Pendant 15 ans, Emmanuel s’est détourné du vote. En 2014, son entreprise de menuiserie fait faillite. Sans revenu et sans soutien financier, Emmanuel devient sans domicile fixe. Deux ans plus tard, il retrouve ce qu’il appelle une « vie normale », avec un travail et un appartement.
Son expérience de la rue l’a fait changer d’avis. Il ira voter en 2017 :
« Je suis partagé entre le vote blanc et le Front National. Il y a tellement de choix que rien ne change. Blanc ou extrême, j’irai voter c’est sûr. C’est important, même si c’est blanc. »
« Je me retrouve plus dans le FN que dans d’autres partis »
Parler de politique était tabou dans la famille d’Emmanuel. Son attrait pour le Front National n’est que très récent. Ce serait son parcours dans la rue qui l’aurait amené à se tourner vers ce parti. Originaire du Pas-de-Calais, Emmanuel a traversé la France et a passé un an dans les rues de Perpignan, accompagné de son chien.
À son arrivée à Lyon, il parvient à trouver un logement à La Maison de Rodolphe, un centre d’hébergement. Il s’agit d’un des rares lieux où les sans domiciles fixes peuvent être logés avec leurs chiens.
Un an plus tard, Emmanuel a un emploi stable de concierge et quitte le foyer pour un appartement.
Son parcours de vie explique son parcours de vote :
« Depuis que j’ai tout perdu, je me suis rendu compte qu’il y avait très peu d’aide pour nous. »
Ce « nous » que désigne Emmanuel, c’est celui de « Français » qui seraient selon lui délaissés par les politiques. Il opère une distinction entre les Français et les « étrangers », qui auraient beaucoup plus de soutiens, tant financiers qu’en termes d’aides au logement. Un propos qui tord la vérité mais devenu classique au sein du FN et chez ses partisans.
L’attrait pour le FN se justifie donc par le fait qu’il s’agisse, pour Emmanuel, du seul parti qui « pense vraiment à [lui] ».
Pour autant, le Pas-de-Calaisien rejette tout racisme, précisant que la mère de son enfant est d’origine maghrébine et musulmane. Emmanuel ne pense pas que le FN soit profondément raciste :
« Je ne le vois pas comme cela. Pour moi, c’est un parti qui préserve les droits des Français en priorité. Les étrangers qui arrivent en France sont plus à plaindre, c’est sûr, mais on ne peut pas comparer les deux. »
Pour autant, Emmanuel n’est pas encore fixé. Préférant les idées aux personnalités politiques, aucun parti ne correspond vraiment à ses attentes.
« Je ne suis pas raciste, mais… »
Le vote blanc semble pour l’instant l’emporter. Il explique ce choix par son insatisfaction face aux propositions de chaque candidat et parti. Certain d’aller voter, Emmanuel doute :
« Je ne me retrouve dans rien. Il n’y a aucun parti qui me plaît réellement. »
Maintenant que le vote blanc n’est plus assimilé au vote nul, il pourrait gagner du poids. Habitué à ce vote, Emmanuel le considère comme un vote de rejet. En faisant le choix de ne pas choisir, il reste un citoyen actif et qui s’exprime.
Cependant, Emmanuel souligne le paradoxe fondamental de ce vote :
« Le problème, c’est que le vote blanc ne fait pas bouger les choses non plus. On se plaint de l’offre, mais on ne fait rien pour que cela change. »
Les partisans du vote blanc recherchent à ce qu’il soit comptabilisé au sein des suffrages exprimés. De la sorte, si le vote blanc atteignait un pourcentage conséquent, les élections pourraient être bouleversées. Mais pour Emmanuel cela reste encore loin. Il hésite alors à voter blanc pour exprimer son mécontentement, prenant le risque d’accepter le choix de la majorité sans y participer, et voter utile.
« Certains choisissent et on peut se plaindre, mais rien ne change. »
Mai 2017 est donc incertain. Emmanuel n’est pas allé et n’ira pas voter aux primaires, accordant plus d’importance au parti qu’à son candidat.
« Je n’ai pas de grandes convictions non plus. Je ne suis pas raciste, mais à choisir, je me retrouve plus dans le FN que dans d’autres partis. »
Dans quelques mois, Emmanuel choisira donc : voter blanc ou, comme il le dit et selon son point de vue, « voter utile ».
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