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L’Université Lyon 2 annule son colloque sur l’islamophobie

Une journée sur le thème « Lutter contre l’islamophobie, un enjeu d’égalité » devait se tenir le 14 octobre prochain. Mais face à la polémique, la présidence de l’Université Lyon 2 a préféré annuler le colloque.

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Université Lyon 2

Ce n’est pas le premier colloque sur l’islamophobie qui devait se tenir à l’université Lyon 2.
Une première journée d’étude avait été organisée en partenariat avec l’Institut supérieur d’Etude des religions et de la laïcité (ISERL) le 5 mars 2016. Le thème était « Islamophobie, le poids des mots, la réalité des maux ». À l’époque, nulle polémique.

Un an et demi plus tard, la chaire « Égalité, Inégalité, Discriminations » de l’Institut d’Etude du Travail (IETL) devait organiser la suite de ce premier colloque le 14 octobre prochain, sous le thème « Lutter contre l’islamophobie, un enjeu d’égalité? ».

Voici comment était présenté cette journée d’étude :

« Cette journée de colloque se veut une réponse au contexte ouvert en France par l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo en janvier 2015 et marqué ensuite par une série d’attentats perpétrés au nom d’organisations terroristes se réclamant de l’islam.

Le climat social tendu s’est traduit dans un premier temps par une montée spectaculaire des déclarations et actes islamophobes recensés par les associations de défense de victimes. Si le nombre de ces actes a décru de façon significative en 2016, ils demeurent à un niveau inadmissible. A une stigmatisation liée à l’origine (arabe, nord-africaine, maghrébine…) s’est ajoutée ces dernières années une discrimination à l’encontre des musulman.es ou supposé.es musulman.es. Ainsi, plusieurs associations se sont mobilisées pour réfléchir et combattre ensemble ce qui est devenu un fléau social parce qu’il clive la société en enfermant les citoyen.nes dans des catégories ethnicoreligieuses et qu’il nuit à la paix sociale.

La société française est amenée à s’interroger : au-delà d’un développement de l’islamophobie, la persistance d’inégalités, l’ampleur des discriminations, la remise en débat de mesures portant atteinte aux droits des femmes, les incitations à la haine, l’essor de manifestations homophobes ou d’actes racistes et antisémites interpellent les citoyen.nes quant aux conditions d’exercice du vivre et de l’agir ensemble dans le respect de l’altérité. »

Un colloque jugé « laïcophobe »

Le 22 septembre, ce sont des personnes issues du « Printemps Républicain » qui ont diffusé l’information sur la tenue de ce colloque. Dans un tweet, le cofondateur de ce mouvement qui défend une laïcité de combat, le professeur de sciences politiques de l’Université Versailles, Laurent Bouvet, plutôt classé à gauche, a notamment dénoncé « un colloque plein d’intervenants islamistes sous couvert académique »

Laurent Bouvet pointait notamment la « présence » du président de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco dont une communication devait être lue.

L’information a ensuite été relayée par le site d’extrême droite « fdesouche » sous le titre « La fine fleur de l’islamisme invitée à l’université de Lyon pour débattre de l’ « islamophobie », en mettant en ligne la plaquette de présentation des tables rondes et des intervenants. Parmi eux, des membres du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et de Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI).

Toujours sur Twitter, Jean-Louis Bianco a répondu à plusieurs reprises à ces attaques, notamment la dernière en date issue d’une tribune de l’essayiste Céline Pina sur le Figaro Vox :


Dans son texte mis en ligne le 28 septembre, Céline Pina dénonçait la « caution universitaire » apportée aux thèses défendues par « les professionnels de l’entrisme islamiste et de la déstabilisation ».

« Plus grave », selon elle, la participation à une table-ronde sur « l’islamophobie d’Etat » d’Abdelaziz Chaambi, président de Coordination contre le Racisme et l’islamophobie (CRI), « accessoirement fiché S ».

Le lendemain, sur leur page Facebook, les identitaires lyonnais publiaient également un communiqué reprenant cet argumentaire.

Le 2 octobre, la LICRA s’est emparée du sujet en publiant un court texte qui a fait vaciller l’université Lyon 2.

Titré « un colloque « laïcophobe » à l’Université Lumière Lyon 2 », ce communiqué dénonce « l’instrumentalisation politique de l’université ».

La LICRA fait le parallèle avec la situation de l’Université Lyon 3 où l’extrême droite était fortement implantée.

« Le détournement politique de l’université est un poison dangereux. La LICRA et le comité Laïcité République ont dénoncé durant plusieurs années l’instrumentalisation de l’université Jean Moulin Lyon 3 par l’extrême droite. La page est désormais tournée.
Aujourd’hui, l’islam politique utilise les mêmes méthodes à l’Université Lyon 2, pour faire labelliser des thèses indéfendables comme celle de « l’islamophobie d’Etat » en présence d’un fiché S.
Comme pour l’extrême-droite, il nous faut être intransigeants avec ces initiatives et dénoncer « les idiots utiles » qui ont une fois de plus ouvert les portes de l’Université aux ennemis de la liberté ».

Lyon 2 annule le colloque sans retirer une ligne

Au lendemain de la communication de la LICRA, ce mardi 3 octobre, la journée d’étude a été annulée.
Contactée par Rue89Lyon, la porte-parole de la présidence a déclaré ce mardi matin que le colloque ne pouvait se tenir pour des questions de « sécurité » et de « sérénité des échanges » :

« Nous avons estimé que les conditions ne sont pas réunies pour assurer la sérénité des échanges et le bon déroulement des débats autour de la question de l’islamophobie ».

Mais la direction de Lyon 2 ne désavoue pas son département qui organisait ce colloque :

« La présidence apporte tout son soutien à la chaire « Égalité, Inégalité, Discriminations » et à l’Institut supérieur d’Étude des religions et de la laïcité (ISERL)  »

La présidence renouvelle également son soutien à l’ensemble des universitaires qui avaient accepté de participer à ce colloque. Elle « remercie » également les nombreuses associations qui devaient participer à cette journée de travail.

En clair, Lyon 2 n’a pas fermé la porte aux questions liées à la place de l’islam dans la société mais les envisage sous « d’autres formes d’expression et de mise en débat ».

« La présidence compte poursuivre et approfondir ses échanges avec les acteurs et actrices de la société civile sur toutes les questions, y compris les plus sensibles, qui la traversent ».

En dehors de cette communication officielle, la présidence se refuse à entrer dans la polémique. Elle devrait s’exprimer plus longuement sur le sujet dans une semaine, le mercredi 11 octobre, lors d’une conférence de presse de rentrée.


#discriminations

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