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Contraception Essure par Bayer : « Ces implants ont fait beaucoup de dégâts »

Témoignage / En France, 170 000 femmes sont porteuses du dispositif de contraception définitive Essure, développé par le laboratoire allemand Bayer, depuis sa mise sur le marché en 2002.

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Contraception Essure par Bayer : « Ces implants ont fait beaucoup de dégâts »

Le tribunal de grande instance de Bobigny s’est réuni ce vendredi 10 mars pour trancher sur les éventuelles suites à donner à l’action intentée par trois utilisatrices du dispositif médical controversé.

Elles espèrent notamment obtenir la désignation d’un expert médico-judiciaire aux frais du laboratoire pour faire la preuve du préjudice subi. La décision sera rendue le 5 mai prochain.

Nous avons rencontré plusieurs femmes, habitantes de la région, qui ont témoigné de leurs souffrances, de leurs interrogations, de cette vie qui s’est écrit entre parenthèses, depuis la pose de l’implant. Chantal, 46 ans, a livré son récit.

Le nombre de signalements de ces effets auprès de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) se multiplient comme des petits pains. De nombreuses patientes demandent à se faire retirer ces implants.

Des actions en justice ont été lancées contre le laboratoire. Comme pour l’affaire du Mediator ou de la Dépakine, une association de victimes s’est créée. Retour sur cette affaire qui ressemble à un nouveau scandale sanitaire.

« Psychologiquement, je me sentais dans l’injustice »

Chantal a 46 ans. Une situation familiale classique. Mariée, deux enfants de 12 et 17 ans. Un job dans une école. Une maison en Ardèche. Le couple ne souhaite plus avoir d’enfant. Elle ne supporte ni la pilule, ni le stérilet. Alors son gynécologue lui propose, il y a deux ans et demi, d’avoir recours aux implants contraceptifs définitifs.

« Mon gynécologue m’a présenté ces implants comme quelque chose de nouveau. L’intervention s’effectue rapidement. On ne fait pas de trou dans le ventre. On passe par les voies naturelles avec la pose de deux petits ressorts de 4cm (constitués de fibres de polyéthylène, de nickel-titane et d’acier inoxydable) dans les trompes de Fallope (ceux-ci doivent déclencher une cicatrisation qui obstruent les trompes). On reste seulement un jour à l’hôpital. »

Chantal est emballée par l’idée. Elle lui fait confiance. En octobre 2014, la pose des implants (ce dispositif est remboursé par la Sécurité sociale depuis 2005) s’effectue à l’hôpital de Romans. Elle subit une anesthésie générale (« c’est le cas dans plus de la moitié des cas », selon l’association R.E.S.I.S.T. (Réseau d’Entraide, Soutien, Informations sur la Stérilisation Tubaire).

Mais les choses ne tournent pas rond. Dès son réveil, la mère de famille fait une crise de tétanie. Dès qu’elle pose les pieds par terre, elle tombe immédiatement dans les pommes. Finalement, Chantal reste hospitalisée quatre jours.

« Récemment, mon gynécologue m’a dit : dès le premier jour, votre corps n’a pas accepté ces implants. »

Chantal sera opérée le 15 mars prochain. Ses implants contraceptifs Essure lui seront retirés. © DR

Les premiers effets secondaires apparaissent six mois après l’intervention. D’importants maux au ventre à se tordre en deux. Des douleurs musculaires un peu partout. Des migraines et des nausées. Des pertes de sang après les règles. Des rapports sexuels douloureux. Des trous de mémoire.

Au boulot, Chantal ne montre rien. Elle prend des traitements pour atténuer la souffrance physique. En deux ans, son poids change : vingt kilos de plus sur la balance alors qu’elle mange normalement. Elle est constamment fatiguée. Elle doit même arrêter le sport. Elle qui d’habitude arpentait une salle cinq heures par semaine.

