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François Aubriot : « Le logiciel libre redonne de la valeur à l’individu »

Directeur de la société DotRiver, qui propose des environnements de travail hébergés dans le cloud et utilisant des logiciels libres, il est un ardent défenseur de leur cause. Avec l’association Ploss-RA qui regroupe une trentaine de sociétés de la région travaillant et produisant des logiciels libres, il prêche leur bonne parole. Et ce n’est pas toujours évident.

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François Aubriot (micro en main), directeur de DotRiver et président de Ploss-RA, aux Rencontres professionnelles du logiciel libre à Saint-Étienne. Photo BE/Rue89Lyon

Cette interview inaugure une série d’entretiens avec des acteurs régionaux du monde des logiciels libres que vous retrouverez sur Rue89Lyon.

Rue89Lyon : Le logiciel libre devrait-il remplacer les outils « propriétaires » ?

François Aubriot : Le logiciel libre, il n’y en a pas assez dans les écoles et les administrations. Moi, mon rêve c’est qu’à l’école mes enfants travaillent un jour sur Windows, le lendemain sur Mac OS et le surlendemain sur Linux. Il ne faut pas en faire de bêtes consommateurs de tablettes ou d’ordinateurs.

Qu’apporte de plus le logiciel libre par rapport aux autres services et logiciels ?

Les solutions propriétaires bien souvent n’apportent pas de valeur ajoutée aux métiers de l’informatique. Ce qui fait la valeur ajoutée ce sont plutôt les personnes qu’on recrute, qui travaillent avec nous et qui utilisent les machines. Je dis souvent à mes interlocuteurs : « Arrêtez d’être les directeurs informatiques de PC ». Les directions informatiques bien souvent n’existent que par rapport à leurs budgets. Gérer 3 millions de budget d’un service informatique ça ne veut rien dire en soi surtout si vous devez le dépenser à la fin de l’année et qu’il part bien souvent dans des machines ou licences.

Comment peut-on valoriser le faire de produire ou de travailler à partir de solutions libres ?

Le logiciel libre c’est redonner de la valeur ajoutée à l’individu. Un développeur brillant chez un éditeur propriétaire ne sera pas reconnu ou simplement auprès de peu de personnes et dans un cadre précis. Un développeur du libre brillant sera reconnu par toute la communauté et sera davantage valorisé pour ses compétences et pour le travail fourni qui pourra être réutilisé.

Quels sont les freins à son utilisation plus massive ?

J’essaye de faire comprendre qu’il vaut mieux mettre de l’argent dans la formation du personnel que dans les machines et licences. En venant chez nous les clients cherchent de la compétence. Et en travaillant avec des logiciels libres on mutualise en plus la R&D pour nos clients ce qui leur fait gagner de l’argent. Mais dans beaucoup de sociétés ou d’administrations, on est encore dans une logique d’investissement plutôt que de fonctionnement. On préfère mettre de l’argent et dépenser son budget dans le renouvellement ou l’achat de matériel et de licences qu’on peut « amortir ». Former, accompagner les utilisateurs fait encore peur.

« Il faut qu’il y ait une volonté politique sinon ça n’avance pas. On essaye de convaincre Gérard Collomb par exemple depuis longtemps mais clairement il s’en fiche »

La région est-elle en avance sur leur utilisation ?

Non, la région Auvergne Rhône-Alpes n’est pas la plus développée en matière d’utilisation des logiciels libres, historiquement plutot tournée vers l’édition de logiciels propriétaires. Y compris dans les administrations ou les collectivités. Ce n’est pas comme à Nantes, Rennesou Toulouse où les municipalités sont passées sur LibreOffice pour leur suite bureautique et ont arrêté de payer des licences à Microsoft.

Vous avez créé l’association de sociétés libristes Ploss-RA, dans quel but ?

Avec Ploss-RA, association d’Entreprises du Numérique Libre (ENL)on essaye de faire comprendre que les sociétés libristes sont des ESN classiques. On fait un petit travail de lobbying pour faire connaître notre démarche et nos valeurs. On a voulu monter cette association car on ne se reconnaissait pas forcément dans les clusters numériques existants. On fait de l’éducation, de l’information dans les écoles, les salons.

On se bat, moi particulièrement, sur les appels d’offres publics passés en matière d’informatique. Bien souvent, les donneurs d’ordre mentionnent des logiciels ou systèmes d’exploitation propriétaires spécifiques sans indiquer les offres alternatives. C’est illégal. On a fait annuler certains marchés comme ça. On s’appuie notamment sur une circulaire rédigée par l’ancien préfet de Rhône-Alpes Jean-François Carenco qui demandait aux services de l’État de la région et administrations de faire attention à ce point et de privilégier les solutions libres bien souvent moins onéreuses et plus pertinentes.

Jugez-vous que les choses avances positivement dans l’utilisation du logiciel libre dans la région ?

Globalement, ça n’avance pas assez vite. Il faut qu’il y ait une véritable volonté politique sinon ça n’avancera pas dans les administrations. On essaye de convaincre Gérard Collomb par exemple depuis longtemps mais clairement il s’en fiche. Du coup ça n’avance pas vraiment. Ce qui est vraiment dommage alors que ce sont les administrations qui en auraient le plus besoin et ce sont elles qui ont le plus de mal à évoluer dans ce « bon sens ». Nous soutenons d’ailleurs une initiative européenne pertinente de la Free Software Foundation Europe  : « Public Money, Public code ».


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