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« Venenum » : un goût de paradis toxique au Musée des Confluences

Après un parcours guidé dans l’histoire du poison, Venenum lâche le visiteur en pleine nature dans une deuxième partie foisonnante et intrigante, entre sciences naturelles et médecine. De quoi faire le tour complet d’un sujet vipérin.

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Exposition Venenum au Musée des Confluences. DR

C’est sous le signe d’une installation énigmatique, plongée dans la pénombre, que commence le parcours : une pomme nimbée d’effets lumineux mouvants. Il y a là déjà le symbole du poison, son vecteur de transmission (une femme ! la sorcière) et la beauté pure. Car oui, le poison, tel qu’il est présenté ici et représenté dans l’imaginaire collectif, est beau.

En croisant différents scientifiques et domaines d’études (l’Histoire, les sciences naturelles, les beaux-arts, les sciences du vivant, la physique, la chimie, la médecine), jamais cette exposition ne se révèle nébuleuse ou inaccessible, bien qu’il faille plusieurs heures pour vraiment en découvrir tous les recoins et aplanir le mystère.

D’emblée, c’est une plaque décorative en argile figurant Thésée et Égée qui illustre le poison utilisé pour la conquête du pouvoir.

Et voilà que surgit la figure de l’empoisonneuse, développée à l’époque moderne avec Lucrèce Borgia (voir la famille italienne en médaillon) ou plus encore au XXe avec une flopée de journaux (Le Petit Journal, Détective…) livrant des récits sur Hélène Jégado, Marie Besnard ou Violette Nozière, que Claude Chabrol portera à l’écran, meurtrière certes mais aussi incarnation d’une jeunesse des années 30 qui cherche à s’émanciper de sa famille.

Exposition Venenum au Musée des Confluences. DR

Parce que son utilisation n’oblige pas à recourir à la violence, parce qu’il ne génère pas des jaillissement de sang, le poison est l’outil des « sans armes », comme l’indique le panneau consacré au Moyen-Âge. Mais si ces faits divers sont entrés dans l’histoire française de nos aïeux et ont presque été romantisés malgré leur absolue cruauté, un mur d’images de vidéos à actionner tactilement nous rappelle, en de courts reportages d’Arte ou France 2, que les guerres récentes furent de terribles terrains d’expérimentations du Zyklon B et d’autres gaz assassins.

Particules fines

Après l’histoire, un cabinet de curiosité. Le Musée des Confluences ne renie pas son ADN et fouille dans ses collections (39 prêteurs en sus !). Voici revenir des sous-sols une plaque d’insectes venimeux punaisés et des oiseaux vénéneux. La différence entre ces termes souvent amalgamés est précisée d’emblée : est venimeux ce qui diffuse un venin (serpents, scorpions, oursins…) et vénéneux ce qui contient une substance toxique (des végétaux – voir les magnifiques amanites sur un écran dont on peut suivre la transformation – et quelques animaux).

Qu’elles entrent dans l’une ou l’autre de ces catégories, ces bestioles sont vivantes ici ! Dans un aquarium ou un vivarium, des rainettes jaguar du Brésil ou des mygales évoluent sous nos yeux. Là encore, la beauté est de mise quoiqu’anecdotique pour l’homme qui utilise cette toxicité, dissimulée par exemple au bout d’une sarbacane. L’humain n’a eu de cesse de transformer le poison à des fins même guérisseuses au point qu’aux XVIIIe et XIXe siècles, le pharmacien seul a le droit de manipuler les substances.

Puis, les chimistes s’en emparent comme le montre un espace dédié au radium, que les époux Curie découvrent en 1898 et qui sera intégré à des produits cosmétiques avant que sa radioactivité ne le condamne.

Même sort pour l’amiante et le plomb. Ces petits soldats avec lesquels tous les enfants des décennies passées ont joué sont désormais bannis pour risque de saturnisme et sont dorénavant des pièces de musée ! L’enchaînement est alors tout trouvé pour aboutir aux polluants d’aujourd’hui, photo-fresque d’usine à la clé.

Sans être démagogique et encore moins moralisante, cette expo ne fait pas l’impasse sur les poisons secrétés désormais par l’Homme, perturbateurs endocriniens compris. Puisque tout ce qui peut tuer peut aussi guérir et que la dose définit cette nuance fondamentale, une ancienne pharmacopée des HCL et des boites de médicaments d’aujourd’hui se juxtaposent.

En cette fin de parcours se trouvent ces moyens ancestraux et presque ludiques s’ils n’étaient pas emprunts de croyances plus loufoques que scientifiques : un céladon, porcelaine en grès recouverte d’un vernis à base de fer, qui était réputé pour changer de couleur ou se briser si un produit toxique était déposé dans cette vaisselle du XVIIIe. Entre fantasme et réel, le poison se diffuse ici par tous les supports et dans toute les travées.

Venenum, un monde empoisonné
Au musée des Confluences jusqu’au 7 janvier

Par Nadja Pobel sur petit-bulletin.fr

 


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