 « Dès que mon rythme cardiaque augmentait, je tombais dans les pommes. »

« On m’a dit : vous n’avez rien. J’ai répondu : j’ai mal, je ne vais pas bien… »

Chantal consulte très régulièrement son médecin généraliste. Par deux fois, elle doit même se rendre aux urgences en raison de ces douleurs au ventre.

« C’est comme si j’allais accoucher », se souvient-elle.

Elle réalise pas moins de trente-sept séances de kinés en deux ans.

On lui dit d’aller voir un nutritionniste pour régler ses problèmes de surpoids. Un sophrologue pour être moins fatiguée.

Elle réalise toute une batterie d’examens (sanguins, radios, scanners…) dans l’espoir de mettre des mots sur ces maux. Les résultats ne montrent rien d’anormal. Tout roule. Du moins, en apparence.

« Un jour, mon médecin m’a dit : « je ne vois pas comment ces implants peuvent être la conséquence de ces effets secondaires. »

Pourtant, cette mère de famille continue à souffrir nuit et jour. Il n’y a pas de trêve. Elle se questionne devant tant d’incertitudes. Autant que son entourage, démuni.

« Psychologiquement, je me sentais dans l’injustice. Je me posais tout un tas de questions alors que je connaissais mon corps. On tourne vraiment en rond. Mais j’ai eu la chance d’être constamment soutenue. Car certains couples se sont séparés. Ces implants ont fait beaucoup de dégâts. »

En juillet 2016, c’est la révélation. Chantal tombe par hasard sur la page Facebook « France Alerte Essure ». Une page où des femmes parlent de leurs problèmes depuis la pose de ces implants définitifs. Dans la foulée, elle adhère à l’association R.E.S.I.S.T. .

« J’avais bien tous les symptômes décrits par les membres du groupe. Je n’étais pas la seule femme dans ce cas-là. Cela m’a vraiment ouvert les yeux. Mes problèmes proviennent bien des implants contraceptifs.»

Chantal informe donc son médecin généraliste mais aussi son gynécologue de cette découverte. Dans la foulée, on lui prescrit une nouvelle série d’examens durant quatre mois. « Il fallait éliminer d’éventuels problèmes médicaux qui ne seraient pas liés aux implants. »

Elle fait également des tests allergènes, assez onéreux, concernant les deux principaux composants des implants, le nickel et le chrome. Les résultats sont normaux. Elle n’est pas allergique. En revanche, elle apprend de la part de son dermatologue que l’on pouvait être intolérant sans être allergique aux composants des implants.

« Dans mon cas, tous ces métaux lourds ont été probablement des perturbateurs endocriniens. »

« Maintenant, mon gynécologue est à l’écoute, il se pose des questions »

Ces derniers mois, les choses ont bougé. Le 9 septembre, elle transmet un courrier au député de sa circonscription pour l’informer de la dangerosité de la méthode de contraception définitive Essure. Elle l’invite notamment à relayer l’information auprès de Marysol Touraine, ministre de la Santé, « sur les risques liés à cette méthode et sur notre volonté qu’elle soit retirée du marché, afin que le nombre de victimes cesse d’augmenter. »

Le 24 octobre, Chantal envoie une déclaration d’alerte et de sécurité à l’ANSM, dans laquelle elle indique, noir sur blanc, l’ensemble des symptômes (selon les chiffres du Parisien, les signalements se multiplient d’année en année: 42 en 2012, 58 en 2013, 142 en 2014, 242 en 2015 et 162 entre janvier et octobre 2016).

 

La déclaration d’alerte et de sécurité transmise par Chantal à l’ANSM.

Son dossier a bien été reçu. Elle attend des nouvelles. Début décembre, la presse s’est fait écho de ce scandale. Une boule de neige médiatique s’est formée. Aujourd’hui, cette mère de famille affirme que son gynécologue – « même s’il n’est pas totalement persuadé que tous mes symptômes soient liés aux implants » – prend les choses beaucoup plus au sérieux.

