« C’est une conférence de presse de rentrée », annonce d’entrée de jeu, la présidente de l’université, Nathalie Dompnier assise dans une salle de formation de la bibliothèque universitaire Chevreul. Mais après un passage en revue des principaux chantiers et projets en cours, Nathalie Dompnier revient longuement sur sa décision d’annuler le colloque « Lutter contre l’islamophobie, un enjeu d’égalité? ».
« Ça n’a pas été un choix facile, pris par l’équipe présidentielle. Car nous avons bien conscience que nous avons posé un interdit à une manifestation ».
C’est finalement un « problème de format » qui est mis en avant pour justifier cette annulation.
Elle fait part de désaccords entre les organisateurs et la présidence sur la manière de porter le projet.
Et, en la matière, la présidence a repris la main, jusque là, laissé à la chaire “Egalité, inégalités, Discriminations” qui organisait le colloque en partenariat avec l’Institut supérieur d’étude des religions et de la laïcité (ISERL).
Nathalie Dompnier affirme donc qu’elle n’a pas agi sous « la pression » du « buzz médiatique ». Mais parce qu’elle a découvert tardivement (le 23 septembre), le programme définitif du colloque.
Un colloque sur l’islamophobie : « un problème de format scientifique »
Contrairement aux adversaires de ce colloque, la présidente de Lyon 2 ne pointe pas la présence de tel ou tel intervenant associatif issu des rangs du du CCIF (Collectif contre l’Islamophobie) ou encore de CRI (Coordination contre le racisme et l’islamophobie).
Ce qui lui pose problème, c’est le « cadrage scientifique ».
« Un colloque universitaire suppose un certain cadre. On s’est d’abord posé la question d’amender le programme dans le sens d’un colloque de recherche. Mais c’était trop tard. On a préféré annulé. »
Nathalie Dompnier définit ce que serait, selon elle, un colloque de recherche :
« Il faut que l’introduction, la conclusion et la modération des tables rondes soient assurées par des universitaires (…). S’agissant des intervenants, ils doivent être sélectionnés après un appel à communication, comme dans tout colloque ».
Elle n’interdit pas pour autant la présence d’associatifs dans un colloque universitaire.
« Sur cette question particulièrement, on a besoin de travailler avec d’autres acteurs et sur différents types de savoirs, notamment ceux issus de l’expérience. Ce qui pose problème, ici, est que le colloque était porté en partie par des associations, sous la responsabilité de l’université. Ce n’est pas possible ».
Dans un article du Monde publié après la conférence de presse, l’un des organisateurs universitaires conteste ces arguments :
« Nous n’avons absolument pas à rougir scientifiquement de la composition de ce colloque, estime le professeur Patrick Rozenblatt, responsable de la chaire “Egalité, inégalités, Discriminations” de Lyon 2, co-organisateur du colloque. Il souligne que treize universitaires devaient s’exprimer le 14 octobre, dix associatifs et plusieurs institutionnels. Nous travaillons avec des associations dans une démarche de co-construction du savoir, c’est le principe de notre chaire. Quant à l’équilibre des tables rondes, il est impossible de refléter toutes les positions sur un sujet, sauf à faire une semaine de colloque ! »
La promesse de « relancer un travail sur la place de l’islam dans la société »
Le co-organisateur du colloque, Patrick Rozenblatt met en avant une manifestation semblable a eu lieu un an et demi plutôt à Lyon 2, sans que cela pose problème.
Nathalie Dompnier considère, elle, qu’il s’agissait d’un autre « format, à destination des associations ».
En revanche, la présidente de Lyon 2 réaffirme la volonté de l’université de « relancer un travail » sur cette question de l’islamophobie et la place l’islam dans la société.
« Nous allons associer l’ensemble des chercheurs de Lyon 2 et d’ailleurs, et nous discuterons de la place et du rôle des associations ».
Et de préciser :
« Il faudra reposer la question de l’utilisation du terme d’« islamophobie ». Dans une démarche scientifique, il faut toujours se poser la question des catégories que l’on emploie ».
« Une bataille médiatique gagnée par les fachos »
Devant la bibliothèque puis devant la salle de la conférence de presse, une vingtaine d’étudiants ont tenté de se faire en entendre pour demander le maintien du colloque.
Invitée à entrer dans la salle de la conférence de presse, une étudiante en Master 1 « inégalité et discrimination » a pu s’exprimer. A la sortie, elle s’est interrogée sur les engagements de la présidente :
« On prend acte des engagements de la présidente de continuer à travailler sur le sujet et de le faire avec les associations qui luttent contre l’islamophobie. C’est indispensable à la co-construction de ce savoir. »
Après une pétition lancée par le Collectif des Raciné-e-s, des étudiants de Lyon 2 se mobilisent toujours pour la tenue de ce colloque. L’annulation est, pour eux, une « bataille médiatique gagnée par les fachos » :
« Médiatiquement, le message est désastreux, déclare une autre étudiante du Collectif des Raciné-e-s. Cette annulation laisse le champ libre aux autres, ceux qui ont fait pression pour l’annulation. On vient de découvrir que Céline Pina (qui a dénoncé l’organisation du colloque dans une tribune sur le site du Figaro, ndlr) tiendra prochainement même une conférence à Lyon qui sera un contre-colloque. »
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