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La Graine et le Bitume, quand la nature reprend ses droits à Villeurbanne

Si voir fleurir des jonquilles dans de petits espaces au bord de trottoirs tronqués enchante aujourd’hui les passants, cela n’a pas toujours été le cas. À travers l’exemple de Villeurbanne, la nouvelle exposition du Rize montre comment la nature a été exclue puis réinvitée dans l’espace urbain depuis plus de cent ans. Très instructif.

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La Graine et le Bitume, quand la nature reprend ses droits à Villeurbanne

Ça dépasse, ça se répand même parfois sur le trottoir, ça se faufile dans les fissures du béton à l’image de la belle affiche de cette exposition. Et puis la terre parfois mouillée salit un peu, déborde. Mais indubitablement, la nature regagne du terrain. Doucement. Très doucement. Sûrement.

Ce que démontre d’emblée cette exposition qui se lit sur des panneaux de bois (ou dans la brochure – gratuite – en libre service) est que la nature a d’abord été, et pendant longtemps, l’ennemi de l’urbanisation. Le Rize nous a déjà beaucoup raconté (Des maisons à Villeurbanne en 2013, Villeurbanne la laborieuse en 2011) l’histoire contemporaine de cette ville.

Affiche de l’exposition La Graine et le Bitume | © Le Rize

Encore très agricole au XIXe siècle, refusant de se laisser absorber par Lyon au tournant du XXe siècle, elle s’est industrialisée et urbanisée.

Les ouvriers logeaient alors autour de leurs usines, elles-mêmes en plein champs, dans des lotissements attenants ou des bidonvilles, voire dans des jardins ou friches proches de l’entreprise. Souvent, ils construisaient eux-mêmes leurs toits, insalubres, jusqu’à ce que la Ville les interdise en 1930.

L’urbanisation excessive trouve alors son terreau. La boue, l’humidité de ces lieux génèrent de graves problèmes de santé publique, de développement et de transmission de maladies. Le béton apparaît comme le rempart absolu à cette saleté ; la nature est bannie.

Lazare Goujon, maire de 1924 à 1935, par ailleurs médecin et chantre de l’hygiénisme, va entreprendre de créer le quartier des Gratte-ciel (1933) loin de la pollution des usines et des conditions précaires d’habitat.

Cependant, toujours soucieux de la santé des ses administrés et de la nécessité de respirer un air potable, il ne néglige pas les jardins publics, un espace rationalisé.

Vert de gris

Toute cette histoire passionnante ne se lit pas de façon didactique au Rize. Chronologique sans être présentée comme un cours d’Histoire avec un découpage temporel, elle se décline avec des noms d’arbres, d’horticulteurs (voir Léonard Lille qui développe un commerce de graines) et est illustrée notamment par un mur de collages de somptueuses lithographies de fruits et légumes.

Surtout, en plus de ces explications indispensables, place est faite à l’espace. C’est audacieux de laisser la majeure partie de la surface à… une balançoire ! Fonctionnelle, elle invite au repos.

De part et d’autre, des boxes où l’on peut s’allonger pour regarder les vidéos des arbres de la Feyssine (le plus grand parc de la ville) ou la vidéo du jardin de tout-petits, cet espace aux grilles et bâtiment art-déco inauguré en 1929 dans l’enceinte du jardin de Pauline Lafont, épouse de l’industriel Adolphe Lafont, qui, soucieuse de créer un espace dédié aux enfants, fait don d’une partie de son terrain.

Des images d’archives essentiellement en noir et blanc avec les commentaires des enfants d’aujourd’hui et de leurs mamans (mais où sont les papas ?) permet de découvrir ce lieu connu des minots surtout pour son labyrinthe… en béton.

Du gris au vert

Si le terme « d’espace vert » apparaît dans les textes réglementaires en 1961, la végétalisation met encore du temps à trouver sa place. Dans les années 70 à Villeurbanne, cette nature est recouverte par des immeubles (quartiers des Brosses et Saint-Jean).

Un parc est cependant attenant sans être vraiment pensé. C’est avec les maires Charles Hernu (parc des Droits de l’homme, 1981) puis surtout Gilbert Chabroux qui a initié un « Plan vert » en 1991 (parc de la Feyssine, livré en 2002) que la verdure retrouve sa place.

Compost, plantation dans les trottoirs… ce que pointe cette exposition est aussi le rôle des citoyens de réintroduire le végétal, soutenu ensuite par les politiques et, in fine, la ville devient paradoxalement un lieu de biodiversité où, bien souvent, moins de pesticides sont utilisés que dans les campagnes.

Incitant à mettre la main à la terre, le Rize propose une grainothèque : à chacun de déposer ou prendre des sachets de graines de légumes, fruits ou fleurs et se construire un jardin même en jardinière ! Back to basics !

La Graine et le bitume
Au Rize jusqu’au 30 septembre (nombreux ateliers, projections de films tout au long de l’exposition)

Par Nadja Pobel sur petit-bulletin.fr


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