« Maintenant, mon gynécologue est plus à l’écoute. Il se pose des questions. »

Il a accepté de retirer les implants (Chantal sera sa seconde patiente). Il s’agit d’une opération lourde avec une ablation des trompes de Fallope, voire du col de l’utérus et de l’utérus. L’intervention est prévue à l’hôpital de Romans, le 15 mars.

« Certains gynécologues refusent de retirer ces implants. Des femmes sont obligées d’en rencontrer trois ou quatre pour l’intervention. »

En revanche, son anesthésiste, qu’elle a rencontré début mars, semble carrément plus sceptique. Voire un brin moqueur. Il qualifierait ce retrait de nouvelle mode » depuis que l’affaire est sortie dans la presse.

Aujourd’hui, Chantal n’attend plus qu’une chose : la date du 15 mars. Il n’y a pas vraiment d’excitation dans sa voix. Elle se dit partagée entre soulagement et angoisse. Car les risques sont bien réels dans la mesure où il n’existe aucun protocole de retrait.

« Si on tire sur les implants, des petits morceaux de fibres peuvent se balader dans tout le corps. On ne pourra plus les enlever, car ils ne seront pas visibles à la radio. Il faut faire confiance en la médecine.»

Si l’intervention se déroule sans accroc, Chantal verra si les effets secondaires qui lui pourrissent la vie partent comme ils sont arrivés. Du jour au lendemain. En revanche, son combat ne s’arrêtera pas là contre le fabricant. A l’issue de son opération, elle portera plainte contre le laboratoire Bayer.

Une action contre le laboratoire Bayer, qui défend son dispositif

Le 9 décembre, Maître Charles-Joseph Oudin, par ailleurs défenseur des victimes du Mediator et de la Dépakine, a lancé la première action judiciaire contre les implants de contraception définitive Essure. Trois assignations en référé, au civil, ont été examinées, le 23 janvier, par le tribunal de grande instance de Bobigny.

Aujourd’hui, environ 150 dossiers sont en cours de constitution. D’autres assignations en référé vont être déposées ces prochaines semaines. Contacté par Rue89Lyon, Maître Oudin souhaite « la nomination d’un expert qui nous donnera son avis ».

« Ensuite, nous voulons que le laboratoire prenne à sa charge le coûts des expertises ( de l’ordre de 3 000 à 4 000 euros par dossier). Enfin, comme le réclament les patientes et l’association Resist, nous demandons bien évidemment la suspension du produit en attendant les résultats de l’expertise », conclut-il.

Du côté du laboratoire Bayer, on ne se répand guère dans les médias. Une réponse aux différentes attaques contre son implant a été publiée dans un communiqué de presse daté du 9 décembre 2016. Le laboratoire précise notamment que,

« l’ANSM ne dispose pas d’élément, à ce stade, permettant de remettre en cause le rapport bénéfice/risque du dispositif Essure. »

Pour rappel, depuis juillet 2015, cet implant fait l’objet d’une surveillance renforcée par l’ANSM et le ministère de la Santé. En février 2016, le ministère de la Santé a publié un arrêté pour accélérer la mise en œuvre des recommandations de bonne pratique proposées par les professionnels. Comme l’indique R.E.S.I.S.T.,

« des règles ont été définies concernant la formation des professionnels réalisant l’acte de pose de ces implants et les conditions techniques dans lesquelles l’acte est effectué ».

Par ailleurs,

« La pratique de l’acte de pose de dispositifs pour stérilisation tubaire par voie hystéroscopique a été limitée à certains établissements. »

En avril 2016, une étude épidémiologique menée par l’ANSM visant à décrire l’utilisation et évaluer la sécurité de l’implant ESSURE en comparaison à la ligature des trompes par voie coelioscopique à partir des données de l’assurance maladie a débuté.

Les résultats seront présentés le 19 avril prochain. Fin janvier, l’ANSM a proposé la mise en place d’un CSST (comités scientifiques spécialisés temporaires). Ce comité, piloté par l’agence en associant Marielle Klein et Isabelle Ellis, à titre de patient expert, sera constitué de gynécologues, toxicologues, cardiologues…


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