autre histoire.
Est-ce que le vin naturel est la mode urbaine de quelques « bobos », pour reprendre ce terme pas joli ?
Alors là, je m’inscris en faux. Si j’étais bobo, je le saurais. En plus, je vis quasiment à la campagne. Le vin naturel est un retour aux origines du vin, celui que l’on élaborait avant l’avènement de la chimie, qui a longtemps été considérée comme un progrès, car elle permettait de produire plus en se fatiguant moins. Elle a rendu la vie des travailleurs de la terre moins difficile. Avant de devoir subir ses ravages, on comprend aisément qu’elle ait pu séduire.
« La meilleure façon de déguster le vin naturel, c’est un verre après l’autre. Et surtout sans a priori »
Les défenseurs des vins naturels en parlent parfois comme des « vins libres », des « vins punks », des « vins vivants » ou encore des « vins libérés ». Est-ce qu’ils ne forment pas une gentille secte de donneurs de leçons ?
Pour ma part, j’aime le vin naturel, mais il m’arrive encore de boire du vin plus conventionnel, de qualité. Je ne suis pas sectaire, de confession volontiers athée, extrêmement tolérant et plutôt de bonne composition. Tous ces qualificatifs à connotation religieuse utilisés pour définir ou railler des amateurs de vin me gonflent prodigieusement. Il est marrant de constater que l’on peut d’ailleurs les appliquer aussi bien d’un côté que de l’autre.
Entre ces deux extrêmes, il y a, je pense, une foule de gens non formatés, curieux et ouverts d’esprit, qui n’ont pas besoin qu’on leur donne de leçon, mais juste qu’on éveille leurs sens.
La vin naturel représente-t-il, dans sa fabrication mais aussi dans sa mise en récit (étiquette, communication…) la fin du vin « à la papa » selon vous ?
La « mise en récit » du vin naturel avec des étiquettes rigolotes, des noms humoristiques, c’est une façon pour certains vignerons de ne pas se prendre trop au sérieux et de ne pas non plus mettre leur vin sur un piédestal, comme ceux de régions prestigieuses figées dans leur passé, ceux que l’on pourrait qualifier de vin à la papa. Mais, ça, ce n’est, au final, que du marketing et de la communication.
Le vin s’élaborera toujours à peu près de la même façon et c’est quand même cela qui compte. Un vigneron peut rester discret, sur lui et ses vins, sobre dans le « packaging » et avoir beaucoup de choses à nous raconter dans sa bouteille. D’autres peuvent simplement ne pas être doués pour trouver de noms ou d’habillages originaux à leurs cuvées, sans produire du vin à la papa pour autant.
Est-ce qu’il y a une manière particulière de déguster le vin naturel ?
La meilleure façon, c’est un verre après l’autre. Et surtout sans a priori.
« Un amateur de vin naturel peut faire des centaines de kilomètres pour se rendre à un salon quand il a acquis un caractère mythique »
Est-ce que les salons sont utiles pour démocratiser le vin naturel ?
Les salons sont devenus un élément fondamental pour propager et démocratiser le vin naturel. Un amateur de vin naturel peut faire des centaines de kilomètres pour se rendre à l’un d’entre eux, quand il a acquis un caractère mythique ou presque.
Je pense bien sûr à Sous les Pavés la vigne (-1 point pour le fayotage ;-), ndlr), entre autres, mais aussi à Vini Circus en Bretagne, au Salon des vins libres en Alsace, à Chai l’un Chai l’autre en Bourgogne, à Vin natures en Nord, au Nez dans le Vert dans le Jura, qui sont tous des salons ouverts au public. Le plus prestigieux d’entre eux, la Dive bouteille, est, lui, réservé aux professionnels.
Pour découvrir et apprécier, il faut goûter. Et ne pas se contenter de suivre les avis soi disant autorisés de gourous en mal d’influence. À ce propos, vous savez que je viens de publier un « Petit (mal)traité de dégustation » aux Éditions de l’Épure ?
Sinon, votre meilleur coup de l’année c’était qui ?
Un vin du Jura, sans doute, le grand absent de Sous les pavés la vigne. Un Poulsard 2014 d’un micro domaine qui n’a pas beaucoup de vin à vendre et qui préfère, pour l’instant, garder l’anonymat. On me murmure pourtant que l’on pourrait, peut-être, en trouver à Lyon, chez un caviste avisé en haut des pentes. Mais, chut.
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